INGERSOLL, LAURA (Secord), née le 13 septembre 1775 à Great Barrington, Massachusetts, fille aînée de Thomas Ingersoll et d’ Elizabeth Dewey, décédée à Chippawa (Niagara Falls, Ontario), le 17 octobre 1868.

À l’âge de huit ans, Laura Ingersoll perdit sa mère qui laissait quatre filles en bas âge. Son père se remaria deux fois et eut de nombreux enfants de sa troisième épouse. Au cours de la guerre d’Indépendance, Thomas Ingersoll combattit du côté des rebelles, mais il émigra en 1795 dans le Haut-Canada, où il avait obtenu une concession dans le canton d’Oxford-upon-the-Thames. Sa ferme était située sur l’emplacement actuel de la ville d’Ingersoll. Il tint une taverne à Queenston, en attendant l’arpentage du canton. Deux années ne s’étaient pas écoulées que Laura épousait, aux environs de 1797, James Secord, un jeune marchand de Queenston. Ce dernier était le benjamin des fils d’un officier loyaliste dans les rangers de Butler, arrivé à Niagara avec sa famille en 1778. James et Laura allaient avoir six filles et un fils.

Ils vécurent d’abord à St Davids et s’établirent ensuite à Queenston. Au début de la guerre de 1812, James, sergent dans le 1er régiment de la milice de Lincoln, fut blessé au cours de la bataille de Queenston Heights et secouru sur le champ de bataille par sa femme. L’été suivant, alors qu’aucun des deux adversaires ne possédait le contrôle de la péninsule du Niagara, Laura, le 21 juin 1813, apprit, probablement en écoutant la conversation de quelques officiers américains qui dînaient chez elle, que les Américains avaient l’intention de prendre par surprise l’avant-poste anglais de Beaver Dams et d’y capturer l’officier en charge, le lieutenant James FitzGibbon. Il était impérieux d’avertir l’officier anglais et, vu l’incapacité de James, son épouse, Laura, résolut d’aller porter elle-même le message, tôt le lendemain matin.

L’avant-poste se trouvait à une distance de 12 milles en ligne directe, mais comme Laura craignait de rencontrer des soldats américains, elle choisit de faire un détour. Elle se rendit d’abord à St Davids où sa nièce, Elizabeth Secord, la rejoignit, puis à Shipman’s Corners (St Catharines). Elizabeth se fatigua rapidement et Laura dut continuer seule, incertaine du chemin, mais en suivant la direction du ruisseau Twelve Mile à travers champs et bois. Ce soir-là, après avoir traversé le ruisseau sur un tronc d’arbre, Laura arriva à un campement indien. Effrayée, elle expliqua sa mission au chef qui la conduisit à FitzGibbon. Deux jours plus tard, le 24 juin 1813, la troupe d’Américains, commandée par le colonel Charles Boerstler, tombait dans une embuscade dressée près de Beaver Dams par quelque 400 Indiens sous la conduite de Dominique Ducharme* et de William Johnson Kerr*. FitzGibbon persuada alors Boerstler de se rendre avec ses 462 hommes, alors que lui n’en avait que 50. Dans les rapports officiels, aucune mention n’est faite de Laura Secord.

Les Secord vécurent dans la pauvreté durant les années d’après-guerre, jusqu’en 1828, alors que James, qui bénéficiait d’une petite pension à cause de ses blessures de guerre, fut d’abord nommé greffier, puis juge (en 1833) du tribunal des successions et tutelles de Niagara. En 1835, il devint percepteur de douanes à Chippawa. Il mourut en 1841, laissant Laura sans aide financière. Elle tint quelque temps une école pour enfants dans sa petite maison de Chippawa. Les pétitions qu’elle adressa au gouvernement en vue d’obtenir une pension ou autre faveur restèrent sans réponse.

Laura Secord dut atteindre l’âge de 85 ans avant que le public reconnaisse son geste héroïque. Durant sa visite au Canada en 1860, le prince de Galles (le futur Édouard VII) fut mis au courant de la marche de 20 milles de Laura. Elle avait préparé pour lui un mémoire décrivant ses services durant la guerre ; elle avait aussi apposé sa signature à l’adresse que les vétérans de la guerre de 1812 présentèrent au prince. Après son retour en Angleterre, Édouard envoya à Laura Secord une récompense de £100. Elle mourut en 1868, à l’âge de 93 ans, et fut ensevelie à côté de son mari dans le cimetière Drummond Hill, à Niagara Falls.

C’est à partir de 1860 que Laura Secord devint célèbre, dans l’histoire, la poésie et le théâtre. Les légendes se multiplièrent ; la plus populaire fut celle qui racontait qu’elle avait emmené une vache au cours de sa marche, afin de tromper l’ennemi, et qu’elle l’avait traite en présence des sentinelles américaines avant de l’abandonner dans les bois et de continuer sa route. En réalité, Laura ne fit jamais mention d’une vache et il est peu probable qu’elle ait rencontré une sentinelle américaine. William F. Coffin* inventa apparemment l’épisode pour son livre intitulé 1812, the war and its moral (1864). D’après une autre histoire, Laura aurait marché pieds nus à travers les bois toute la nuit. Pourtant, elle-même mentionne qu’elle était « partie de bonne heure le matin », et, quoiqu’elle ait pu perdre une chaussure dans les bois ou les champs, elle était beaucoup trop sensée pour être partie nu-pieds. Sa renommée s’étendit à tel point qu’on érigea deux monuments en son honneur, l’un à Lundy’s Lane en 1901 et l’autre à Queenston Heights en 1910. On suspendit son portrait dans le parlement de Toronto et on établit un hall commémoratif à la Laura Secord School à Queenston.

Quelques historiens du xxe siècle ont cependant mis en doute son rôle dans l’histoire. Par exemple, W. Stewart Wallace* dans The story of Laura Secord : a study in historical evidence (1932) conclut à partir des documents disponibles que Laura Secord avait porté de toute évidence un message à FitzGibbon, probablement le 23 juin, mais qu’elle était arrivée trop tard pour que ses renseignements aient quelque valeur. Comme le mentionnait le lieutenant FitzGibbon dans son compte rendu de la bataille de Beaver Dams : « Chez [John] De Cou, vers sept heures ce matin, j’ai appris que [...] l’ennemi [...] avançait vers moi. » On prétendit que cette nouvelle, apportée par des éclaireurs indiens, fut le premier avertissement reçu par FitzGibbon. Wallace cita aussi une attestation écrite par FitzGibbon en 1837, témoignant que Laura Secord l’avait prévenu que les Américains projetaient une attaque ; malheureusement FitzGibbon ne mentionnait aucune date précise et avait écrit « de mémoire et dans un moment de grande hâte ».

L’énigme de la chronologie et du rôle joué par Laura dans les événements fut résolue par la découverte de deux témoignages antérieurs, écrits tous les deux par FitzGibbon en 1820 et 1827 dans le but d’appuyer les pétitions que les Secord avaient adressées au gouvernement. Dans l’attestation de 1827, FitzGibbon mentionnait que Laura Secord s’était présentée à lui « le 22e jour de juin 1813 », et, qu’ « à la suite de cet avertissement », il avait placé les Indiens dans une position où ils pouvaient intercepter les Américains. Il prouvait ainsi que l’avertissement de Laura avait vraiment rendu possible la victoire de Beaver Dams. Ce fut une victoire importante, et, pour le rôle qu’elle y joua, Laura Secord fut reconnue à juste titre comme l’héroïne de la guerre de 1812.

Laura Secord illustre bien le type de la femme-pionnier par son courage, sa résistance et sa persévérance dans l’adversité. FitzGibbon garda d’elle le souvenir d’une femme à la « silhouette mince et d’une apparence délicate » mais, en fait, elle possédait une volonté à toute épreuve.

Ruth McKenzie

Les principaux documents connus concernant le geste héroïque de Laura Secord sont les pétitions qu’elle et son époux adressèrent au gouvernement et les trois attestations de James FitzGibbon. Ces documents sont conservés aujourd’hui aux APC : les pétitions se trouvent dans MG 24,175 ; RG 5, A1, 46, pp.22 844s. ; 108, pp.61 567s. ; C1, 52, n° 3 157 ; 59, n° 222 ; les attestations de FitzGibbon sont conservées sous la cote RG 5, A1, 46, p.22 487 (1820) ; 84, pp.45 661–45 663 (1827) ; C1, 82, n° 2 880 (qui renferme l’attestation de 1837). Le mémoire adressé par Laura Secord au prince de Galles en 1860 figure dans RG 7, G23, 1, file 2. Les rapports officiels de la bataille de Beaver Dams se trouvent dans RG 8, I (C series), 679, pp.132–141. Les PAO, Misc. 1933, contiennent un récit intitulé « The story of Laura Ingersoll Secord, wife of Captain James Secord, as related by Laura Secord Clark, grand-daughter of Laura Secord to Mrs. George S. Henry ».

Bien qu’on ne possède pas les actes de naissance et de mariage de Laura Ingersoll, certains rapprochements de faits nous permettent de donner une date approximative de son mariage. Dans les biographies et les histoires familiales on trouve les deux dates de naissance suivantes : 13 sept. et 19 déc. 1775. La première fut confirmée par la petite-fille de Laura Secord, Laura Louise Smith, dans l’article de E. J. Thompson, « Laura Ingersoll Secord », Niagara Hist. Soc., [Pubs.] (Niagara-on-thé-Lake, Ont.), 25 (1913) : 10.

Dans les études qui ont été publiées, se trouvent deux lettres de Laura Secord relatant sa marche vers Beaver Dams, l’une adressée à Gilbert Auchinleck, dans « A history of the war between Great Britain and the United States of America, during the years 1812, 1813, and 1814 », Anglo-American Magazine (Toronto), III (1853) : 467n. (la série d’articles fut groupée dans un livre portant le même titre, publié à Toronto en 1862 et réimprimé à Londres en 1972) ; l’autre, destinée à B. J. Lossing, se trouve actuellement aux APC, MG 24, K2, 13, pp.396–398 ; celle-ci fut publiée par B. J. Lossing, dans The pictorial fieldbook of the War of 1812 [...] (New York, 1869),.621n. Charles B. Secord relate le geste de sa mère dans une lettre à la Church du 18 avril 1845. W. F. Coffin, dans 1812, the war and its moral ; a Canadian chronicle (Montréal, 1864), 146–153, est le premier à avoir présenté Laura Secord comme une héroïne. La Niagara Mail (Niagara, Ont.) mentionne, le 27 mars et le 3 avril 1861, le cadeau du prince à Laura Secord et le 17 oct. 1868, sa mort. Parmi les premières biographies, la meilleure est celle de E. A. [Harvey] Currie, The story of Laura Secord, and Canadian reminiscences (Toronto, 1900 ; St Catharines, Ont., 1913). W. S. Wallace, dans The story of Laura Secord : a study in historical evidence (Toronto, 1932), soulève des questions concernant le rôle joué par Laura Secord. Ruth McKenzie, Laura Secord, the legend and the lady (Toronto et Montréal, 1971), réévalue les faits et la place de Laura Secord dans l’histoire. [r. m.]

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Ruth McKenzie, « INGERSOLL, LAURA (Secord) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ingersoll_laura_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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