JOHNSON, THOMAS HERMAN (Hermann), avocat et homme politique, né le 12 février 1870 à Héðinshöfði, Islande, fils de John Johnson (Jón Björnsson) et de Margrét Sigriður Bjarnadóttir ; le 21 juin 1898, il épousa à Winnipeg Aurora Frederickson, de Glenboro, Manitoba, et ils eurent une fille et deux fils ; décédé le 20 mai 1927 à Winnipeg.
Thomas Herman Johnson s’installa à Gimli (Manitoba) avec ses parents en 1879. Gimli était le principal peuplement d’une réserve ethnique appelée New Iceland et créée en 1875 par le gouvernement fédéral sur la rive ouest du lac Winnipeg [V. Jón Bjarnason*]. La famille s’établit à Winnipeg en 1881 puis en 1886 dans la colonie d’Argyle, district islandais (et non pas réserve) situé non loin de Glenboro, à quelque 150 kilomètres au sud-ouest de Winnipeg. En 1898, Johnson épouserait Aurora Frederickson, fille d’un important marchand islandais installé à Glenboro depuis 1886.
En 1888, Johnson obtint un brevet d’enseignement et devint instituteur dans le district d’Argyle. Pour lui comme pour bien des jeunes gens de l’époque, enseigner n’était qu’une occupation temporaire. En 1890, il s’inscrivit dans un établissement luthérien de St Peter au Minnesota, le Gustavus Adolphus College. Il paya ses études en donnant des cours d’été et reçut une licence ès arts en 1895. La même année, il commença un stage de droit au cabinet Richards and Bradshaw à Winnipeg. Son admission au barreau en 1900 en fit le premier avocat d’ascendance islandaise au Canada. Associé un peu plus tard après au cabinet Rothwell, Johnson and Bergman (après 1924, Johnson and Bergman), il réussit bien dans la profession. Il deviendrait le principal conseiller juridique de la Hudson’s Bay Company à Winnipeg et recevrait le titre de conseiller du roi en 1919.
Dès son jeune âge, Johnson s’intéressa à la politique et manifesta des affinités avec le Parti libéral. Il obtint un siège au conseil scolaire de Winnipeg en 1904 et se fit élire sous la bannière libérale aux élections provinciales de mars 1907. Durant 15 ans, il serait un des députés de Winnipeg à l’Assemblée. Lorsqu’il fut élu pour la première fois, les libéraux formaient l’opposition au gouvernement conservateur de Rodmond Palen Roblin*. À partir de 1907, ils purent compter sur l’appui grandissant des partisans de la réforme ainsi que des électeurs qui trouvaient que la machine de Roblin poussait la politique de parti jusqu’au ridicule et la soupçonnaient même de corruption. Finalement, en 1915, sous la direction de Tobias Crawford Norris* – qui comptait beaucoup sur Johnson (lequel pouvait se montrer plus sarcastique et déplaisant que lui) –, les libéraux purent dévoiler un gros scandale dont l’objet était la construction du nouvel édifice de l’Assemblée législative. Roblin démissionna le 12 mai. Les libéraux prirent le pouvoir, convoquèrent des élections sans délai et remportèrent 42 des 49 sièges de la Chambre.
Premier Islandais d’origine à occuper un poste ministériel dans un cabinet canadien, Johnson fut ministre des Travaux publics de mai 1915 à novembre 1917, premier ministre suppléant pendant une partie de l’année 1916, procureur général et ministre des Téléphones et Télégraphes de novembre 1917 à juin 1922. Le gouvernement de 1915 à 1920 fut l’un des plus importants de l’histoire du Manitoba. Parmi ses principales initiatives figuraient deux lois sur la prohibition. Le Manitoba Temperance Act de 1916 interdisait à quiconque de fabriquer et de vendre de l’alcool dans la province – sauf aux pharmaciens, sur ordonnance. La deuxième loi, adoptée en 1920, bannissait l’importation de boissons alcooliques. En outre, le gouvernement instaura, dans le domaine de l’éducation, des changements qui eurent d’énormes répercussions : il rendit la scolarité obligatoire, fit de l’anglais la seule langue d’enseignement dans les écoles publiques et resserra son contrôle sur l’université de Manitoba tout en lui accordant des crédits plus généreux. Au chapitre des réformes politiques, il fit adopter l’Initiative and Referendum Act (déclaré inconstitutionnel par la suite), créa une commission de la fonction publique, limita les dépenses électorales et en exigea la publication, et fit de Winnipeg une seule grande circonscription représentée par dix députés élus au suffrage proportionnel. Ce même gouvernement améliora la condition féminine par le Dower Act, la création d’une commission qui fixerait des salaires minimums pour les employées, et par l’octroi du droit de voter aux élections provinciales et de détenir des postes politiques. Enfin, il mit en œuvre des mesures pour favoriser le crédit agricole, améliorer le système public de santé [V. James William Armstrong], étendre le réseau routier de la province, encore embryonnaire, et fournir de l’énergie hydroélectrique aux localités rurales.
