YOUNG, THOMAS AINSLIE, fonctionnaire, officier de milice, homme politique et juge de paix, né le 12 juin 1797 à Québec, fils de John Young* et de Christian (Christianisa) Ainslie ; le 27 décembre 1823, il épousa à Québec Monique-Ursule Baby, fille de feu François Baby*, et ils eurent au moins sept enfants, puis le 31 mai 1845, dans la même ville, Ann Walsh ; décédé le 8 février 1860 à Québec.

C’est dans un milieu ouvert à la politique et au commerce que grandit le jeune Thomas Ainslie Young. Important personnage dans le parti des bureaucrates, son père fut membre des conseils exécutif et législatif, tout en étant un très gros marchand à Québec, et sa mère, fille de Thomas Ainslie*, receveur des douanes de cette ville, se révéla une excellente femme d’affaires. Instruit principalement au Bas-Canada, Young poursuivit ses études à Londres, de 1814 à 1817.

À l’instar d’autres fils de personnages influents, Young occupa très tôt des postes dans l’administration publique. Avant même d’avoir 21 ans, il fut nommé secrétaire du comité du Conseil exécutif chargé de la vérification des comptes publics. En 1820, il devint contrôleur des douanes du port de Québec, charge que son père n’avait pu obtenir quelque dix ans plus tôt. Puis, poursuivant son ascension, il fut inspecteur général des comptes publics de la province du Bas-Canada de 1823 jusqu’en juin 1826, au moment où lord Dalhousie [Ramsay*] le nomma vérificateur général des comptes publics de la province. Young accomplit les tâches rattachées à ce poste jusqu’en 1834, mais presque aucun subside ne fut prévu pour payer son salaire à partir de 1829. En 1833 et 1834, il fit des démarches auprès du gouverneur et de la chambre d’Assemblée pour faire corriger la situation. Un comité recommanda de lui verser les sommes dues, mais l’Assemblée n’y donna pas suite. La baisse de l’influence politique de Young à partir d’octobre 1834 et une chambre d’Assemblée accaparée par des problèmes politiques et économiques plus importants pour la collectivité que ne semblaient l’être les requêtes des individus peuvent en partie expliquer la réaction de la chambre.

En dépit du fait qu’il était fonctionnaire, Young fut élu trois fois député de la circonscription de la Basse-Ville de Québec, en 1824, 1827 et 1830. Dès 1824, il maintint qu’il pouvait concilier ses « devoirs publics » avec ses « intérêts particuliers ». Mais cette première élection aurait pu entacher sa crédibilité politique, car on l’accusa de corruption électorale. Son adversaire, James McCallum*, et des électeurs présentèrent des pétitions à la chambre d’Assemblée, et des commissaires entendirent les témoins. En 1825, la cause fut reportée et, deux ans plus tard, les pétitionnaires abandonnèrent la poursuite. On ne sait pas si Young essaya vraiment de remplacer son père dans le cœur des électeurs de la Basse-Ville comme il le prétendit en 1834 : « je comptois sur le caractère bien connu et long-tems éprouvé [...] de mon défunt père ». Pendant les dix ans où il siégea à l’Assemblée, il fut considéré comme le porte-parole des marchands de cette circonscription. Il participa à des comités ponctuels et permanents de l’Assemblée s’intéressant aux questions économiques, particulièrement aux finances et au commerce, et beaucoup de gens reconnaissaient sa compétence en ces matières. Par ailleurs, Young vota contre les Quatre-vingt-douze Résolutions rédigées en 1834, car même s’il en acceptait le principe, il s’opposait à leur application telle que voulue par la majorité. Avant les élections de cette année-là, les marchands, « pour des causes à eux connues », lui préférèrent un autre candidat, George Pemberton, et Young se retira.

Young est passé à l’histoire surtout à cause du poste d’inspecteur et surintendant (ou chef) de la police de la cité de Québec qu’il occupa de 1837 à 1840. Sa fonction de shérif du district de Québec, exercée conjointement avec William Smith Sewell de 1823 à 1827, ses interventions parlementaires, son expérience municipale (entre autres comme juge de paix de 1828 à 1830), ses « connaissances légales », sa loyauté envers le gouvernement colonial et son appartenance à la minorité dominante furent sans aucun doute des éléments qui contribuèrent à sa nomination. Le Canadien jugea cette dernière « injuste », car Young avait été réprimandé par le gouvernement pour avoir détourné des fonds lorsqu’il était shérif. Mais Young semblait l’homme de la situation. La ville de Québec avait besoin d’un administrateur pour assurer l’ordre public. Avant même la publication de l’ordonnance de 1838 qui devait établir un système efficace de police à Montréal et à Québec, Young avait déjà réglementé la police dans cette dernière ville et il continua jusqu’en 1840 à proposer diverses mesures pour en accroître l’efficacité.

De son côté, le gouvernement du Bas-Canada avait besoin d’un homme très respectueux de l’ordre social et politique à l’automne de 1837, car de nouveaux troubles étaient possibles. Young pourchassa les patriotes et les pseudo-patriotes autour de Québec et même jusqu’aux frontières américaines. L’ordonnance de 1838 lui donna le pouvoir d’agir en qualité de juge de paix. Il obtenait ainsi le droit d’émettre des mandats de perquisition et d’arrestation. Sa descente la plus connue et aussi la plus controversée se déroula chez Mme Clouet, soupçonnée de cacher Louis-Joseph Papineau* et des armes. Ses arrestations célèbres furent celles d’Étienne Parent* et de Jean-Baptiste Fréchette, respectivement rédacteur en chef et imprimeur du Canadien, le 26 décembre 1838, et celles de Napoléon Aubin* et d’Adolphe Jacquies, tous deux du Fantasque de Québec, le 2 janvier 1839. Young accusait ces journaux de tenir des propos « incendiaires et très choquants », et de créer un mécontentement et un manque de confiance envers les autorités gouvernementales. Pour tout surveiller, Young se servait de différents moyens comme la lecture des journaux, la visite du bureau de poste et l’ouverture des lettres suspectes, les dénonciations anonymes et assermentées, et l’espionnage. Ainsi, afin de maintenir une certaine paix, l’inspecteur de police procédait à l’arrestation préventive de personnes soupçonnées de haute trahison ou de « menées séditieuses ». Emprisonnés, les suspects étaient relâchés quelque temps après.

Après cette période troublée, les autorités remercièrent Young en le nommant magistrat de police pour le district de Québec, charge qu’il conserva de 1840 à 1842. Après l’abolition de ce poste en 1843, il n’occupa plus de fonction publique importante. En 1845, il essaya de se faire nommer inspecteur et surintendant de police pour la cité de Québec, mais ce fut peine perdue. Puis, l’année suivante, il chercha à obtenir le rang de commandant du 1er bataillon de milice du comté de Québec, mais en vain. Avait-il perdu ses appuis politiques ? Quoi qu’il en soit, de 1846 à 1854, il adressa une nouvelle série de pétitions au gouvernement afin que les arrérages salariaux de 1829 à 1834 lui fussent remboursés, mais on fit encore la sourde oreille.

Éclipsé par son père dans l’historiographie canadienne, Young eut une carrière qui s’apparente à celle de bien des fils de l’élite anglophone du Bas-Canada. Sa place dans la fonction publique fut toute choisie, et lui-même profita de ce népotisme. Comme tant d’autres, il cumula les fonctions lucratives et les honneurs. Par exemple, entre 1826 et 1829, il fut à la fois député, vérificateur général de la province, shérif du district de Québec, juge de paix, membre du bureau de l’Institution royale pour l’avancement des sciences et officier de milice. Sa carrière militaire avait d’ailleurs commencé le 8 avril 1814, date à laquelle il était entré dans la milice volontaire. Nommé enseigne au 1er bataillon de la milice d’élite incorporée du Bas-Canada, stationnée à Pointe-aux-Trembles (Montréal), il avait été muté au bataillon de milice de Beauport, le 24 décembre 1817. Le 1er mai 1818, il était nommé « Capitaine Aide Major ». Enfin, en février 1825 et le 1er juin suivant, il devenait respectivement major puis deuxième major de ce bataillon.

