HOGAN, JOHN SHERIDAN, imprimeur, journaliste, avocat, éditeur et homme politique, né vers 1815 près de Dublin ; décédé le 1er décembre 1859 à Toronto.

Enfant d’une famille de bonne hospitalité malgré sa pauvreté, John Sheridan Hogan vint à York (Toronto) en 1827 pour vivre chez un oncle. Il s’enfuit à Hamilton, où il travailla tour à tour comme vendeur de journaux, imprimeur, prote et journaliste au Canadian Wesleyan d’A. K. Mackenzie, qui parut de 1831 jusqu’à 1835 environ. Hogan n’avait probablement guère fait d’études régulières, même s’il convainquit plus tard Samuel Thompson*, un de ses employeurs, qu’il s’était « distingué au collège ». En 1837, il travaillait dans le cabinet d’avocat d’Allan Napier MacNab*, avec qui il fut impliqué, le 29 décembre, dans l’incendie du Caroline, navire ravitailleur des patriotes. Pourtant, après l’acquittement d’Alexander McLeod*, jugé en octobre 1841 pour sa participation à l’incident du Caroline, Hogan joua un rôle de premier plan dans une tentative qui visait à faire avancer la cause des patriotes. Au début de 1842, suivant un plan de Mackenzie, son ancien employeur, Hogan accepta de passer aux États-Unis et de se faire arrêter pour avoir maltraité des citoyens américains pendant l’affaire du Caroline. Il s’agissait de susciter de l’animosité entre les gouvernements canadien et américain, afin d’aider la cause des patriotes. Hogan traversa effectivement la frontière et fut arrêté à Lockport, dans l’état de New York, mais une erreur ayant été découverte dans le mandat lancé contre lui, il revint au Canada, comme le lui conseillait William Lyon Mackenzie*, qui s’était opposé au plan. Ce dernier ne tarda cependant pas à changer d’avis et à préparer une nouvelle tentative. Il fit arrêter Hogan à Rochester par Edward Alexander Theller, le 31 mars, mais, encore une fois, le tribunal statua qu’il ne pouvait pas de bon droit juger l’accusé. Puis lord Ashburton, arrivé en avril, ayant désamorcé la situation avec diplomatie, les deux pays renouèrent des relations encore plus cordiales, et l’affaire perdit toute importance. Les motifs et les actes de Hogan et d’A. K. Mackenzie ne sont pas clairs, et certains historiens ont avancé l’hypothèse que les deux hommes servaient peut-être la faction progouvernementale comme agents doubles.

À la fin des années 1830, Hogan avait interrompu ses études de droit et, en 1840, il était devenu commis et comptable d’Allan Macdonnell*, shérif du district de Gore. Toutefois, en 1841, il retourna dans un cabinet d’avocat à Hamilton et fut admis au barreau deux ans plus tard. En 1849, il était passé au journalisme politique et était devenu correspondant parlementaire de plusieurs journaux, développant un « style vigoureux, cinglant et sans pitié ». Son talent de rédacteur politique apparaît dans trois bons articles, publiés en 1849–1850 dans le Blackwood’s Edinburgh Magazine, dont deux s’intitulent « Civil revolution in the Canadas » et le troisième, « Civil revolution in the Canadas – a remedy ». Il avançait que, en tant que colonie britannique, le Canada était un endroit plus propice au développement des entreprises britanniques que les États-Unis, mais que les désaccords internes rendaient les capitalistes de Grande-Bretagne méfiants à l’égard des possibilités du pays. Ces articles furent réimprimés et distribués à Londres, et on les cita abondamment dans les journaux canadiens. En 1850, le Blackwood’s Edinburgh Magazine avait également publié un poème écrit par Hogan à l’occasion du Nouvel An et intitulé Canadian loyalty [...]. Deux ans plus tard, il s’associa à Samuel Thompson pour fonder l’United Empire, bihebdomadaire publié à Toronto. Ce journal attaqua Francis Hincks* à cause de ses sympathies proaméricaines, commenta la question des réserves du clergé et pressa les Britanniques d’accorder une représentation aux colonies au sein du Parlement impérial. Fait curieux quand on connaît les causes de la mort de Hogan, le numéro du 19 juin 1852 mentionne deux noyades, à côté de commentaires très valables sur l’économie et la politique, et donne le compte rendu du procès d’un certain James Brown, accusé par sa mère de battre sa sœur. Le mois précédent, Hogan avait exposé ses idées sur la politique et l’économie dans une publication plus durable, un essai intitulé The Canadas [...]. S’appuyant sur des statistiques qui montraient le déclin du commerce avec la Grande-Bretagne, il concluait que le libre-échange était désastreux pour le fermier du Haut-Canada. Pour lui, les garnisons britanniques ressemblaient aux « derniers vestiges du mobilier coûteux d’une maison en ruine ».

Après que Thompson eut acheté le journal torontois Daily Colonist, en 1853, Hogan le rejoignit comme adjoint au rédacteur en chef et correspondant à Québec. Il stigmatisa Hincks et sa « moisson de corruption » tout en continuant de signaler et de commenter autant les meurtres à sensation que les événements politiques. Le Colonist, qui, selon Thompson, était la « contrepartie exacte du London Times à cause de son apparence typographique, du format de ses pages et des caractères employés, du style de ses annonces et, surtout, de l’indépendance de ses commentaires éditoriaux et de son équité envers ses adversaires », finit par atteindre chaque semaine un tirage de 30 000 exemplaires. En 1854, Hogan décida de se lancer en politique, mais, s’étant présenté comme réformiste modéré au siège d’York East à l’Assemblée législative, il fut battu par Amos Wright*, ultra-réformiste.

L’année suivante, Hogan rassembla ses idées dans un essai présenté au concours de l’Exposition universelle de Paris ; son texte gagna le premier prix et fut publié par ordre du gouvernement canadien en anglais et en français. Il s’agit d’une histoire des deux Canadas, dans laquelle il retrace le développement des villes, du gouvernement autonome et du capital en le reliant au commerce, au système bancaire, à l’immigration et à l’éducation. À partir de statistiques sérieuses, Hogan fait l’éloge d’une terre de « paisible abondance » ; son texte montre éloquemment combien, au milieu du xixe siècle, on considérait le développement industriel comme un facteur de progrès. Le texte contenait en outre une carte détaillée du réseau ferroviaire du Canada et du nord des États-Unis, ce qui reflétait de la part de l’auteur un intérêt semblable à celui de son vieux collègue MacNab.

En 1856, Hogan devint rédacteur en chef du Daily Colonist, mais, l’année suivante, il quitta le journal pour briguer de nouveau les suffrages et fut, cette fois, élu dans la circonscription de Grey. On le considérait avec Oliver Mowat* et Thomas D’Arcy McGee* comme l’un des nouveaux députés les plus prometteurs. Grand, mince et agile, il était admiré pour ses écrits et son esprit, respecté pour son indépendance. Hogan, libéral indépendant, vota contre l’éphémère gouvernement libéral de George Brown* et d’Antoine-Aimé Dorion* le 2 août 1858, même s’il « continuait de privilégier une perspective libérale des problèmes ». Quand John Alexander Macdonald*, que Hogan avait admiré au début de sa carrière politique, revint au pouvoir le même mois avec George-Étienne Cartier*, il n’hésita pas à attaquer leur gouvernement. Son engagement dans la politique active ne l’avait cependant pas fait délaisser sa plume : en novembre 1859, il publia un pamphlet politique. Puis, au début de décembre 1859, Hogan disparut. Bien qu’il ait épousé Madeline Wharton Metcalf à la Christ’s Church (anglicane) de Hamilton le 18 novembre 1847, il était apparemment sans famille à cette époque ; il vivait à l’hôtel Rossin House, à Toronto, et subvenait par intermittence aux besoins d’une certaine Mme Laurie et de ses enfants. Comme ses déplacements étaient souvent irréguliers, sa disparition ne souleva pas d’inquiétude avant deux mois. On se mit alors à le chercher, sans succès, aux États-Unis. Plus de 16 mois après sa disparition, on retrouva son corps dans la rivière Don, à Toronto. Une indicatrice de police signala qu’elle avait vu Hogan se faire attaquer et voler par James Brown, Jane Ward, John Sherrick et deux autres membres de la célèbre « Brooks’ Bush Gang », qui terrorisait les citoyens de l’extrémité est de la ville. Le procès mélodramatique de Ward et de Sherrick révéla que, le 1er décembre 1859, Hogan avait quitté Mme Laurie, s’était arrêté au bureau du Daily Colonist, puis s’était dirigé vers l’est par la route de Kingston. Hogan fut assailli sur le pont de la rivière Don quand, arborant un rouleau exceptionnellement épais de billets de banque, il offrit aux membres de la bande de leur verser le « droit de passage » habituel. Malheureusement, il reconnut l’un de ses assaillants, qu’il appela par son nom, et l’un des malfaiteurs « enveloppa une pierre dans un mouchoir et l’assomma ». Ward et Sherrick furent acquittés mais, lors d’un procès ultérieur, James Brown fut déclaré coupable, même s’il protesta de son innocence jusqu’à la fin. En dépit d’un deuxième procès, il fut pendu en public le 10 mars 1862.

