HAZEUR, FRANÇOIS, éminent marchand de Québec, entrepreneur, seigneur, membre de la Compagnie du Nord et de la Compagnie de la Colonie, conseiller au Conseil supérieur, né en France aux environs de 1638, décédé à Québec, le 28 juin 1708.

Fils de François Hazeur, bourgeois de Brouage, et de Marie Proust, François immigra au Canada, peu avant 1670, avec ses deux frères, Jean-François, sieur de Petit-Marais, et Léonard Hazeur Des Ormeaux, et ses deux sœurs, Madeleine et Marie-Anne. Leur mère et une sœur plus jeune, Jeanne-Louise, vinrent les rejoindre après la mort du père, aux environs de 1672. Jean-François et Léonard se lancèrent dans le commerce, Jeanne-Louise et Madeleine se firent religieuses à l’Hôtel-Dieu de Québec et Marie-Anne épousa Jean Sébille, un marchand de Québec.

François s’établit à Québec où il épousa, le 21 novembre 1672, Anne Soumande, fille du marchand Pierre Soumande et de Simone Côté. Parmi ses relations d’affaires, on retrouve les marchands de La Rochelle, Jean Gitton et Jean Grignon, Philippe Gaultier* de Comporté et aussi son beau-père. C’est sans doute grâce à leur appui qu’il put ouvrir à Québec un magasin – qui prospéra très rapidement – et se livrer à la traite des fourrures. Dès avant 1685, Hazeur avait pris place parmi les membres éminents du monde des affaires au Canada. Il s’occupa tout particulièrement de la traite des fourrures, arma de nombreuses embarcations à destination de l’Ouest et acheta des congés de traite à leurs détenteurs initiaux. Hazeur ne fut pas long à se joindre à la Compagnie du Nord, dès sa formation en 1682 ; la société avait pour but d’exploiter la traite à la baie d’Hudson. En 1691, le capital qu’il y avait investi, soit 17 521#, était le quatrième en importance, après ceux de la Compagnie de la Ferme, de Charles Aubert de La Chesnaye et de Jacques Le Ber.

En 1688 et 1689, Hazeur commença à diversifier ses intérêts économiques. Avec Soumande et Grignon, il forma une société qui obtint le monopole de la seigneurie de la Malbaie, une région aux épaisses forêts dont les variétés de bois se prêtaient particulièrement bien à la construction navale. Sous la direction des trois associés, la seigneurie devint bientôt le plus important centre de l’industrie du bois au Canada. On y érigea deux moulins à scie, des hangars et des bâtiments, et on ouvrit des routes ; 25 à 30 hommes y travaillaient. En 1689, Hazeur fit savoir que la seigneurie pouvait produire annuellement 30 000 pieds de planches, 2 000 pieds de bordages et jusqu’à une centaine de mâts.

Malheureusement l’entreprise ne prospéra pas malgré que deux charpentiers, venus de France en 1687, eussent affirmé que le bois était de bonne qualité. Hazeur déclara en 1692 que ses partenaires et lui avaient déboursé 85 000# et n’avaient retiré qu’une infime partie du capital investi. Plusieurs facteurs étaient à l’origine de cette situation. Au printemps de 1690, des inondations avaient sérieusement endommagé les installations et à l’automne de la même année une expédition anglaise, en route pour attaquer Québec, avait causé d’autres ravages. L’obstacle majeur semble toutefois avoir été la pénurie de moyens de transport appropriés qui rendait impossible les expéditions massives vers la France. Conséquemment, le bois coupé depuis trois ans était toujours empilé et pourrissait, faute de marché. S’efforçant de remédier à la situation, Hazeur pria Louis XIV de bien vouloir, chaque année, mettre à la disposition de la société deux grandes « flutes » de sa flotte, faute de quoi les partenaires se verraient dans la nécessité d’abandonner l’affaire.