Johnson croyait au programme de son gouvernement et, comme ses collègues, il avait la conviction que la grande majorité des Manitobains approuvaient ce programme. Pourtant, aux élections provinciales de 1920, les libéraux obtinrent seulement 21 des 55 sièges et ne récoltèrent que 36 % du suffrage populaire (par rapport à 54 % en 1915). La hausse des dépenses avait déplu aux électeurs et l’indécision du gouvernement pendant la grève générale de Winnipeg [V. Mike Sokolowiski*] les avait déçus. En outre, la plupart des minorités ethniques et religieuses protestaient contre les réformes éducatives et la prohibition. Cependant, les deux principaux facteurs du déclin des libéraux étaient les suivants : le parti lui-même était divisé depuis que Johnson et d’autres membres du gouvernement avaient appuyé en 1917 la conscription et le gouvernement de coalition de sir Robert Laird Borden*, et les agriculteurs voulaient des candidats indépendants.
De 1920 à 1922, Johnson fut procureur général dans un gouvernement libéral minoritaire. Ce dernier ne put guère présenter des lois nouvelles à cause de la résistance réelle ou pressentie des partis d’opposition et de diverses factions au sein du Parlement. Johnson eut gain de cause en 1922 dans les poursuites civiles intentées en 1916 par la province contre la Thomas Kelly and Sons, les entrepreneurs chargés de construire le nouvel édifice de l’Assemblée, mais après la défaite du gouvernement en chambre, il décida de ne pas se porter candidat aux élections de 1922. Il consacrerait ses énergies à son cabinet juridique.
Pendant sa carrière politique, Johnson avait été un membre très en vue de la communauté islandaise du Manitoba. Lui-même et sa femme étaient des piliers de l’église First Lutheran de Winnipeg – dont les fidèles étaient essentiellement des Islandais – et ils chantaient dans la chorale. En 1925, Christian X, roi de Danemark et d’Islande, décerna à Johnson la grand-croix des chevaliers de l’ordre du Faucon, prestigieuse décoration destinée aux Islandais d’origine qui servent leur pays avec distinction. La même année, à la Norse-American Centennial Celebration tenue à St Paul au Minnesota, Johnson reçut du roi de Norvège, Haakon VII, le titre de chevalier de l’ordre de Saint-Olav. À son décès en 1927, un journal local dit qu’il était « le membre le plus distingué de sa race dans l’Ouest canadien ».
À la fin de la Première Guerre mondiale, Thomas Herman Johnson avait contracté la grippe espagnole, qui s’était répandue comme une traînée de poudre au Canada. Il ne recouvra jamais toutes ses forces. En 1926, il subit une grave opération, probablement pour un cancer. Il semblait en voie de rétablissement, mais mourut de manière assez inattendue en mai 1927. Les Manitobains savaient alors que l’année 1930 marquerait le millénaire de la fondation du Parlement islandais. En reconnaissance de la contribution de citoyens d’origine islandaise au progrès du Manitoba, le gouvernement de John Bracken* donna à l’Islande une effigie en bronze de Johnson. Elle fut dévoilée à Reykjavik en juin 1930.
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Morris Mott, « JOHNSON, THOMAS HERMAN (Hermann) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/johnson_thomas_herman_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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