FROTHINGHAM, LOUISA GODDARD (Molson), philanthrope et administratrice d’organismes de charité, née le 15 avril 1827 à Montréal, fille de John Frothingham* et de Louisa Goddard Archibald ; le 30 avril 1873, elle épousa à Montréal John Henry Robinson Molson ; décédée le 12 août 1910 au même endroit.

Louisa Goddard Frothingham était la benjamine de six enfants et la deuxième fille du couple Frothingham ; son père était, au moment de sa naissance, le grossiste en quincaillerie le plus important de Montréal. Trois de ses frères et sœurs moururent en bas âge, et Louisa grandit donc avec les deux frères qui lui restaient, George Henry et Frederick, à Piedmont, le domaine familial de l’avenue Pine, à Montréal. En 1873, elle épousa John Henry Robinson Molson, fils de Thomas Molson* et propriétaire de la brasserie du même nom. Ils vécurent à Piedmont, que son père avait laissé à Louisa à son décès en 1870. Tant avant qu’après son mariage, elle s’occupa d’organismes de charité de la ville, soit en faisant partie des comités de direction de plusieurs associations, soit en soutenant de ses généreuses contributions un certain nombre d’entre elles au moment opportun.

Louisa s’était jointe au comité de direction de l’asile des orphelins protestants de la cité de Montréal quand elle avait à peine 18 ans. Durant 64 ans, elle demeura une administratrice active et une participante fidèle aux réunions de cet organisme, qui hébergea et instruisit près de 1 000 orphelins au xixe siècle. Son instruction, son intelligence et sa forte personnalité faisaient en sorte qu’elle ne doutait pas de ses talents. Elle faisait preuve de dévouement dans son travail et du sens de la direction dans ses décisions. Membre de nombreux sous-comités de l’asile, c’est elle qui fut l’instigatrice du comité féminin de la construction, mis sur pied dans le but de travailler avec le comité consultatif, qui ne comprenait que des hommes.

L’orphelinat bénéficia des visites régulières de Louisa Goddard Frothingham, Justifiées par son travail de supervision de l’administration, mais motivées aussi sans doute par son amour des enfants. Son attachement envers eux l’amena à organiser chez elle une fête de Noël à leur intention, événement qui se répéta une grande partie des années durant lesquelles elle s’occupa de l’asile. Compréhensive mais forte, elle était la directrice à qui les enfants mis en apprentissage écrivaient quand ils avaient besoin d’aide. Elle leur prodiguait toujours conseils et encouragements, et aida plusieurs jeunes filles à trouver de l’emploi à Montréal après leur apprentissage.

Louisa Goddard Frothingham fut aussi directrice et directrice honoraire du Protestant Infants’ Home of Montreal, membre du comité de direction des Industrial Rooms [V. Mary Cowans] et, à compter de 1888, membre à vie du conseil d’administration du Montreal Maternity Hospital. Douée d’un grand sens civique, elle ne limita pas son action philanthropique aux organismes de charité destinés aux enfants de sa ville. Elle appartint au conseil de direction de l’hôpital protestant des aliénés de Verdun dès son ouverture, en 1890, et mit sa fortune au service de l’avancement des travaux de cet établissement. Elle milita également pour rendre les études supérieures accessibles aux femmes à titre de deuxième présidente de la Montreal Ladies’ Educational Association, de 1873 à 1875, où elle prit la relève de sa belle-sœur Anne Molson*. Elle préconisait l’assistance libre à des cours comme moyen efficace de se tenir au courant des innovations et encourageait les membres à profiter de cet avantage, ce qu’elle fit d’ailleurs elle-même. Elle demeura membre honoraire de l’association de 1876 jusqu’à sa dissolution en 1885.

Louisa Goddard Frothingham Molson hérita d’une fortune considérable, tant de son père que de son mari, mort en 1897. Grâce à celle-ci, elle fut en mesure de procurer un soutien tangible aux œuvres de bienfaisance, et son apport ne fut pas limité au don de son temps et de son énergie, comme l’était celui de la plupart des femmes au xixe siècle. Elle usa de sa fortune avec intelligence et discrétion, aidant les organismes qu’elle estimait en avoir le plus besoin. À titre d’exemple, dans les années 1890, elle donna à la Société bienveillante des dames de Montréal, œuvre importante destinée aux enfants de familles monoparentales, la somme de 10 000 $ à un moment où l’organisme en avait un besoin désespéré, puis lui légua une somme égale par testament ; elle n’accorda toutefois que 4 000 $ à l’asile des orphelins protestants de la cité de Montréal, car l’œuvre bénéficiait d’une importante fondation. Les hôpitaux protestants de la région de Montréal bénéficièrent d’une aide financière spéciale de sa part. Elle aida à assurer la stabilité de l’hôpital protestant des aliénés avec un don de 10 000 $ fait de son vivant et des legs à titre universel qui s’élevaient à près de 120 000 $. Le Montreal General Hospital, un autre des trois légataires à titre universel désignés dans son testament, reçut presque 240 000 $. Elle fit aussi au Children’s Memorial Hospital un legs de 20 000 $ et dota le Montreal Maternity Hospital d’une somme de 5 000 $ en 1901. Le soutien qu’elle apportait à l’éducation se manifesta par une donation de 10 000 $ à l’Institut Fraser [V. sir John Joseph Caldwell Abbott*] et plusieurs contributions à la McGill University, dont une dotation de 40 000 $ pour le poste de recteur en 1889 faite conjointement avec son frère. Le conseil d’administration de McGill, c’est-à-dire l’Institution royale pour l’avancement des sciences, reçut plus de 100 000 $ en sa qualité de dernier légataire à titre universel. Peu encline à l’ostentation, Louisa Goddard Frothingham versa beaucoup de ces dons dans les fonds généraux de ces établissements plutôt qu’à des fondations établies à son nom.

Les Frothingham étaient des fidèles de l’église presbytérienne St Andrew, où Louisa fut baptisée. Au début des années 1840, cependant, la famille aida à fonder la congrégation unitarienne qui deviendrait la Church of the Messiah [V. John Cordner*]. Louisa et sa famille apportèrent leur soutien à la congrégation et lui firent des dons importants au fil des années. Elle lui légua 20 000 $ dans son testament.

Louisa Goddard Frothingham est un parfait exemple de la femme fortunée du xixe siècle dotée de conscience sociale. Dans sa vie personnelle, elle fut victime des normes qui régissaient la société de l’époque. Quand sa mère mourut, en 1843, Louisa, alors âgée de 16 ans, promit à son père qu’elle tiendrait maison pour lui aussi longtemps que ce serait nécessaire. Comme il ne se remaria jamais, cette promesse l’engagea jusqu’en 1870. En conséquence, ses fiançailles avec John Molson furent reportées durant 30 ans, soit au delà de l’âge où elle pouvait avoir des enfants, ce qui fut pour elle une source de grand chagrin.

Louisa Goddard Frothingham Molson mourut de vieillesse chez elle en 1910. Les notices nécrologiques des journaux montréalais la décrivirent comme l’« une des femmes les mieux connues et les plus largement respectées de la ville ». Elle fut l’une des plus importantes philanthropes et militantes des œuvres de bienfaisance de Montréal au xixe siècle. Sa vie est la preuve que les femmes talentueuses pouvaient parvenir à des positions d’influence en dépit des restrictions sociales et rappelle l’apport financier important d’un petit nombre de femmes fortunées à la cause du travail social et de l’éducation à Montréal.

Janice Harvey

AC, Montréal, État civil, Unitariens, Church of the Messiah (Montréal), 12 août 1910.— AN, MG 28, 1388, 4 ; 6–8 ; 10–11.— ANQ-M, CE1-125, 15 avril 1827 ; CE1-132, 30 avril 1873.— BE, Montréal, Testaments, nos 14689, 80375, 80376.— MUA, MG 1053, c.1 ; RG 95, c.391.— Montreal Daily Star, 12 août 1910.— Annuaire, Montréal, 1850–1910.— S. B. Frost, McGill University : for the advancement of learning (2 vol., Montréal, 1980–1984), 1.— Hôpital protestant des aliénés, Annual report (Verdun, Québec), 1893 ; 1893 ; 1897 ; 1910–1939.— Maison protestante d’industrie et de refuge de Montréal, Annual report, 1866–1870.— Montreal General Hospital, Annual report (Montréal), 1905–1931.— B. K. Sandwell, The Molson family (Montréal, 1933).— S. E. Woods, The Molson saga, 1763–1983 (Scarborough [Toronto], 1983).

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Janice Harvey, « FROTHINGHAM, LOUISA GODDARD (Molson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/frothingham_louisa_goddard_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024