GLASIER (Glazier), JOHN, entrepreneur forestier et homme politique, né le 3 septembre 1809 à Lincoln, près de Fredericton, fils de Benjamin Glasier et d’une prénommée Martha ; le 24 septembre 1842, il épousa Emmaline (Emanaline, Emeline) Garraty, et ils eurent sept enfants, dont un fils et une fille qui lui survécurent ; décédé le 7 juillet 1894 à Ottawa.

Dès le début de sa carrière, John Glasier devint une figure légendaire de patron d’exploitation forestière combatif et d’entrepreneur hardi. En 1926, soit une génération après sa mort, il fut élevé au rang de héros populaire par la parution de Glasier’s men, l’un des plus mémorables poèmes de Hiram Alfred Cody* et le plus largement diffusé.

Deuxième d’une famille de quatre garçons, il était le petit-fils de Benjamin Glasier, héros du Massachusetts à la guerre de Sept Ans, qui avait acquis une vaste propriété à Lincoln, sur la rivière Saint-Jean [V. Beamsley Perkins Glasier*]. Son père et son oncle étaient constructeurs de navires et fermiers, mais leurs affaires connurent un net recul au milieu des années 1820 ; leur scierie comme leurs boisés furent ravagés par le grand incendie de 1825.

Les Glasier formaient une famille unie, dont tous les membres faisaient de l’exploitation agricole, étaient bûcherons et s’occupaient d’un petit moulin à farine et d’un moulin à carder. Peu à peu cependant, John et ses jeunes frères s’engagèrent davantage dans le commerce du bois. En général, John travaillait de concert avec Stephen ; ils abattaient des arbres et conduisaient les billes jusqu’aux estacades qui se trouvaient près de Fredericton. Duncan D., lui, travaillait sur le cours inférieur de la rivière : il touait des trains de bois et transportait des marchandises.

Dès 1837, John et Stephen avaient de gros contrats avec Robert Rankin*, un marchand de bois de Saint-Jean. D’abord, ils travaillèrent sur le ruisseau Shogomoc, dans le comté d’York, mais au début des années 1840 John exerçait son métier dans le nord du bassin hydrographique de la rivière Saint-Jean, sur le territoire concédé à la Grande-Bretagne par le traité Webster-Ashburton de 1842. Les Glasier s’installèrent dans le Maine en 1849 et y achetèrent tout un canton, soit 36 milles carrés de terre. C’est dans cette haute région isolée, située aux confins du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Maine, que prirent naissance les histoires qui vantaient le courage et la témérité de John Glasier. « Premier à faire descendre un train de bois par le Grand-Sault / Premier à apercevoir les lacs Squatec, où brame l’orignal solitaire » : par ces lignes, le poète célébrait, en Glasier, celui qui avait été le premier à montrer que l’on pouvait faire passer régulièrement des trains de bois par la chute et qui avait amorcé, pour le bénéfice considérable du port de Saint-Jean, l’exploitation des derniers grands bois de pin de la vallée.

Les légendes décrivent Glasier comme un homme rude, extrêmement ambitieux, qui n’acceptait que sa propre loi. Il est possible de vérifier, du moins en partie, l’histoire selon laquelle il se rendit dans le Maine avec ses hommes, se battit contre les bûcherons de l’endroit et détruisit un gros barrage sur la rivière Allagash, en aval du lac Churchill, afin de libérer une masse d’eau qui permettrait à ses trains de bois de descendre le Grand-Sault. Sa réputation de combativité se perçoit aussi dans l’allégation voulant qu’un de ses bateaux, le Bonny Doon, qui prétendait au titre d’embarcation la plus rapide de la rivière Saint-Jean, coupa la route du célèbre Reindeer de Benjamin Franklin Tibbetts et tenta ensuite de l’éperonner en son milieu. Les histoires qui parlent de sa jument favorite, en l’honneur de qui il baptisa son bateau, révèlent un aspect plus doux de son tempérament. Version néo-brunswickoise du bœuf avec lequel le héros légendaire américain Paul Bunyan accomplit diverses tâches surhumaines, Bonny Doon était une monture d’une rapidité inégalée. Assez résistante pour maintenir une allure incroyable de Fredericton à Québec, elle avait en outre la vertu de conseiller son maître et d’écouter les confidences qu’il lui faisait au sujet de ses affaires.

John et Stephen Glasier avaient fait l’acquisition, en 1852, du J. D. Pierce, le premier vapeur à roue arrière à naviguer sur la Saint-Jean. L’année suivante, ils firent construire le Bonny Doon à Farmingdale, dans le Maine. Ce bateau, qui avait un très faible tirant d’eau, pouvait aller en amont de Fredericton et même, si la saison était favorable, remonter jusqu’au Grand-Sault. Le dépôt des Glasier se trouvait à 75 milles en amont du Grand-Sault, sur la rivière Saint-François ; le lac Glasier, non loin de là, perpétue leur nom.

