HONORAT, JEAN-BAPTISTE (baptisé Jean-Baptiste-André-Pascal), prêtre, oblat de Marie-Immaculée, missionnaire, né à Aix-en-Provence, France, le 18 mai 1799, fils de Jacques-Christophe Honorat, fabricant de chandelles, et de Marie-Thérèse Bremond, décédé le 23 décembre 1862 à Notre-Dame de l’Osier, Isère, France.

Jean-Baptiste Honorat appartenait à une famille catholique demeurée fidèle à la religion en dépit de la Révolution de 1789. À l’âge de 18 ans, malgré le désir de son père de l’associer à l’entreprise familiale, il entra chez les oblats et fut ordonné prêtre en 1821. Durant les 20 premières années de son sacerdoce, il vécut dans l’intimité du fondateur de la communauté, Mgr Charles-Joseph-Eugène de Mazenod, et se montra un missionnaire soumis et d’un zèle presque immodéré. Cela lui valut d’être appelé, malgré un goût très peu marqué pour l’administration, à d’importantes fonctions. Il fut ainsi quatrième assistant général et supérieur des maisons de Notre-Dame-du-Laus (Hautes-Alpes, 1825–1827), Nîmes (1827–1830), Marseille (1830–1837) et Notre-Dame-des-Lumières (Vaucluse) dont il fut le fondateur (1837–1841). Le 13 août 1841, répondant à l’invitation de Mgr Ignace Bourget*, Mazenod lui confia la responsabilité de fonder le premier établissement oblat au Canada.

Le 2 décembre, le père Honorat arriva à Montréal en compagnie des pères Pierre-Antoine-Adrien Telmon, Jean-Fleury Baudrand et Lucien-Antoine Lagier* et des frères coadjuteurs Basile Fastray et Pierre-Jean-Louis-François Roux. Deux jours plus tard, Mgr Bourget le nomma à la cure de Saint-Hilaire (Mont-Saint-Hilaire) qui devint le premier port d’attache des oblats au Canada. L’été suivant (août 1842), la communauté qui voulait se rapprocher de l’évêché de Montréal se transporta à Longueuil. En sa qualité de premier supérieur des oblats au Canada, Honorat participa activement à la fondation de missions oblates dans la région montréalaise, les Cantons de l’Est, l’Outaouais, la Mauricie, le Saguenay et à la Rivière-Rouge. Néanmoins, en 1844, Mazenod voulut confier à un gestionnaire plus habile et à un meneur plus souple la direction de la jeune communauté en pleine expansion. Le père Honorat se plia de bon cœur à cette décision. Il céda sa place à son confrère et ami, le père Joseph-Bruno Guigues*, et accepta en retour la direction de la nouvelle mission saguenayenne de Saint-Alexis-de-la-Grande-Baie.

Le 15 octobre 1844, le nouveau supérieur débarquait au Saguenay avec les pères Augustin-Médard Bourassa, Pierre Fiset et Flavien Durocher*. Les oblats avaient la responsabilité de jeter les bases d’une Église organisée dans cette région forestière ouverte au peuplement depuis six ans à peine. Alors que ses missionnaires exerçaient leur ministère auprès des Amérindiens dans ce vaste territoire, Honorat tâcha d’organiser la vie religieuse des nouveaux colons par l’érection de paroisses et la construction d’églises et d’écoles.

