GAGNON, ANTOINE, prêtre catholique et vicaire général, né le 12 février 1785 à Petite-Rivière-Saint-Charles, près de Québec, fils de Zacharie Gagnon et de Geneviève Bouin, dit Dufresne ; décédé le 2 juin 1849 à Barachois, Nouveau-Brunswick.

Antoine Gagnon, issu d’une famille de cultivateurs, entra au petit séminaire de Québec à l’âge de dix ans, après avoir fréquenté l’école de sa paroisse. Doué d’une grande intelligence, il termina ses études classiques et théologiques aux petit et grand séminaires de Québec, et Mgr Joseph-Octave Plessis* l’ordonna prêtre le 19 décembre 1807 dans la cathédrale Notre-Dame de Québec. Parmi ses compagnons de classe figuraient Louis-Joseph Papineau*, Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé et Pierre-Flavien Turgeon*, des personnalités qui marquèrent, chacune à sa façon, le xixe siècle québécois. Antoine Gagnon, lui, laissa sa marque en Acadie.

Après son ordination, Gagnon ne demeura que deux ans à Québec, à titre de vicaire de la paroisse Notre-Dame, avant de s’embarquer pour l’Acadie à l’automne de 1809. Sa mission de Richibouctou comprenait une bonne partie du littoral est du Nouveau-Brunswick et englobait tous les villages de population catholique sis entre la baie Sainte-Anne au nord et la baie Verte au sud, soit une distance de plus de 180 milles. Gagnon s’installa dans le village de Richibouctou (Richibucto-Village). La majorité de ses paroissiens étaient des Acadiens, pour la plupart descendants de rescapés des déportations du milieu du xviiie siècle. Des Micmacs, des Irlandais et des Écossais comptaient également parmi ses ouailles.

Les nombreux déplacements qu’occasionnait le ministère dans une mission si vaste, et donc les absences prolongées de l’abbé Gagnon, créèrent un climat d’anxiété au sein de sa communauté. De fait, il s’éleva un conflit au sujet de l’emplacement d’une église dont Mgr Plessis avait ordonné la construction à l’occasion de sa visite pastorale en 1812. Le litige durait depuis déjà sept ans quand en juin 1819 les habitants d’Aldouane, l’un des villages concernés par le débat, adressèrent une pétition à l’évêque de Québec pour demander qu’on divise la mission en deux et que l’abbé Gagnon ne desserve qu’une des parties. En 1820, Mgr Plessis céda à cette requête et créa deux nouvelles missions : l’une au nord, Richibouctou, et l’autre au sud, Gédaïc. Assigné à cette dernière mission, Gagnon s’établit dans le village de Gédaïc (Grande-Digue).

Le bilan des 11 années de mission de l’abbé Gagnon était peu reluisant quand, à l’automne de 1820, il vint prendre en charge sa nouvelle mission, mais durant les quelque 29 années qui suivirent il en fut autrement. Comme son territoire était réduit de moitié, il put consacrer davantage de temps à son ministère de même qu’à la mise en place de structures paroissiales plus solides au sein de sa mission. De 1825 à 1848, on érigea une demi-douzaine d’églises et autant de presbytères dans différents villages. Ces constructions, cependant, ne s’achevèrent pas sans heurts, puisque les fidèles acadiens étaient toujours aussi divisés sur le choix des emplacements. L’abbé Gagnon dut intervenir et, à chaque occasion, cet homme d’un caractère parfois difficile finit par régler le litige. Pendant cette même période, il s’intéressa non seulement à l’administration de sa mission mais également aux affaires ecclésiastiques de son diocèse.

En 1833, Mgr Angus Bernard MacEachern*, premier évêque du diocèse de Charlottetown, qui comprenait alors l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, avait nommé l’abbé Gagnon vicaire général du Nouveau-Brunswick. Moins de deux ans plus tard, Mgr MacEachern mourait et l’abbé Gagnon, l’un des plus anciens missionnaires du nouveau diocèse, semblait le candidat tout désigné pour lui succéder. C’était du moins l’avis de l’archevêque de Québec, Mgr Joseph Signay, qui écrivit à Rome pour soumettre la candidature de Gagnon. Toutefois, peu de temps avant sa mort, Mgr MacEachern avait nommé un nouveau vicaire général dans le diocèse, l’abbé Bernard Donald Macdonald* ; il avait en outre confié à l’un de ses amis qu’il jugeait ce jeune prêtre d’origine écossaise digne de lui succéder. À Rome, le clergé écossais, appuyé par le gouvernement britannique, exigea qu’un des leurs succède à MacEachern. En 1837, c’est donc Macdonald que Rome nommait évêque de Charlottetown. Gagnon en fut profondément déçu. On soumit de nouveau son nom à Rome en 1842 au moment de la création du diocèse du Nouveau-Brunswick, mais cette fois ce fut un Irlandais, William Dollard*, qui accéda à l’épiscopat.

Ce double échec fit de Gagnon un homme très susceptible et méfiant envers les autres membres du clergé, plus particulièrement envers ses évêques anglophones. Il continua néanmoins à exercer ses fonctions de vicaire général sous leur épiscopat, mais non sans frustrations. En effet, Mgr Macdonald lui refusa l’autorisation de fonder un collège classique bilingue à Barachois [V. Joseph-Marie Paquet*] et, en 1845, Mgr Dollard divisa sa mission en deux, Barachois et Grande-Digue, et l’assigna alors à la première.

Depuis les années 1820, l’abbé Gagnon avait acquis dans sa mission des biens-fonds assez considérables : des moulins, des fermes et quelque 14 000 acres de terres boisées. Ces biens devaient lui permettre, disait-il, de soutenir son collège, mais après l’échec de son projet d’institution classique il préféra les faire servir à l’éducation de jeunes ecclésiastiques à Québec, qui se montraient intéressés à venir œuvrer en mission et donc à lui porter assistance. Quand cette aide tant attendue arriva en 1845, elle n’était pas celle qu’espérait l’abbé Gagnon : il ne s’agissait pas d’un de ses protégés, mais de François-Magloire Turcotte, ancien curé de Sainte-Rose (Laval, Québec) impliqué dans la révolte des patriotes quelques années plus tôt.

La nomination de Turcotte à Grande-Digue importuna Gagnon : il perdait ainsi une partie de sa mission et donc de sa dîme, et ceci à un moment très critique. De fait, la mauvaise conjoncture économique, par suite de crises successives dans le commerce du bois durant les années 1840, plaçait l’abbé Gagnon dans une situation financière de plus en plus difficile. Il lui fallait à tout prix se débarrasser de cet intrus.

L’occasion se présenta en 1848. Cette année-là, à la suite de plaintes au sujet d’un mariage qu’avait célébré Turcotte, Mgr Dollard décida de faire une enquête et il en confia la charge à Gagnon. À titre de vicaire général et avec l’approbation de l’évêque, Gagnon suspendit Turcotte de ses fonctions. Offusqués, les paroissiens de ce dernier interdirent à tout prêtre autre que leur curé, réprimandé sans raison selon eux, de pénétrer à l’intérieur de l’église. Ni Jean-Marie Madran*, pourtant choisi par l’évêque comme successeur de Turcotte, ni l’abbé Gagnon, nommé à la desserte de la mission après le départ précipité de Madran, n’y furent admis. En réalité, il s’agissait d’une révolte ouverte des habitants de Grande-Digue contre l’autorité ecclésiastique.

L’abbé Antoine Gagnon, dont la santé avait été minée par son labeur missionnaire, connut au cours de l’hiver de 1848–1849 une aggravation de son état à la suite d’une attaque d’hydropisie, maladie dont il souffrait depuis quelques années. L’amertume que lui avait causé la révolte de ses anciens paroissiens et l’état pitoyable de ses finances précipitèrent sa fin. Il mourut le 2 juin 1849, dans son presbytère de Barachois, et on l’inhuma trois jours plus tard dans le caveau de l’église du même endroit. Il avait légué tous ses biens à son évêque en stipulant qu’ils devaient servir à mettre sur pied un fonds pour le soutien de l’éducation ecclésiastique, mais après qu’on eut satisfait ses créanciers il resta peu de chose.

R. Gilles LeBlanc

AAQ, 210 A, III–XXIV ; 310 CN, I–II ; 311 CN, I–VI.— Arch. of the Diocese of Saint John (Saint-Jean, N.-B.), Dollard papers ; Antoine Gagnon papers.— ASQ, Lettres, N, nos 144–153 ; U, n° 94.— R. G. LeBlanc, « Antoine Gagnon and the mitre : a model of relations between Canadien, Scottish and Irish clergy in the early Maritime church », Religion and identity : the experience of Irish and Scottish Catholics in Atlantic Canada, Terrence Murphy et C. J. Byrne, édit. (St John’s, 1987), 98–113 ; « Antoine Gagnon, missionnaire auprès des Acadiens du sud-est du Nouveau-Brunswick (1809–1849) », Sur l’empremier : la gazette de la Soc. hist. de la mer Rouge (Robichaud, N.-B.), 1 (1984) : 119–184.

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R. Gilles LeBlanc, « GAGNON, ANTOINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gagnon_antoine_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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