JACRAU (Jacquerault, Jacquero), JOSEPH-ANDRÉ-MATHURIN, prêtre, curé, procureur du séminaire de Québec, promoteur de l’officialité diocésaine, né vers 1698 dans le diocèse d’Angers, France, décédé à Québec le 23 juillet 1772.
L’arrivée au Canada de Joseph-André-Mathurin Jacrau date d’au moins 1725, puisqu’il reçut la tonsure et les ordres mineurs de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] le 16 mars 1726 dans la chapelle de l’Hôpital Général, où il fut ordonné prêtre le 24 novembre suivant. Comme il avait déjà atteint la maturité requise, soit 28 ans passés lors de son ordination à la prêtrise, l’évêque lui confia la cure de 1’Ancienne-Lorette dès le début de 1727. Il eut quelques démêlés judiciaires avec son prédécesseur, Charles-Joseph Le Berre, et avec des habitants qui ne voulaient pas se soumettre à l’ordonnance publique des districts de paroisses. En 1737, Jacrau demanda son agrégation au séminaire de Québec, ce qui fut accordé le 15 octobre et approuvé le même jour par le vicaire général Jean-Pierre de Miniac. Reconnu pour son sens des affaires, le nouvel agrégé reçut la charge de procureur, vraisemblablement à la fin de 1738, et, pour en détenir légitimement le titre, il fut admis sans retard au conseil de la maison, décision que les directeurs de Paris n’hésitèrent pas à approuver. De plus, en 1739, le supérieur François-Elzéar Vallier*, sur le point de s’embarquer pour un repos en France, lui délégua ses pouvoirs de procureur de Mgr Dosquet, absent de la colonie depuis 1735.
Promoteur de l’officialité diocésaine depuis le 12 décembre 1740, Jacrau fut nommé par le séminaire pro-curé de Québec après la mort de Charles Plante* en 1744. On lui doit le recensement nominal de Québec et de la banlieue, commencé dès le 15 septembre de la même année. Jacrau fut en plus supérieur par intérim du séminaire, succédant à l’abbé Vallier décédé le 16 janvier 1747. À ce titre il eut des démêlés avec Mgr de Pontbriand [Dubreil*]. Jacrau prétendait que le séminaire de Québec n’était pas un séminaire épiscopal ni un séminaire diocésain et qu’il n’était soumis qu’à l’autorité des Missions étrangères de Paris. Mgr de Pontbriand, qui ne pouvait admettre de telles prétentions, prit en main la direction du séminaire. Mises au courant de ce conflit, les autorités de Paris envoyèrent à Québec Christophe de Lalane qui remplaça Jacrau comme supérieur à l’été de 1748. Le 20 septembre 1749, le séminaire le déchargeait de ses fonctions curiales à l’église paroissiale Notre-Dame de Québec, en nommant un nouveau curé en titre, Jean-Félix Récher*, de sorte que Jacrau put se donner tout entier à sa charge de procureur, qu’il avait reprise depuis novembre 1748, assisté dès l’année suivante du laïque David Mouisset. De 1752 à 1756, il fut l’assistant du procureur en titre Colomban-Sébastien Pressart ; par la suite, il reprit sa charge. Pendant ces années on eut à soutenir divers procès, surtout contre le chapitre de Québec, qui donnèrent ample matière à s’occuper aux procureurs du séminaire, en tant qu’archivistes [V. René-Jean Allenou* de Lavillangevin].
Jacrau fut l’un des cinq prêtres du séminaire à traverser la période cruciale de la Conquête. Resté seul à Québec avec Urbain Boiret pour surveiller les biens du séminaire durant le siège de 1759, il se dévouait au soin spirituel des patients de l’Hôpital Général lorsqu’il tomba gravement malade en septembre ; il demeura entre la vie et la mort jusqu’en mars de l’année suivante. Il se remit un peu mais demeura valétudinaire, ce qui ne l’empêcha pas, une fois la guerre terminée, d’aider au rétablissement du séminaire et de la seigneurie de Beaupré, complètement ravagée par les Anglais. Jacrau fut aussi aumônier des religieuses de l’Hôtel-Dieu de 1761 à 1764.
Confesseur attitré du chanoine Jean-Olivier Briand depuis 1753, Jacrau profita du voyage en Angleterre de ce dernier, à l’automne de 1764, pour l’accompagner jusqu’à Douvres, avant d’aller respirer quelque temps l’air de son pays natal, dans l’espoir d’y refaire sa santé. Au début de 1766, ils se revirent à Paris, où Jacrau témoigna à l’enquête de vie et de mœurs du futur évêque de Québec et ils revinrent ensemble le 28 juin de la même année. Jacrau se remit quelque peu aux affaires du séminaire, mais sa santé continua de péricliter. Il précisa les dernières volontés qu’il avait rédigées avant son départ pour la France et mourut le 23 juillet 1772. Il fut inhumé le lendemain dans la crypte de la chapelle.
Lors de son voyage en France Jacrau avait demandé au roi une pension qui lui fut accordée en 1768, ce qui lui permit de se constituer une bibliothèque d’environ 200 volumes qu’il laissa au séminaire. Cette bibliothèque, dont l’inventaire a été conservé, comptait au moins 45 ouvrages de droit, tant ecclésiastique que civil ou criminel, car Jacrau alliait à son sens des affaires un talent juridique reconnu. Le procureur général Francis Maseres* disait de Jacrau qu’il était « un avocat français très savant ».
Sans doute était-ce en raison de la compétence de Jacrau en matière de droit ainsi que de celle de son collègue Pressart qu’en 1767 ou au début de 1768 le lieutenant-gouverneur Guy Carleton* soumit aux prêtres du séminaire un abrégé des lois civiles françaises en vigueur au Canada, rédigé par François-Joseph Cugnet à la demande du Conseil privé. Les messieurs du séminaire se montrèrent insatisfaits de ce document, et Carleton leur demanda d’écrire à leur tour un abrégé de la Coutume de Paris. Leur texte, pas plus que celui de Cugnet, ne plut à quelques gentilshommes canadiens qu’on ne peut identifier de façon certaine. D’après Maseres il s’agissait de trois ou quatre seigneurs parmi les plus importants du pays. Carleton engagea donc ces derniers critiques à s’entendre avec Cugnet et les prêtres du séminaire pour rédiger un document qu’il pourrait soumettre au Conseil privé. Leur travail, connu au Canada sous le nom d’ « Extrait des Messieurs », était composé de cinq fascicules qui furent publiés à Londres sous la direction de Maseres ; trois parurent en 1772 et deux, l’année suivante. Bien que les textes furent rédigés en français, l’ouvrage portait un long titre anglais. Un de ces fascicules a pour auteur Cugnet et les quatre autres sont l’œuvre d’un « comité spécial de gentilshommes canadiens, bien au fait des lois en vigueur en France et dans cette province », dont faisait sûrement partie l’abbé Jacrau.
AAQ, 12 A, C, 34, 37 (les actes de diaconat et de prêtrise ont été rédigés de la main même de Jacrau).— ASQ, C 9, passim ; C 11, passim ; C 22, passim ; Chapitre, 150, 152 ; Évêques, no 206 ; Lettres, M, 91, 93, 112 ; R, 8, 132, 134, 135 ; S, 72, 74 ;
Honorius Provost, « JACRAU (Jacquerault, Jacquero), JOSEPH-ANDRÉ-MATHURIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jacrau_joseph_andre_mathurin_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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