La société agro-forestière qui prenait forme au Saguenay impressionna fortement Honorat. Le monopole de l’exploitation forestière assurait à la compagnie Price le contrôle de la région. Très pauvre et encore peu nombreuse, la population était soumise à Peter McLeod*, l’associé de William Price et le chef des opérations dans la région. McLeod, propagandiste acharné du protestantisme, incarnait aux yeux d’Honorat une grave menace pour les catholiques de la région. Plus encore, il représentait, selon lui, la dictature économique car, non seulement la compagnie se permettait-elle de payer ses employés avec des bons remboursables en marchandises dans ses magasins, mais encore elle recourait à l’intimidation pour asservir la population. Le ministère du supérieur des oblats au Saguenay prit vite l’allure d’un engagement social, d’une lutte contre l’exploitation et la pauvreté. Son opposition à McLeod fut si violente que les deux hommes évitèrent tout juste d’en venir aux coups. Homme d’action, Honorat résolut de mener la lutte sur un autre terrain. Croyant que la colonisation agricole était le moyen de soustraire la population au monopole du commerce du bois et une solution à l’indigence, il jeta en 1846 les bases d’une paroisse agricole, celle du Grand-Brûlé (Laterrière). Il investit les maigres ressources dont il disposait dans cette entreprise de « libération », comme il lui plaisait de l’appeler.

Laterrière fut un véritable gouffre financier pour la petite communauté et une cause de grande irritation au sein du clergé diocésain. Plusieurs prêtres qui regrettaient la place trop grande occupée au Saguenay par les oblats ne pardonnèrent pas à Honorat, ce Français, d’avoir poussé si loin son action, d’avoir compromis dans un conflit ouvert les relations de l’Église avec les maîtres de la région. L’archevêché de Québec prit prétexte de sa gestion jugée aventureuse pour demander son rappel. Le père Guigues finit par céder aux pressions répétées de Québec. En août 1849, le père Honorat quittait le Saguenay, laissant derrière lui une maison oblate sérieusement en difficulté. Faute de moyens financiers, de plus en plus isolée, elle devait fermer ses portes quelque temps plus tard, au grand soulagement des tenants de la collusion clérico-capitaliste au Saguenay.

Revenu à Montréal, le père Honorat se consacra à la prédication et aux exercices spirituels. Le 26 juillet 1850, il fonda à Montréal la Congrégation des Dames de Sainte-Anne. Avant son départ pour la France, le père Honorat fut membre du conseil provincial, économe et, après un court intermède à la direction de la maison de Plattsburgh à la fin de 1856 et au début de 1857, il passa à Ottawa à titre de supérieur de l’évêché, résidence de Mgr Guigues. Le 27 octobre 1858, il était rappelé en France. Il y mourut quatre ans plus tard, à l’âge de 63 ans, des suites d’une crise d’apoplexie.

Jean-Baptiste Honorat, l’un des artisans de l’expansion oblate au Canada, demeure l’une des figures marquantes du xixe siècle saguenayen. Un missionnaire, un authentique missionnaire, plus soucieux des hommes que des choses, tel il fut toute sa vie.

Normand Séguin

AAQ, 71 CD, Oblats de Marie-Immaculée, I.— Archives de l’évêché de Chicoutimi, Paroisse 9, Cote 5, 3 : RR. PP. Oblats.— Archives générales O.M.I. (Rome), Correspondance Jean-Baptiste Honorat, 1841–1852 (photocopie aux AHO).— Archives provinciales O.M.I. (Montréal), Ancienne maison, Saguenay, région de Grande-Baie et de la Côte-Nord, 1844–1852 ; Correspondance des autorités ecclésiastiques, Diocèse de Québec, 1844–1904 ; Correspondance des autorités oblates, Autorités générales, 1848–1869 ; Correspondance des autorités oblates, Procure générale, 1848–1892.— Notices nécrologiques des O.M.I., I : 69–76.— Carrière, Hist. des O.M.I., I-V ; Planteur d’églises ; J.-B. Honorat, oblat de Marie-Immaculée (Montréal, 1962).— J.-P. Simard, Une fondation pas comme les autres : le Grand-Brûlé, Protée (Chicoutimi, Québec), 1 (déc. 1970) : 31–36.

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Normand Séguin, « HONORAT, JEAN-BAPTISTE (baptisé Jean-Baptiste-André-Pascal) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/honorat_jean_baptiste_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    1 décembre 2024