L’association des frères Glasier atteignit le faîte de sa prospérité au début des années 1860, pendant la guerre de Sécession ; à un moment donné, ils employaient plus de 600 hommes. Cependant, lorsque s’abattit la dépression de 1872–1873, la compagnie avait pris des engagements qui dépassaient largement ses moyens. Apparemment, John et Stephen ne purent conserver que les fermes dont ils avaient hérité, toutes deux lourdement hypothéquées.

John Glasier avait fait son entrée en politique aux élections de 1861 en remportant sous la bannière libérale, par deux voix seulement, le siège de Sunbury à la chambre d’Assemblée. En 1865, l’un des rares partisans de la Confédération à être élu, non seulement arriva-t-il en tête, mais sa majorité fut écrasante, tout comme en 1866. On le nomma au Sénat en mars 1868 à la place d’Edward Barron Chandler* ou de William Todd*, qui avaient décliné l’invitation d’y entrer. Glasier avait peu de ce charme qui assure la réussite d’un homme politique. Tant au Sénat qu’à l’Assemblée, il prit rarement la parole, quoique selon le Saint John Globe, il ait été « capable d’exprimer clairement ses opinions quand il était nécessaire de parler ». Il s’acquitta de ses responsabilités publiques « avec conscience et courage ». Il se distinguait en tout par son indépendance ; même en religion, commentait un autre journal, il ne « suivait aucun credo ni aucune secte », bien que « sa connaissance des Écritures » ait été « remarquable ».

Glasier refusait qu’on le photographie, sans doute parce qu’il était embarrassé de la perruque noire qu’il portait toujours depuis qu’un accès de fièvre typhoïde, à 18 ans, lui avait fait perdre ses cheveux. Selon l’un de ses petits-neveux, « il ressemblait à l’Oncle Sam. Il avait un long nez crochu et un long menton en galoche, et il n’allait jamais sans son chapeau de castor – même quand il parcourait les bois pour aller visiter l’un de ses camps de bûcherons. C’était un homme de grande taille, d’une puissance terrible, tout en os et en muscles, et aussi souple qu’un jeune garçon même dans sa vieillesse. »

Pour John Glasier, le prestige était aussi une chose à propos de laquelle il ne plaisantait pas. Dans l’association qu’il formait avec son frère Stephen, c’était lui, insistait-il, « le plus grand », celui qui menait l’affaire. Aussi son employé Paddy McGarrigle, qui fut à un moment donné cuisinier et avait le privilège de pouvoir se moquer de lui, le surnomma-t-il « Le grand John Glasier », surnom adopté par bien des bûcherons. D’abord utilisé pour distinguer le propriétaire d’une entreprise forestière du patron d’une exploitation en particulier, ce nom en vint par la suite à désigner les patrons d’exploitations forestières eux-mêmes. John Glasier mourut du choléra le 7 juillet 1894, à Ottawa, où il assistait à une session du Sénat.

D. Murray Young

APNB, MC 30 ; MC 38 ; MC 300, MS2/115 ; MS5/5, 10–11, 17, 19, 23, 25 ; MS8 ; RG 7, RS72, A, 1814, Benjamin Glasier ; 1849, Benjamin Glasier ; 1884, D. D. Glasier ; 1923, Arthur Glasier.— Musée du N.-B., John Glasier letters ; F. A. Hoben, journal.— Sunbury Land Registry Office (Burton, N.-B.), Record books, 1788–1898 (mfm aux APNB).— UNBL, MG H104, T. S. Glasier, « Reminiscences of Thomas S. Glasier » (copie dactylographiée, vers 1914) ; une autre copie, intitulée « Lumbering with the Main John », introd. de L. M. Beckwith Maxwell.— N.-B., House of Assembly, Journal, 1838, app. 3 ; 1862–1867.— Daily Gleaner, 7, 9–10 juill. 1894.— Herald (Fredericton), 14 juill. 1894.— Saint John Globe, 7 juill. 1894.— Elections in N.B.— L. M. Beckwith Maxwell, An outline of the history of central New Brunswick to the time of confederation (Sackville, N.-B., 1937 ; réimpr., Fredericton, 1984).— H. A. Cody, Glasier’s men, dans Fifty four narrative poems, OJ. Stevenson, édit. (Toronto, 1933), 7–8 (copie au Musée du N.-B.).— Ted Jones, All the days of his life : a biography of Archdeacon H. A. Cody (Saint-Jean, N.-B., 1981).— G. [B.] MacBeath et D. F. Taylor, Steamboat days : an illustrated history of the steamboat era on the St. John River, 1816–1946 (St Stephen[-Milltown], N.-B., 1982).— W. O. Raymond, The River St. John : its physical features, legends and history from 1604 to 1784 (Saint-Jean, 1910).— Beatrice Craig, « Agriculture and the lumberman’s frontier in the upper Saint John valley », Journal of Forest Hist. (Santa Cruz, Calif.), 32 (1988).— F. H. Phillips, « The Main John ; lumber king Glasier had great courage but wasn’t popular », Daily Gleaner, 24 juin 1956.— Telegraph-Journal (Saint-Jean), 21 oct. 1926, 29 janv. 1936, 25 oct. 1948.

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D. Murray Young, « GLASIER (Glazier), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/glasier_john_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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