Ardent et loyal tout en étant préoccupé de réforme, John Sheridan Hogan avait, dans sa carrière de journaliste et d’homme politique, contribué à canaliser les espoirs des Canadiens qui souhaitaient maintenir leurs liens avec la Grande-Bretagne tout en les assouplissant. À l’instar de McGee, il ajouta une note de controverse à la vie politique et littéraire des décennies 1840 et 1850. Toutefois, contrairement à son distingué compatriote, il ne fut pas victime d’un assassinat politique mais d’une bande de mécréants. Tout comme ses articles mineurs dans les journaux, sa mort met au jour l’existence peu reluisante menée par les marginaux de la société torontoise du milieu du xixe siècle.

Elizabeth Waterston

John Sheridan Hogan est l’auteur de The Canadas : shall they « be lost or given away ? » A question to be decided by the people of England in chosing between free trade or protection ; an essay [...] (Toronto, 1852) ; Canada : an essay : to which was awarded the first prize by the Paris Exhibition Committee of Canada (Montréal, 1855), qui parut en français sous le titre de le Canada : essai auquel le premier prix a été adjugé par le Comité canadien de l’Exposition de Paris (Montréal, 1855) ; et A review of the proceedings of the Reform Convention, held in the St. Lawrence Hall, Toronto, 9th November, 1859 [...] (Toronto, 1859). Hogan publia anonymement dans le Blackwood’s Edinburgh Magazine (Édimbourg et Londres) une série d’articles intitulés « Civil revolution in the Canadas », 65 (janv.–juin 1849) : 727–741 et 67 (janv.–juin 1850) : 249–268, et « Civil revolution in the Canadas – a remedy », 66 (juill.–déc. 1849) : 471–485. Le poème d’Hogan, Canadian loyalty : an ode, written at sunrise on New-Year’s morning of 1850, at the head of Lake Ontario, in western Canada, parut également anonymement dans le Blackwood’s Edinburgh Magazine, 67 : 345–346.

AO, MS 516, 15 févr.–18 avril 1842.— British Colonist (Toronto), 1849–1850.— Daily Colonist (Toronto), 1851–1858.— United Empire (Toronto), 1852–1853.— Marriage notices of Ontario, W. D. Reid, compil. (Lambertville, N.J., 1980), 214.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 192 ; Sketches of celebrated Canadians, 764–765.— Cornell, Alignment of political groups, 37, 45, 48.— L. F. [Cowdell] Gates, William Lyon Mackenzie : the post-rebellion years in the United States and Canada (Ithaca, N.Y., 1978).— N. F. Davin, The Irishman in Canada (Londres et Toronto, 1877), 645–651.— L. S. Fallis, « The idea of progress in the Province of Canada : a study in the history of ideas », le Bouclier d’Achille : regards sur le Canada de l’ère victorienne, W. L. Morton, édit. (Toronto et Montréal, 1968), 169–183.— Guillet, Lives and times of Patriots ; Toronto from trading post to great city (Toronto, 1934), 224–225.— O. A. Kinchen, The rise and fall of the Patriot hunters (New York, 1956).— Samuel Thompson, Reminiscences of a Canadian pioneer for the last fifty years : an autobiography (Toronto, 1884 ; nouv. éd., Toronto et Montréal, 1968).— W. S. Wallace, Murders and mysteries ; a Canadian series (Toronto, 1931), 255–271 ; « The periodical literature of Upper Canada », CHR, 12 (1931) : 4–22.

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Elizabeth Waterston, « HOGAN, JOHN SHERIDAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hogan_john_sheridan_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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