Vers la fin du siècle, Hazeur délaissa l’industrie du bois, pour s’intéresser à d’autres secteurs de l’économie. Le 20 septembre 1697, associé à Denis Riverin, il se fit concéder la seigneurie de l’Anse-de-l’Étang, dans le bas Saint-Laurent, dans le but d’y exploiter une carrière de schiste. Cependant, ni l’un ni l’autre des associés ne s’occupèrent activement de la mise en valeur de la seigneurie, car ils étaient captivés par d’autres projets. Le 16 février 1701, Hazeur s’était associé à Charles Denys de Vitré et Pierre Peire pour faire la pêche aux marsouins dans le fleuve Saint-Laurent, en face de Rivière-Ouelle et de Kamouraska. La couronne leur en accorda le privilège exclusif pour une période de cinq ans avec, en plus, une gratification annuelle de 550#. À la suite de la mort de Vitré, survenue le 9 janvier 1703, Hazeur et Peire bénéficièrent d’une aide supplémentaire sous forme d’équipement de pêche et en 1705 d’un renouvellement de leur privilège pour 15 autres années. Cette entreprise devait cependant connaître les mêmes difficultés que l’exploitation forestière de la Malbaie. En 1704, les deux associés avaient consenti des déboursés de l’ordre de 50 000# et, deux ans plus tard, les dettes s’élevaient à 60 000#. En 1707, ils faisaient face à des difficultés plus que sérieuses ; la production n’atteignait que 40 barils d’huile et le ministre fit savoir à Hazeur que la qualité du produit laissait à désirer et que le prix en était exorbitant.

Hazeur s’intéressait aussi aux pêcheries de Terre-Neuve depuis 1705 ; on lui avait alors concédé la seigneurie de Portachoix sur la rive nord-ouest de l’île et il s’associa à un habitant du nom de Pierre Constantin* qui avait consenti à s’y installer pour y faire la chasse et la pêche. Nous ignorons si l’établissement a été une réussite financière, mais il semble que ce ne fût jamais plus qu’une entreprise d’importance mineure.

Hazeur avait aussi conservé des intérêts considérables dans la traite des fourrures. Le 22 octobre 1693, il s’associa avec La Chesnaye, Charles Macard, Jean Le Picard, François Viennay-Pachot* et Jean Gobin ; le groupe se porta acquéreur du bail de la traite de Tadoussac que détenait un bourgeois de Paris du nom de Jean-François Chalmette. En 1700, le domaine de Tadoussac passa à la Compagnie de la Colonie, société nouvellement formée et dont Hazeur était l’un des actionnaires. Peu après, la compagnie loua la traite à Hazeur et Riverin pour une période de huit ans, au prix de 12 700# par an. Hazeur fit des efforts considérables pour relever le commerce de cette région, qui avait sombré depuis plusieurs années dans un état de stagnation. Malheureusement, les conditions économiques du début du siècle se prêtaient peu à des opérations de ce genre. Le commerce des peaux de castor était dans le marasme ; les aléas de la navigation conséquents à la guerre de Succession d’Espagne entraînaient une hausse vertigineuse du prix des marchandises de traite. En 1708, Hazeur avait englouti entre 40 000 et 50 000# dans la traite de Tadoussac ; ses fils ont soutenu que ces pertes furent la principale cause de sa ruine.

Le magasin de Québec est la seule des entreprises de Hazeur qui semble avoir accusé des bénéfices constants durant toutes ces années. C’est de là sans doute que provenaient les capitaux qui ont financé la plupart des autres entreprises. Ses clients, tout comme ceux de La Chesnaye, venaient de toutes les couches de la société et habitaient les quatre coins de la colonie. En mai et juin 1695, 13 actes d’obligations, qui couvraient d’importantes transactions de crédits pour une somme totale de 20 202#, ont été signés devant le seul notaire Bénigne Basset* de Montréal. En 1708, Hazeur dut s’attacher les services d’un gérant, Pierre Normandin, pour s’occuper de ses affaires à Montréal, Trois-Rivières, Batiscan et Champlain.

Hazeur était devenu un membre éminent et respecté de la société canadienne. Sa maison, sur la Place Royale, dans la basse ville de Québec, était réputée la plus belle en ville. Ses actes répétés de générosité lui valaient l’estime des communautés religieuses ; il avait la confiance du gouverneur Buade* de Frontenac qui, sur son lit de mort, le nomma, avec Charles de Monseignat, coexécuteur testamentaire de ses dernières volontés. En 1703, Hazeur était désigné au Conseil supérieur, à la place de La Chesnaye, décédé, et il s’acquitta dignement de ses nouvelles fonctions. D’après Jacques Raudot, Hazeur fit de grands efforts pour s’instruire des devoirs de sa charge et il fut bientôt à la hauteur des conseillers les plus expérimentés.

Hazeur mourut, insolvable, le 28 juin 1708, « regretté de tout le monde à cause de son mérite, de sa vertu et de sa droiture », diront Philippe de Rigaud de Vaudreuil et Raudot. Il laissait sa deuxième épouse, Élisabeth Barbe, fille de Sylvain Barbe, bailli du Châtelet de Paris, et de Jeanne Girardin, qu’il avait épousée à Québec, le 16 janvier 1696, quatre ans après la mort de sa première femme, et cinq de ses treize enfants, tous issus de son premier mariage. Les plus connus sont : Jean-François, avocat au parlement de Paris ; Joseph-Thierry*, prêtre, curé de la paroisse de Saint-François de l’île d’Orléans et, plus tard, membre du chapitre de Québec ; Pierre qu’on connaîtra plus tard sous le nom de chanoine Hazeur* de L’Orme, curé de la paroisse de Champlain en 1707 ; à l’instar de son frère, il sera nommé au chapitre de Québec en 1722. Marie-Anne-Ursule, la seule de ses filles à lui survivre, épousa le chirurgien du roi, Michel Sarrazin.

Pendant une trentaine d’années, François Hazeur a été, de tous les hommes d’affaires de la Nouvelle-France à cette époque, un des plus éminents, et aussi un des plus audacieux ; n’eussent été ses expériences désastreuses dans l’industrie du bois, les pêcheries et la traite de Tadoussac, il aurait pu amasser une fortune considérable. Ces échecs ne doivent pas être imputés à son incompétence, mais plutôt aux conditions économiques défavorables à cette époque.

Yves F. Zoltvany

AJM Greffe d’Antoine Adhémar ; Greffe d’Hilaire Bourgine ; Greffe de Claude Maugue.— AJQ, Greffe de Romain Becquet ; Greffe de Louis Chambalon ; Greffe de Pierre Duquet ; Greffe de François Genaple ; Greffe de Gilles Rageot.— AJTR, Greffe de J.-B. Pottier.— AN, Col., B, 16, 23, 27, 29, 42 ; Col., C11A, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 15, 22, 24, 27, 28, 29, 125 ; Col., C11G, 3 ; Col., F3, 6, 7, 8, 9.— Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28, passim.— Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938–39 ; 1939–40 ; 1946–47 ; 1947–48.— Jug. et délib., passim.— Juchereau, Annales (Jamet).— P.-G. Roy, Inv. concessions, III, IV ; Inv. ord. int., I.— E. H. Borins, La Compagnie du Nord, 1682–1700 (thèse de m.a., McGill University, 1968).— J.-N. Fauteux, Essai sur lindustrie.— P.-G. Roy, La Ville de Québec.— Victor Tremblay, Le moulin de Hazeur, BRH, LV (1949) : 123–125.— N.-E. Dionne, Les caveaux de la basilique de Notre-Dame de Québec, BRH, IV (1898) : 130–134.— P.-G. Roy, Charles Denys de Vitré, conseiller au Conseil souverain, BRH, XXIV (1918) : 225–242 ; La famille Hazeur, BRH, XLI (1935) : 321–349 ; Notes sur François Hazeur, BRH, XXXII (1926) : 705–711.

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Yves F. Zoltvany, « HAZEUR, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hazeur_francois_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024