GADOIS, PIERRE, fermier de l’île de Montréal, armurier et fabricant d’armes, victime de la sorcellerie, né en 1632 dans la paroisse de Saint-Germain-des-Prés près de Bellême au Perche, mort à Montréal le 8 mai 1714.

Fils aîné de Pierre Gadoys* (1594–1667), il vint au Canada avec ses parents ; après un séjour dans la région de Québec, la famille arriva à Ville-Marie (Montréal) aux environs de 1647. Le jeune Pierre fut, selon Marguerite Bourgeoys*, le premier enfant de chœur dans le poste avancé qu’était Ville-Marie. C’est probablement Jean La Forest [Tavernier] qui l’initia à l’art de la fabrication des armes, art qu’il a sans doute transmis à son frère Jean-Baptiste (1641–1728).

Le 12 août 1657, Pierre Gadois épousait Marie Pontonnier, le père Claude Pijart* bénit l’union et prononça le traditionnel « nulloque legitimo impedimento detecto ». Mais il y eut un empêchement. Mlle Pontonnier avait préféré Gadois à un autre prétendant. L’amoureux évincé, qui se nommait René Besnard dit Bourjoly, caporal dans la garnison de Ville-Marie, proclama que l’union demeurerait stérile. Comme l’épouse n’était pas encore enceinte après un an de mariage, on accusa Besnard d’avoir causé l’impuissance du mari par des paroles incantatoires prononcées sur un cordon noué trois fois (le nouement de l’aiguillette).

À la suite des plaintes que portèrent les époux lésés et d’autres personnes, on convoqua, en novembre 1658, une commission seigneuriale qui devait enquêter sur les accusations de sorcellerie formulées contre René Besnard. L’accusé nia avoir pratiqué la sorcellerie, bien qu’il prétendît que la femme de Gadois lui avait promis ses faveurs s’il consentait à reconnaître avoir jeté un sort et à rompre le maléfice. Confronté avec des témoins devant qui il s’était vanté publiquement mais à demi-mots de « scavoir Nouer lesguillette », Besnard répliqua qu’il voulait alors parler des cordons de ses chausses. Le sieur de Chomedey* de Maisonneuve, qui faisait office de magistrat, envoya le caporal en prison et, par la suite, l’exila.

Après une enquête ecclésiastique, Mgr de Laval bénit de nouveau cette union, puis, le 30 août 1660, les trois années requises étant écoulées depuis le premier mariage, il le déclara nul « pour et à cause de l’Impuissance perpetuelle Causée par Malefice ». Deux mois plus tard, Marie Pontonnier contractait un nouveau mariage mais Gadois attendit jusqu’au 20 avril 1665 avant de convoler ; il prit alors pour épouse Jeanne Besnard (sans lien de parenté avec René) qui lui donna 14 enfants dont une paire de jumeaux pour couronner le tout.

Pierre mena une vie publique honorable. Entre 1660 et 1670, il contribua à la défense de Ville-Marie comme milicien et comme membre de la ferme communautaire de la rivière Saint-Pierre qui remplissait le rôle d’avant-poste au sud de Ville-Marie. Environ dix ans plus tard, Gadois emménagea dans une nouvelle demeure, rue Notre-Dame, en face du premier séminaire. Il consacrait alors plus de temps à son métier d’armurier et s’occupait des œuvres religieuses et sociales de la Saint-Éloi, la corporation des armuriers. Devenu marguillier, il surveilla, en 1672, la construction d’un puits public sur la Place d’Armes. Le recensement de 1681 le mentionne comme propriétaire assez aisé d’un domaine de 30 arpents en culture. Deux ans après, il arrangea un mariage avantageux pour sa fille aînée, Jeanne-Françoise, qui épousa le marchand Antoine Hattanville. Dans la suite, Gadois augmenta son revenu par la vente de lots en ville et la location de ses terres de culture. Son fils, Jacques Gadois* dit Mauger (1686–1750), orfèvre et marchand, devait bientôt éclipser le bourgeois respecté qu’avait été son père.

Peter N. Moogk

AJM, Greffe de Bénigne Basset, 29 nov. 1672, 11 sept. 1673, 21 avril 1675, passim ; Greffe d’Hilaire Bourgine, 30 nov. 1689 ; Greffe de Pierre Cabazié, 30 mars 1685 ; Greffe de Claude Maugue, 28 mars 1678, passim ; Greffe de Jean de Saint-Père, 6 mai 1657 ; Registre d’état civil de Notre-Dame de Montréal, mariages 1643–1670, 235, 267s., 297 ; 1714, 62.— AJTR, Greffe de Jean-Baptiste Pottier, 6 juin 1690, 5 oct. 1696.— ASSM, Armoire 7, tiroir 4 (28 oct. 1694) ; tiroir 25 (3 juill. 1670, 19 juin 1678) ; tiroir 40 (15 oct. 1683, 25 févr. 1690, 14 sept. 1694, 6 août 1710), tiroir 46 (1er déc. 1695, 1695 s. d., 4 févr. 1700) ; tiroir 51 (7 oct. 1683).— Recensement du Canada, 1666 (RAPQ).— P.-G. Roy, Ord. comm., I : 266–277.— Raymond Boyer, Les crimes et les châtiments au Canada français du XVIIe au XXe siècle (Montréal, 1966), 293–295.— R.-L. Séguin, La sorcellerie au Canada français du XVIIe au XIXe siècle (Montréal 1961), 9–21.— É.-Z. Massicotte, La milice de 1663 : BRH, XXXII (1926) : 408 ; La Saint-Éloi et la corporation des armuriers à Montréal, au xviie siècle, BRH, XXIII (1917) : 343–346.— Canadian Antiquarian and Numismatic Journal (Montréal), 3e sér., XIII (1916) : 13.

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Peter N. Moogk, « GADOIS, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gadois_pierre_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024