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BRYCE, PETER HENDERSON, médecin et fonctionnaire, né le 17 août 1853 à Mount-Pleasant, comté de Brant, Haut-Canada, fils de George Bryce et de Catherine Henderson, et frère de George Bryce ; le 17 août 1882, il épousa à Whitby, Ontario, Kate Lynde Pardon (décédée le 14 mars 1931), et ils eurent quatre fils et deux filles ; décédé en mer le 15 janvier 1932 et inhumé au cimetière Beechwood, Ottawa.
Peter Henderson Bryce était le deuxième garçon d’une importante famille écossaise presbytérienne. Il fréquenta l’Upper Canada College avant d’obtenir une licence ès arts (1876), une maîtrise (1877) et une licence de médecine (1880) à la University of Toronto ; en outre, il y remporta la médaille d’argent en médecine et la médaille d’or Starr. À Édimbourg, il fut admis au Royal College of Physicians, puis, à Paris, il étudia quelque temps la neurologie à la clinique de Jean-Martin Charcot, dans le gigantesque hôpital public de la Salpêtrière. Bryce revint au Canada et ouvrit un cabinet de médecine générale à Guelph, en Ontario. En 1882, Arthur Sturgis Hardy*, secrétaire provincial du gouvernement libéral d’Oliver Mowat*, le nomma secrétaire du Bureau de santé provincial. Il conserverait ce poste pendant 22 ans, et travaillerait avec des gens comme John Joseph Cassidy* et John Joseph Mackenzie* pour se colleter avec d’énormes problèmes que le gouvernement contribua très peu, financièrement, à solutionner. Il termina son doctorat en médecine à la University of Toronto en 1888. En 1890, il avait déjà abandonné sa pratique médicale à cause de la pression de sa tâche de fonctionnaire, qui s’accrut encore en 1892 lorsqu’il devint aussi sous-registraire général responsable des statistiques de l’état civil. De concert avec d’autres médecins de santé publique, dont Edward Playter*, Charles John Colwell Orr Hastings et John Gerald FitzGerald, Bryce préconisait la médecine préventive et une amélioration des conditions sanitaires, particulièrement dans les zones urbaines. Sa réputation s’étendit rapidement : il fut élu président de l’American Public Health Association en 1900 et, quatre années plus tard, il devint vice-président de l’American International Congress on Tuberculosis. Il était également un membre actif de l’Association canadienne pour la prévention de la tuberculose.
En 1904, Clifford Sifton*, ministre de l’Intérieur et surintendant général des Affaires indiennes dans le gouvernement libéral de sir Wilfrid Laurier*, nomma Bryce médecin en chef de ses deux ministères. À ce titre, Bryce était responsable de l’inspection médicale des nouveaux arrivants, à une époque d’immigration massive, et de la surveillance des conditions sanitaires de la population autochtone. Membre de la Canadian Purity-Education Association, et commentateur régulier des questions contemporaines sur la réforme sociale et morale, Bryce s’entendait avec Sifton sur l’idée que les immigrants en provenance des régions rurales du sud et de l’est de l’Europe étaient préférables à ceux qui appartenaient aux classes ouvrières de Grande-Bretagne et des États-Unis, et qui, comme il disait, « ont été pendant plusieurs générations des ouvriers d’usine et des habitants des centres surpeuplés de grandes populations industrielles ». En accord avec les idées médicales de l’époque, il croyait que la vie dans les villes conduisait à « une sorte de débilité mentale » et à la « dégénérescence d’une race qui avait eu pour ancêtres des Anglo-Saxons libres ». Bryce recueillait des statistiques sur les immigrants qui souffraient de la tuberculose et il savait que les médecins britanniques recommandaient souvent un changement de climat comme traitement de la maladie. À ces derniers, il conseilla donc d’envoyer leurs patients aisés « en phase initiale de la maladie » dans les fermes et les agréables vallées de vergers du Canada, « et là, avec des capitaux anglais, des idéaux anglais et des méthodes anglaises », ils retrouveraient la santé.
Avant même d’entrer dans la fonction publique fédérale, Bryce savait très bien que la tuberculose était répandue dans la population autochtone en Ontario et il s’était efforcé de combattre la maladie dans le sud-ouest de la province en établissant des sanatoriums sous des tentes, avec un personnel d’infirmières entraînées. Même s’il avait démontré avec faits et chiffres la nécessité d’une nouvelle approche, et malgré le soutien d’un comité multiconfessionnel présidé par l’avocat et philanthrope Samuel Hume Blake*, l’argent ne venait pas. En 1907, en sa qualité de médecin chef du ministère des Affaires indiennes, Bryce enquêta sur les conditions sanitaires dans 35 écoles industrielles et pensionnats des Prairies. Tenus par des Églises, financés par l’État et supervisés par des hommes comme Hayter Reed, ancien commissaire des Affaires indiennes dans les Territoires du Nord-Ouest, ces établissements avaient été créés dans le but d’assimiler les populations autochtones. Bryce n’examina pas les enfants, mais plutôt l’état des bâtiments scolaires, ainsi que les dossiers d’élèves disponibles. Son Report on the Indian schools of Manitoba and the North-West Territories établissait clairement les liens entre une hygiène et une ventilation déficientes et l’infection des enfants sous-alimentés. « Nous avons créé, écrivait-il, une situation si dangereuse pour la santé, que j’ai été plusieurs fois surpris que les résultats ne soient pas encore plus mauvais que ceux annoncés par les statistiques. » Sur les 1 537 élèves qui avaient des dossiers, près de 25 % avaient perdu la vie ; à l’école de la colonie des monts File, dirigée par William Morris Graham, dans le sud de la Saskatchewan, 69 % de tous les anciens élèves étaient morts. Bryce nota une « relation étroite entre l’état de santé des élèves pendant qu’ils étaient à l’école et leur décès prématuré après leur sortie ». Son rapport, distribué aux membres de la direction et au personnel du ministère, se retrouva entre les mains de journalistes qui en furent naturellement scandalisés. Pour ces bureaucrates des Affaires indiennes qui envisageaient depuis un certain temps de fermer les coûteuses écoles industrielles, la mauvaise publicité n’était pas complètement inopportune, mais nombre de hauts dirigeants s’en offensèrent : le père George Hallam, par exemple, rejeta les idées « ultramodernes » de Bryce et déclara qu’il ne « devait pas s’attendre à des palais pour les enfants ». Dans les recommandations du rapport, jamais rendues publiques, Bryce tenait le gouvernement directement responsable de ces conditions épouvantables [V. Allen Patrick Willie] et critiquait tout particulièrement l’insuffisance de son financement par personne, qui forçait les Églises à inscrire plus d’élèves et à les nourrir moins. Sa suggestion que le gouvernement prenne entièrement à sa charge le financement et le contrôle administratif des écoles allait bien au delà de ce que ses supérieurs étaient prêts à faire.
Deux ans plus tard, une inspection de 243 enfants dans des écoles du sud de l’Alberta révéla un taux élevé de tuberculose, ce qui conduisit Bryce à recommander non seulement le traitement habituel par le grand air, le repos et une meilleure alimentation, mais aussi la supervision médicale des élèves sans l’ingérence des Églises. Son plaidoyer en faveur d’écoles non confessionnelles et d’un plus important engagement financier du gouvernement ne fut pas bien reçu. Duncan Campbell Scott*, surintendant de l’éducation pour le ministère des Affaires indiennes, trouva que les recommandations de Bryce étaient « scientifiques [… mais] plutôt inapplicables au système selon lequel ces écoles fonctionn[aient] ». Citant les travaux du médecin de renommée internationale William Osler*, il mena à bien quelques réformes limitées : des inspections médicales plus approfondies au moment de l’inscription, un financement par personne accru et des contrats qui imposaient à chaque école des normes plus élevées en matière de salubrité et d’alimentation. Scott assura à ses supérieurs que ces ajustements raisonnables « mettr[aient] fin aux imputations selon lesquelles le ministère ne pren[ait] pas bien soin des intérêts de ces enfants ». Les recommandations de Bryce auraient sûrement amélioré, sinon sauvé, beaucoup de vies ; toutefois, les pensionnats demeurèrent essentiellement les mêmes jusqu’en 1946.
Bryce fut mis à la retraite en 1921. Durant l’année suivante, il rédigea une attaque cinglante contre le ministère des Affaires indiennes, où il blâmait Scott personnellement pour les morts d’enfants qui avaient continué à survenir après 1907. Dans The story of a national crime, il soutenait que quand Scott était devenu sous-ministre en 1913, il avait chassé Bryce des Affaires indiennes. Accusant le « réactionnaire » Scott de ne pas avoir mis en œuvre les mesures même les plus élémentaires pour faire face aux problèmes de santé toujours présents, Bryce écrivit : « La maladie et la mort ont continué de creuser leur sillon en la quasi absence de tout effort sérieux de la part du ministère des Affaires indiennes pour contrôler [la situation]. » Il dénonçait aussi le gouvernement d’union de sir Robert Laird Borden qui avait refusé d’inclure la responsabilité de la santé de la population autochtone dans le mandat du nouveau ministère de la Santé, créé en 1919 sous Newton Wesley Rowell*. Bryce ne cachait cependant pas son amertume de ne pas avoir été choisi pour en être le premier sous-ministre ; son ressentiment affaiblit peut-être la portée de ses critiques du gouvernement auprès du public.
Après son départ de la fonction publique, Peter Henderson Bryce poursuivit sa querelle avec Scott et le ministère qu’il dirigeait. Cela ne l’empêcha pas de pratiquer d’autres activités durant sa retraite. Il fut l’un des fondateurs de la Société historique du Canada et membre de l’Arts and Letters Club of Ottawa. Il écrivit sur des sujets aussi variés que la vie de sir Oliver Mowat et l’histoire des loyalistes de Quinte. Il mourut en mer le 15 janvier 1932 en se rendant aux Antilles pour raisons de santé, deux semaines à peine après la mort de Henderson Lynde Bryce, son plus jeune fils, lui aussi médecin. La contribution de Bryce à la santé publique en Ontario et aux pratiques d’immigration canadiennes furent saluées de son vivant, au contraire de ses tentatives pour étendre les plus élémentaires protections de santé publique à la population autochtone. Il faudrait attendre la fin du xxe siècle, quand les Canadiens commenceraient à prêter oreille à la voix de cette dernière et quand les historiens se mettraient à raconter l’histoire honteuse des conditions sanitaires lamentables dans les pensionnats, pour que ses efforts obtiennent enfin reconnaissance. En 2011, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada créa des prix en son honneur pour rendre hommage aux adultes et aux jeunes militants qui luttèrent pour des changements systémiques bénéfiques à la santé et au bien-être des enfants autochtones au Canada.
Peter Henderson Bryce est l’auteur de : Report on the Indian schools of Manitoba and the North-West Territories (Ottawa, 1907 ; BAC en conserve un exemplaire avec divers documents connexes, RG 10, vol. 4037, dossier 317021) ; « Tuberculosis in Canada as affected by immigration », British Journal of Tuberculosis (Londres), 2 (1908) : 264–267 ; « Effects upon public health and natural prosperity from rural depopulation and abnormal increase of cities », American Journal of Public Health (New York), 5 (1915) : 48–56 ; « Feeblemindedness and social environment », American Journal of Public Health, 8 (1918) : 656–660 ; « The scope of a federal department of health », American Journal of Public Health, 9 (1919) : 650–653 ; et The story of a national crime : being an appeal for justice to the Indians of Canada […] (Ottawa, 1922).
BAC, RG 10, vol. 3957, dossier 140754-1, « Notes on Dr. Bryce’s report – with suggestions for future action », 7 mars 1910.— A. J. Green, « Humanitarian, m.d. : Dr. Peter H. Bryce’s contributions to Canadian federal native and immigration policy, 1904–1921 » (mémoire de m.a., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1999).— M. K. Lux, Medicine that walks : disease, medicine, and Canadian plains native people, 1880–1940 (Toronto et Buffalo, N.Y., 2001).— J. R. Miller, Shingwauk’s vision : a history of native residential schools (Toronto et Buffalo, 1996).— J. S. Milloy, « A national crime » : the Canadian government and the residential school system, 1879 to 1986 (Winnipeg, 1999).— Alan Sears, « Immigration controls as social policy : the case of Canadian medical inspection 1900–1920 », Studies in Political Economy (Ottawa), 33 (1990) : 91–112.— Megan Sproule-Jones, « Crusading for the forgotten : Dr. Peter Bryce, public health, and prairie native residential schools », Bull. canadien d’hist. de la médecine (Waterloo, Ontario), 13 (1996) : 199–224.— E. B. Titley, A narrow vision : Duncan Campbell Scott and the administration of Indian Affairs in Canada (Vancouver, 1986).— Mariana Valverde, The age of light, soap, and water : moral reform in English Canada, 1885–1925 (Toronto, 1991).— G. J. Wherrett, The miracle of the empty beds : a history of tuberculosis in Canada (Toronto, 1977).
Maureen K. Lux, « BRYCE, PETER HENDERSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bryce_peter_henderson_16F.html.
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Auteur de l'article: | Maureen K. Lux |
Titre de l'article: | BRYCE, PETER HENDERSON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |