Provenance : Lien
HASTINGS, CHARLES JOHN COLWELL ORR (il utilisait parfois les prénoms Charles John Oliver), médecin, agent de la santé publique, éducateur et réformateur en hygiène publique, né le 23 août 1858 dans le canton de Markham, Haut-Canada, fils de John Hastings et de Maria Louisa Orr ; le 23 octobre 1889, il épousa à Toronto Allie Hatch (décédée le 19 mai 1934), et ils eurent trois fils et deux filles, parmi lesquels deux fils et une fille parvinrent à l’âge adulte ; décédé le 17 janvier 1931 dans cette ville.
Après avoir grandi dans la ferme familiale du canton de Markham et fréquenté les écoles locales, Charles John Colwell Orr Hastings fit des études médicales à Toronto et obtint un doctorat en médecine de la Victoria University en 1885. La même année, il démarra sa carrière à titre d’agent de la santé publique et de vaccinateur par intérim durant une épidémie de variole. En 1886, il partit suivre une formation supérieure à Dublin, au pays de ses ancêtres, où il reçut une licence du King and Queen’s College of Physicians in Ireland. Il poursuivit ses études à Édimbourg et à Londres avant de retourner à Toronto, où il s’établit comme obstétricien. Des résidences bourgeoises de Rosedale aux habitations ouvrières de Cabbagetown, Hastings voyait des patients issus de tous les milieux sociaux, à un moment où la population de la ville croissait de manière spectaculaire, passant de 86 000 personnes au début des années 1880 à 376 000 en 1911. Il contribua à cette augmentation en aidant à mettre au monde environ 5 000 bébés, selon ses estimations, sans perdre une seule mère.
En 1902, la tragédie frappa Hastings lorsque deux de ses enfants contractèrent la fièvre typhoïde après avoir bu du lait contaminé ; sa fillette en mourut. Cette expérience et son travail médical l’incitèrent à s’investir davantage dans le service public. En 1904, il exhorta l’Ontario Medical Association à appuyer les inspections médicales dans les écoles pour améliorer la santé des enfants. Un jour, il affirma : « [N]ous passons peu à peu de [l’approche médicale] “comment devons-nous traiter” à “comment devons-nous prévenir”. » Hastings exprimait ainsi le message qui déterminerait le reste de sa carrière : la nécessité de l’éducation sanitaire et de l’action publique. Réformateur typique de son époque, il fut membre actif de la section d’hygiène de l’Ontario Educational Association, président du Progressive Club, membre de la Canadian Public Ownership League et, en 1910, fondateur de la Canadian Public Health Association.
Hastings lança sa croisade la plus connue alors qu’il présidait le comité sur le lait de la Canadian Medical Association, qu’il avait lui-même mis sur pied en 1908. Cet organisme national désigna les maladies transmises par le lait comme en partie responsables du taux élevé de mortalité infantile au Canada et préconisa la pasteurisation (traitement thermique) ou la certification de qualité (analyse de propreté en laboratoire) du lait. Aucun gouvernement – fédéral, provincial ou municipal – n’adopta toutefois complètement ses recommandations. Tout de suite après sa nomination au poste de médecin hygiéniste de Toronto, en octobre 1910, Hastings entreprit de convaincre les laiteries locales de pasteuriser leur lait. Fondant sa campagne sur l’Ontario Milk Act of 1911, qui permettait aux municipalités d’édicter des règlements imposant la pasteurisation, il utilisa la persuasion amicale, des méthodes publicitaires modernes (en faisait paraître des listes de « laiteries de premier ordre » dans le Health Bulletin mensuel, par exemple) et la négociation ferme pour parvenir à ses fins. Grâce à ses efforts, comme l’indiqua l’édition d’octobre 1915 du bulletin, les approvisionnements de la ville adéquatement inspectés et soumis à des tests bactériologiques devinrent un modèle pour les autres agglomérations urbaines. La diminution marquée des flambées de maladies transmises par le lait et la baisse d’environ un tiers de la mortalité infantile prouvèrent l’efficacité des nouvelles mesures.
Comme ses prédécesseurs William Canniff* et Charles Sheard*, Hastings comprenait la nécessité d’obtenir des appuis politiques pour réaliser ses projets, qui consistaient à éradiquer l’insalubrité des logements, augmenter la taille de son service et l’orienter vers la prévention par l’éducation. En 1911, son rapport sur les conditions de vie dans les taudis de Toronto porta à l’attention générale la nécessité d’appliquer des mesures d’assainissement. Les actions entreprises furent d’abord limitées. Grâce au soutien d’hommes politiques comme James Simpson, Horatio Clarence Hocken et Thomas Langton Church*, Hastings put tout de même charger son équipe en pleine expansion, composée d’inspecteurs sanitaires, d’infirmières de santé publique et de femmes de ménage de la municipalité, de porter les messages de prévention jusque dans les foyers des résidents. En 1917, lorsque les contribuables votèrent pour que les inspections médicales dans les écoles soient confiées au service de santé de Toronto plutôt qu’au Toronto Board of Education, Hastings étendit les services municipaux de soins infirmiers et d’inspection de district aux élèves. En reconnaissance de son succès, ses pairs l’élurent président de la Canadian Public Health Association en 1916, puis de l’American Public Health Association deux ans plus tard.
Hastings, qui occupa le poste de contrôleur des vivres de Toronto tout en exerçant ses activités professionnelles durant la Première Guerre mondiale, fut confronté à l’un des plus grands défis de sa carrière au printemps de 1918, quand éclata la pandémie de grippe espagnole. En octobre, il se rendit à Boston, à New York et à Washington, afin de voir comment les Américains géraient la crise et de rapporter un vaccin à Toronto. Testé et développé aux Connaught Antitoxin Laboratories [V. John Gerald FitzGerald], celui-ci ne permit malheureusement pas d’enrayer la pandémie. Dans son discours présidentiel à l’American Public Health Association, en décembre, Hastings insista sur le fait que la santé publique était une pierre de touche de la démocratie et sur le rôle de l’État dans la protection de la santé de tous ses citoyens.
Les méthodes de Hastings, cependant, suscitèrent la colère des conseillers municipaux, qui commencèrent à s’inquiéter de la hausse des coûts afférents à son service, dont le personnel et le volume de travail ne cessaient d’augmenter. Certains résidents trouvaient les visites à domicile intrusives et, durant l’épidémie de variole de 1919–1920, d’autres protestèrent en affirmant que la vaccination obligatoire contrevenait à la liberté personnelle et au libre choix des parents. Hastings, pour qui la nécessité de préserver la santé des gens l’emportait sur les considérations de cet ordre, réagit mal aux critiques. Par la suite, la récession économique du début des années 1920, le ralentissement de l’élan réformateur et des problèmes de santé personnels entravèrent sa capacité de mettre sur pied des programmes originaux et plus modernes. Toronto conserva néanmoins sa réputation internationale de ville progressiste et la Rockefeller Foundation envoya des stagiaires de partout dans le monde y étudier l’administration de la santé publique.
Dans les années 1910 et 1920, Hastings aborda de nouveaux enjeux, comme la régulation des naissances, et prononça des discours en faveur de l’assurance-maladie et de meilleurs services en santé mentale. Comme beaucoup de ses contemporains, y compris les médecins Helen MacMurchy* et Peter Henderson Bryce, il s’inquiétait de la prévalence de la « faiblesse d’esprit » au sein de la population. Il tenta en vain de créer une société eugénique canadienne inspirée de celle de la Grande-Bretagne et, en 1927, il faisait ouvertement la promotion de méthodes de régulation des naissances, pourvu qu’elles soient encadrées par des médecins et conformes aux prescriptions légales et religieuses.
En raison de maladie, Charles John Colwell Orr Hastings prit sa retraite en 1929 ; ses qualités exceptionnelles de chef de file et d’administrateur étaient reconnues internationalement depuis longtemps. Il mourut des suites d’une insuffisance cardiaque deux ans plus tard. Parmi les porteurs honoraires figurèrent le premier ministre George Stewart Henry*, le juge en chef provincial sir William Mulock*, le maire William James Stewart, le président de la University of Toronto sir Robert Alexander Falconer*, l’homme d’affaires Albert Edward Gooderham et l’ancien ministre du cabinet fédéral Newton Wesley Rowell*, qui se joignirent aux médecins John William Scott McCullough*, Gordon Anderson Bates et Gordon Park Jackson. Les éloges funèbres évoquèrent sa force de caractère et le louèrent pour avoir fait de Toronto une des villes les plus saines du monde. Hastings était très ancré dans son époque. Sa carrière reflète son évolution dans son domaine : amateur doué, qui utilisait la publicité et les groupes de pression externes pour introduire des changements, il devint un administrateur professionnel, qui croyait qu’une approche détachée, associée à des méthodes scientifiques et aux nouvelles technologies, protégerait la santé du public de la meilleure façon.
Charles John Colwell Orr Hastings a publié divers discours et articles, dont beaucoup ont paru dans Public Health Journal (Toronto) et Assoc. médicale canadienne, Journal (Toronto), entre 1910 et 1930. Le DCB conserve une liste détaillée des publications de Hastings, dont voici quelques titres : « Medical inspection of public schools », Canadian Journal of Medicine and Surgery (Toronto), 21 (janvier–juin 1907) : 73–76 ; Report of the Medical Health Officer dealing with the recent investigation of slum conditions in Toronto […] (Toronto, 1911) ; Report of the Medical Officer of Health on the safeguarding of Toronto’s milk supply with special reference to pasteurization (Toronto, 1915) ; « The modern conception of public health administration », Conservation of Life : Public Health, Housing and Town Planning (Ottawa), 3 (décembre 1916–octobre 1917) : 49–54, 86–90 ; « Democracy and public health administration », American Journal of Public Health (New York), 9 (1919) : 81–86, 172–179 ; « Nursing organization as developed in Toronto […] », Nation’s Health (Chicago), 5 (1923) : 61–65.
City of Toronto Arch., Fonds 200, ser. 365 (rapports mensuels du Medical Officer of Health, du Dept. of Public Health et du Local Board of Health, 1910–1929).— A. F. Denton, « Toronto leads the world in public health service […] », Toronto Star Weekly, 27 sept. 1924 : 18.— Evening Telegram (Toronto), 1919.— Globe, 1910–1931.— Toronto Daily Star, 1910–1931.— World (Toronto), 1918–1919.— P. A. Bator, « The health reformers versus the common Canadian : the controversy over compulsory vaccination against smallpox in Toronto and Ontario, 1900–1920 », Ontario History (Toronto), 75 (1983) : 348–373 ; « “Saving lives on the wholesale plan” : public health reform in the city of Toronto, 1900 to 1930 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1979).— P. A. Bator et A. J. Rhodes, Within reach of everyone : a history of the University of Toronto School of Hygiene and the Connaught Laboratories (2 vol., Ottawa, 1990–1995), 1.— Bureau of Municipal Research, Administrative study of the Toronto department of public health as of March 31st, 1915 ([Toronto, 1915]).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— J. M. S. Careless, Toronto to 1918 : an illustrated history (Toronto, 1984).— Health Bull. (Toronto), 1911–1915, 1920–1929.— Heather MacDougall, Activists and advocates : Toronto’s health department, 1883–1983 (Toronto, 1990) ; « Toronto’s health department in action : influenza in 1918 and SARS in 2003 », Journal of the Hist. of Medicine and Allied Sciences (Oxford, Angleterre), 62 (2007) : 56–89.— Angus McLaren, Our own master race : eugenics in Canada, 1885–1945 (Toronto, 1990).— Kevin Plummer, « Historicist : guarding a city’s health » : torontoist.com/2008/08/historicist_guarding_a_citys_health (consulté le 29 juin 2016).— Marion Royce, Eunice Dyke : health care pioneer […] (Toronto, 1983).— Toronto City Council, Minutes of proc. (Toronto), 1910–1929 (exemplaires aux City of Toronto Arch., Research Hall library).— K. M. Yorke, « Saving lives on wholesale plan : how Toronto has been made the healthiest of large cities », Maclean’s, juillet 1915 : 20–22, 93–96.
Heather MacDougall, « HASTINGS, CHARLES JOHN COLWELL ORR (Charles John Oliver) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hastings_charles_john_colwell_orr_16F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/hastings_charles_john_colwell_orr_16F.html |
Auteur de l'article: | Heather MacDougall |
Titre de l'article: | HASTINGS, CHARLES JOHN COLWELL ORR (Charles John Oliver) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |