FENELON, MAURICE, professeur, libraire, homme politique et fonctionnaire, né en 1834 dans le comté de Carlow (république d’Irlande) ; il épousa Ellen Kitchen de St John’s, et ils eurent un fils ; décédé le 31 janvier 1897 à St John’s.
Maurice Fenelon, titulaire d’un certificat d’enseignant de première classe décerné par l’Irish Board of National Education, s’embarqua en 1856 pour St John’s où il allait devenir maître d’anglais et de mathématiques au St Bonaventure’s College, école catholique pour garçons fondée cette année-là. Plus tard, l’un de ses élèves allait dire de lui qu’il appliquait une « discipline rigoureuse [et] insistait pour que tous les règlements de l’établissement soient suivis à la lettre », mais que néanmoins il « pouvait faire une farce ou un jeu de mots ». Il quitta le collège en 1867 pour les États-Unis, où il vécut peut-être trois ans. En 1870, il était de retour à St John’s et il reprenait l’enseignement l’année suivante à la St John’s Academy. À la même époque, il appliquait ses connaissances littéraires au commerce plus lucratif des livres et de la papeterie. En qualité de propriétaire du « Catholic and General Book-Store, Cheap Stationery Warehouse and News Depot », il allait vendre, entre autres marchandises, des « instruments de musique, cannes, articles religieux, images et chapelets » jusqu’à ce que le grand incendie de 1892 rase son magasin de la rue Water, en même temps qu’une grande partie de la ville.
Le maître d’école devenu libraire semble avoir eu des intérêts aussi variés que le stock de son magasin. Élu sans opposition à l’Assemblée législative de Terre-Neuve à l’occasion d’une élection partielle dans St John’s West en 1871, comme partisan de Charles James Fox Bennett*, Fenelon serait réélu aux trois élections suivantes. Aux élections générales de 1869, Bennett, qui était protestant, avait réussi malgré le sectarisme qui hantait la politique terre-neuvienne à former une précaire coalition de protestants et de catholiques opposés à la Confédération, que défendait Frederic Bowker Terrington Carter. Fenelon avait été porté par la vague hostile au projet confédératif en 1871 mais, aux élections générales de 1873, la crise était passée et, comme le vote se répartissait plus traditionnellement selon les confessions religieuses, l’alliance formée par Bennett eut du mal à remporter la victoire. Après le départ de plusieurs membres de son parti, ce dernier démissionna au début de l’année suivante et, à l’automne, on porta au pouvoir le parti protestant de Carter.
Aux élections de 1878, Carter et Bennett avaient tous deux quitté la scène politique, et le nouveau dossier d’un chemin de fer dans l’île réunit encore une fois protestants et catholiques au sein de l’Assemblée. Fenelon se trouva alors dans l’inconfortable situation d’avoir à s’opposer au parti de William Vallance Whiteway*, que l’on associait aux causes traditionnellement défendues par les libéraux catholiques. Avant la fin de l’année, il avait démissionné et, en mai 1879, il remplaça Michael John Kelly* au poste d’inspecteur catholique des écoles. Durant les sept années suivantes, Fenelon consacra ses énergies à son travail d’inspecteur des écoles, à son magasin et à la Benevolent Irish Society, organisme qu’il avait présidé de 1874 à 1879 et auquel il adhéra toute sa vie. Cela ne l’empêchait pas de se rendre compte qu’en politique le feu couvait sous la cendre.
En 1882, un raz-de-marée électoral qui fit disparaître temporairement les barrières religieuses porta le parti de Whiteway au pouvoir, et mit en minorité le New Party pro-protestant de James Johnstone Rogerson*. Cependant, la violence sectaire explosa de nouveau en décembre de l’année suivante, dans le village de Harbour Grace : une bataille entre protestants et catholiques au cours d’un défilé orangiste fit cinq morts. Comme on craignait d’autres troubles, on demanda à l’Amirauté britannique d’envoyer sur les lieux un navire de guerre. Nerveux, les protestants de la colonie firent front commun contre la minorité catholique et contre Whiteway, qu’ils tinrent responsable de l’acquittement des 19 accusés en 1884–1885 [V. Robert John Kent]. Whiteway donna sa démission en octobre 1885 et Robert Thorburn* mit sur pied une coalition de protestants qui, sous le nom de parti réformiste, formèrent le gouvernement. Aux élections générales suivantes, marquées par une grande animosité religieuse, les réformistes battirent les libéraux de sir Ambrose Shea* ; l’Assemblée se retrouva divisée selon des lignes confessionnelles rigoureuses, et aucun député catholique n’était du côté du gouvernement. Comme le premier ministre Thorburn craignait l’accroissement de l’antagonisme religieux et peut-être d’autres effusions de sang, il se tourna vers Maurice Fenelon. Ce dernier était, semble-t-il, l’homme de la situation et il possédait un atout non négligeable : il était catholique.
Pour restaurer une certaine paix religieuse au gouvernement et dans la colonie, Thorburn demanda donc à Fenelon et à son coreligionnaire libéral William J. S. Donnelly de faire partie de son équipe. Fenelon, qui ne siégeait pas à la chambre, fut assermenté au poste important de secrétaire de la colonie le 26 juillet 1886 et nommé au Conseil législatif. Le nouveau gouverneur, sir George William Des Vœux*, écrivit au ministère des Colonies que le choix de ces deux hommes « éminemment compétents » marquait la diminution des tensions religieuses et laissait pressentir « la fin de l’extrême animosité sectaire qui a[vait] caractérisé la politique de la colonie depuis quelques années ». La nomination n’eut pas seulement pour effet d’apaiser les catholiques – indice du respect qu’on portait à Fenelon –, elle incita également tous les députés catholiques, sauf trois, à se ranger du côté de Thorburn même avant la rentrée parlementaire. Ce précédent qu’on venait d’établir en matière de représentation confessionnelle deviendrait un modus vivendi pour presque tous les gouvernements suivants.
Fenelon, à titre de secrétaire de la colonie, participa aux délicates négociations internationales qui menèrent à l’adoption du Bait Act en 1888 [V. Robert Stewart Munn]. De nouvelles controverses et de vieux hommes politiques allaient cependant mettre le parti de Thorburn en déroute l’année suivante. Aux élections générales, Whiteway quitta sa retraite pour prendre la direction des libéraux, qui avaient fait peau neuve, et pour lancer les habituelles accusations de corruption contre les titulaires de postes publics ; les réformistes furent presque anéantis. Candidat dans Harbour Main, Fenelon fut défait par près de dix voix contre une par ses deux adversaires libéraux.
Maurice Fenelon ne retourna à ses livres que pour quelque temps. En 1892, le feu détruisit sa boutique et, l’année suivante, on le persuada de se représenter comme député, cette fois sous la bannière tory dans St John’s East. Les libéraux furent réélus, mais des accusations de corruption électorale amenèrent Whiteway à remettre sa démission. Pendant que les tribunaux étudiaient l’affaire, on demanda en avril 1894 au chef conservateur Augustus Frederick Goodridge de former le gouvernement, et Fenelon, qui avait été défait aux élections, fut invité à reprendre son siège au Conseil législatif, ce qu’il fit le 7 août. Whiteway redevint par la suite premier ministre mais Fenelon conserva son poste au conseil. En décembre, alors qu’on se ressentait encore de l’incendie de 1892 et de la crise politique, survint l’effondrement des principales banques de la colonie ; Fenelon, qui était alors un homme politique chevronné, fut nommé syndic de la défunte Commercial Bank of Newfoundland. À sa mort en 1897, il était toujours conseiller législatif, et les journaux firent remarquer qu’on avait pour ainsi dire donné à ce pionnier de l’enseignement et pacificateur politique des obsèques nationales.
PRO, CO 194/209 : 151–152 ; CO 199/83–90 (copie aux PANL).— T.-N., Legislative Council, Journal, 1886–1894.— Daily News (St John’s), 1er, 3 févr. 1897.— Evening Herald (St John’s), 31 janv. 1895, 1er févr. 1897.— Evening Telegram (St John’s), 1er févr. 1897.— Encyclopedia of Nfld. (Smallwood et al.), 1 : 679–749.— Nfld. men (Mott), 59.— Nfld. year book and almanac, 1870–1892.— Who’s who in and from Newfoundland [...] (St John’s, 1927), 224.— Centenary volume, Benevolent Irish Society of St John’s, Newfoundland, 1806–1906 (Cork, république d’Irlande, [1906]), 134–135.— Hiller, « Hist. of Nfld ».— F. W. Rowe, A history of Newfoundland and Labrador (Toronto, 1980).— Harvey Mitchell, « The constitutional crisis of 1889 in Newfoundland », Canadian Journal of Economics and Political Science (Toronto), 24 (1958) 323–331.— Parsons’ Xmas Annual (St John’s), 1907 : 13–16.
Robert D. Pitt, « FENELON, MAURICE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fenelon_maurice_12F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/fenelon_maurice_12F.html |
Auteur de l'article: | Robert D. Pitt |
Titre de l'article: | FENELON, MAURICE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |