JUCHEREAU DE LA FERTÉ, DENIS-JOSEPH, lieutenant réformé, baptisé à Québec le 20 juin 1661, fils de Jean Juchereau* de La Ferté et de Marie Giffard, mort célibataire, inhumé à Québec le 9 août 1709.

Sa présence parmi les traitants du lac Supérieur, à l’automne de 1683, est signalée dans une lettre de Daniel Greysolon Dulhut à Le Febvre* de La Barre, du 12 avril 1684. Il redescendit sans doute à Québec le printemps suivant, puisqu’il prit part à l’expédition du même gouverneur contre les Tsonnontouans. Il est mentionné comme capitaine des miliciens de Cap-Rouge, à la revue du 14 août 1684 faite au fort Frontenac. Le 7 août 1685, Juchereau engage Laurent Glory pour un voyage au pays des Outaouais ; en 1686, on le retrouve à Michillimakinac d’où il s’apprête à revenir à Québec. Il participe apparemment à l’expédition de Brisay de Denonville contre les Tsonnontouans en 1687, puisque la « compagnie de La Ferté » s’y trouve. C’est à ce Juchereau, semble-t-il, que Frontenac [Buade*] donne une commission de lieutenant réformé, le 15 octobre 1691.

Au début de 1694, il est accusé, avec Jean-Baptiste Le Moyne de Martigny, cousin de Pierre Le Moyne d’Iberville, et d’autres officiers, d’avoir troublé la paix dans la basse ville de Québec. La même année, il accompagne Louis Jolliet* dans un voyage d’exploration au Labrador. Il apparaît comme garde-marine sur le Wesp en 1697 : le Wesp est l’un des cinq navires que Le Moyne d’Iberville conduit, cette année-là, à la reconquête du fort Nelson, dans la baie d’Hudson. Au printemps de l’année suivante, Juchereau est envoyé de France comme messager pour avertir Frontenac des préparatifs de la Nouvelle-Angleterre contre le Canada.

On n’entend de nouveau parler de lui qu’en 1703. Il eut alors une querelle avec un enseigne nommé Noël Chartrain, qu’il roua de coups de bâton. Cette affaire, entre officiers, était assez grave. Vaudreuil [Rigaud], partant alors pour Montréal, ordonna au lieutenant de roi, Antoine de Crisafy, de mettre Juchereau en prison. Le lendemain, le même Crisafy le libéra, à la demande de sa femme, cousine du prisonnier. Vaudreuil dut le faire incarcérer de nouveau à son retour, soulevant l’ire du procureur général, François Ruette d’Auteuil, et de son gendre, Crisafy. Paul Dupuy de Lisloye, lieutenant de la Prévôté de Québec, présida au procès. Chartrain trouva la sentence trop douce pour Juchereau et le roi permit d’en appeler au Conseil supérieur, pourvu que les juges ne fussent pas de la parenté de l’accusé. Mais, en 1705, Vaudreuil pouvait écrire que le silence s’était fait sur l’incident. Entre-temps, La Ferté avait servi en 1704 connue lieutenant du commandant La Durantaye [Morel] sur le Joybert, brigantin armé à Québec pour la course contre les Anglais de Terre-Neuve.

Denis-Joseph Juchereau ne fut jamais qu’un officier subalterne et ne fit guère parler de lui autrement que par ses frasques. À sa mort, il fut enseveli, comme plusieurs membres de sa famille, à l’Hôtel-Dieu de Québec.

Lucien Campeau

Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938–39 : 22–23, 86.— Découvertes et établissements des Français (Margry), VI : 44.— Estat des employs vaquans ausquels Monsieur le comte de Frontenac [...] a pourvue en l’année 1691 en attendant les commissions de sa majesté, BRH, XIII (1907) : 341.— Journal de Louis Jolliet allant à la descouverte de Labrador, 1694, RAPQ, 1943–44 : 195s.— P.-G. Roy, Inv. coll. pièces jud. et not., I : 281.— Claude de Bonnault, Le Canada militaire, RAPQ, 1949–51 : 376.— J.-B.-A. Ferland, Cours d’histoire du Canada (1534–1759) (2 vol., Québec, 1861, 1865), II : 190.— P.-G. Roy, La famille Juchereau Duchesnay (Lévis, 1903), 54–56 ; Fils de Québec, I : 63–65 ; Un corsaire canadien : Jean Léger de La Grange, BRH, XXIV (1918) : 65s.