La loyauté de Thomas Ainslie Young envers les institutions britanniques l’amena à adopter un comportement plus radical lors de son accession à la tête de la police de Québec en 1837. Le gouvernement colonial trouva ainsi en lui l’homme tout désigné : respectueux de l’autorité, Young fut un relais administratif et un exécutant presque parfait. Il fut alarmiste, et cela servit bien le pouvoir, tout en inquiétant beaucoup la population patriote. Sa ténacité à pourchasser les éléments rebelles en fit la « bête noire des Patriotes ». À partir de 1845, cependant, le vent politique tourna et les 15 dernières années de la vie de Young furent « sans histoire ».

Marcel Plouffe

ANQ-Q, CE1-61, 26 sept. 1797, 27 déc. 1823, 10 févr. 1860 ; CE1-66, 31 mai 1845 ; E17/36, nos 2933–2934, 2939 ; E17/42 ; E17/50, nos 4045, 4088.— APC, MG 24, B4.— AVQ, I, 1, vol. 3, 2 mai 1836–12 août 1840 ;II, 1, b, vol. 4, août 1840–mai 1842 ; vol. 5, mai 1842–sept. 1843 ; vol. 6, sept. 1843–déc. 1845 ; Conseil et Comités, adresses de bienvenue ; éloges funèbres, 1842–1864 ; police, nos 1–2 ; policiers, no 1 ; prisonniers ; V, B, 20 juill. 1814–10 mai 1833 ; IX, Administration, Dossiers administratifs, documents officiels, 1838–1920 ; émeutes, 1844–1919 ; estimations, 1842–1869 ; finances, état général des dépenses, 1840–1856 ; finances, liste de paie, 1841–1842 ; habillement, 1841–1854 ; mélange, 1844–1925 ; personnel, 1844–1921 ; prison, 1835–1851 ; rapports du chef de police et des détectives, 1840–1859 ; règlements, résolutions et ordonnances, 1833–1925 ; requêtes, 1840–1852 ; requêtes des policiers, 1841–1859.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1825–1834.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 1846 ; 1849 ; 1852–1853 ; 1854–1855.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1819–1828 (Doughty et Story).— Le Canadien, 1814, 1817, 1820, 1823–1828, 1830, 1832, 1834, 1837–1840, 1860.— Le Courrier du Canada, 1860.— Le Journal de Québec, 1860.— Quebec Gazette, 1797, 1814, 1817, 1823–1834, 1837–1840, 1860.— Quebec Mercury, 1834.— F.-J. Audet, « les Législateurs du B.-C. ».— P.-V. Charland, « Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte ou les inhumations dans cette église depuis 1652 », BRH, 20 (1914) : 301–313.— Desjardins, Guide parl.— Officers of British forces in Canada (Irving).— Quebec directory, 1822 ; 1826 ; 1844–1845 ; 1847–1861.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 3.— L.-P. Audet, le Système scolaire, 3–4.— P.-B. Casgrain, Memorial des familles Casgrain, Baby et Perrault du Canada (Québec, 1898).— Chapais, Cours d’hist. du Canada, 4.— Chouinard et al., la Ville de Québec, 2–3.— Ouellet, Bas-Canada.— Rumilly, Papineau et son temps.— Taft Manning, Revolt of French Canada.— « Le Choléra asiatique à Québec », BRH, 12 (1906) : 88–92.— Antoine Roy, « les Patriotes de la région de Québec pendant la rébellion de 1837–1838 », Cahiers des Dix, 24 (1959) : 241–254.— P.-G. Roy, « le Secret des lettres en 1829 », BRH, 44 (1938) : 123 ; « les Shérifs de Québec », BRH, 40 (1934) : 433–446.— « Shérifs de Québec », BRH, 7 (1901) : 274.

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Marcel Plouffe, « YOUNG, THOMAS AINSLIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/young_thomas_ainslie_8F.html.

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Auteur de l'article:    Marcel Plouffe
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    28 novembre 2024