FORETIER, PIERRE, homme d’affaires, propriétaire foncier, seigneur, fonctionnaire et officier de milice, né le 12 janvier 1738 à Montréal, fils de Jacques Foretier et de Marie-Anne Caron ; décédé le 3 décembre 1815 au même endroit.

Pierre Foretier naquit dans une famille d’artisans. Son grand-père, Étienne Foretier, était boulanger à Montréal, tandis que son père, maître cordonnier, avait obtenu ses lettres de maîtrise en 1721 à Paris, où il semble avoir pratiqué son métier pendant plusieurs années avant de revenir en Nouvelle-France. Après 1735, Jacques Foretier habite Montréal, où il étend son activité en exploitant une petite tannerie dans le faubourg Saint-Laurent. En 1743, il s’associe à un autre marchand tanneur, Jean-François Barsalou, pour utiliser en commun leurs moulins à tan. Jacques Foretier meurt en 1747, et son épouse maintient l’activité de la tannerie pendant quelques années ; elle décède en 1754.

Orphelin à 16 ans, Pierre Foretier est confié aux soins des enfants des premier et deuxième mariages de sa mère, chez lesquels il vit jusqu’à son propre mariage. Il semble habiter d’abord avec son demi-frère, Jacques Paré, probablement dans la seigneurie de Châteauguay, puis avec sa demi-sœur, femme de Bazile Desfonds, cordonnier au faubourg Saint-Laurent, qui avait été un apprenti de son père. Le 16 janvier 1764, Foretier épouse, à Montréal, Thérèse Legrand, fille du marchand Jean-Baptiste Legrand. De cette union naissent cinq filles qui épouseront des notables du Bas-Canada, parmi lesquels Denis-Benjamin Viger*, Louis-Charles Foucher et le notaire Thomas Barron. En 1788, quatre ans après le décès de sa femme, Foretier épouse Catherine Hubert, veuve du marchand Thomas Baron, qui elle aussi le précède dans la tombe. Aucun enfant ne naît de ce deuxième mariage.

La carrière d’homme d’affaires de Pierre Foretier débute en 1761, année où l’on trouve des références sur ses transactions commerciales et foncières. À partir de 1762, Foretier se présente comme marchand ou négociant faisant vraisemblablement le commerce de marchandises sèches et d’objets divers pour la traite. Vers la même époque, il ouvre un ou plusieurs magasins. En 1775–1776, il gère le magasin de son beau-père, rue Saint-Paul, et il en possède un en propre, rue Notre-Dame. Dix ans plus tard, dans son magasin rattaché à sa demeure de la rue Notre-Dame, le seul qui semble lui appartenir à l’époque, Foretier vend des tissus fins, de la vaisselle, de la coutellerie, des vêtements, des souliers, des peignes, des livres et une variété de menus objets ; la valeur totale du fonds de commerce s’élève à 14 394#. Par la suite, Foretier délaisse ce type de commerce qu’il menait seul, mais rien n’indique la date de fermeture de son magasin.

Les associations de Foretier avec d’autres marchands ont un tout autre objet. À la fin de 1764 ou au début de 1765, il s’était lié à Joseph Périnault pour participer à la traite des fourrures. En avril 1765, Foretier et Périnault s’associent à Henry Boone, négociant à Montréal, et à un certain Price, associé de ce dernier à Québec, pour la traite et pour l’exploitation d’un canot de marchandises destinées au poste de Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan). Le capital total investi s’élève à au moins 11 657#, dont 5 285# sont fournies par Foretier et Périnault ; ceux-ci recevront le tiers des bénéfices de la traite. Alors que Price et Boone s’occupent d’écouler les fourrures, Périnault séjourne à Michillimakinac et Foretier agit comme fournisseur de l’expédition. Cette entente n’est pas renouvelée. Foretier et Périnault continuent probablement de s’intéresser à la traite en 1766 et en 1767, mais leur activité n’a laissé aucune trace. Leur association semble avoir pris fin vers 1767. En 1769, Foretier, qui agit à son propre compte, expédie un canot de marchandises évaluées à £150 au lac Ontario et, quatre ans plus tard, il investit plus de £800 pour envoyer 2 canots et 17 engagés à Michillimakinac. Il accompagne cette dernière expédition et séjourne lui-même aux pays d’en haut en 1773.

L’année suivante, Foretier s’adjoint un nouvel associé, Jean Orillat*. La société joue un rôle très actif dans le commerce des fourrures, particulièrement en 1777 et 1778, années au cours desquelles elle investit £9 930, puis £2 625 dans la traite. Foretier et Orillat équipent leurs propres canots, mais leur participation prend aussi la forme d’avance de marchandises et de fonds à d’autres marchands. De plus, la société cherche à diversifier son activité ; à partir de 1776 et apparemment jusqu’en 1782, Foretier et Orillat approvisionnent en poudre le gouvernement de la colonie. En 1776, ils obtiennent un contrat comme fournisseurs d’articles que le gouvernement britannique offrira en cadeaux aux Indiens. Le montant du contrat s’élève à £14 000, et ils reçoivent une commission de 5 p. cent. Orillat s’étant porté volontaire pendant l’invasion américaine de 1775–1776 et ayant été fait prisonnier, les autorités mettent James Stanley Goddard en charge des cadeaux aux Indiens. Quoique perturbée par la guerre, l’association entre Foretier et Orillat se poursuit jusqu’au décès de ce dernier en 1779. Le règlement officiel des comptes de la société n’aura cependant lieu qu’en 1783. Foretier, qui avait été le plus important investisseur canadien dans la traite en 1774 et 1777, et qui y avait investi un bon montant en 1778, se désintéresse de ce commerce à la suite du décès d’Orillat, bien qu’en 1782 il cautionne l’expédition de Joseph Sanguinet à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). Dès lors, Foretier réoriente sa carrière, et cela s’explique sans doute en partie par les transformations que connaît la traite des fourrures à cette époque et par les difficultés croissantes des commerçants canadiens [V. Étienne-Charles Campion*]. Mais il y a un autre facteur qui influence l’évolution des affaires de Foretier : ses propriétés foncières deviennent de plus en plus rentables à partir de 1780.

Les premiers investissements de Foretier dans la propriété foncière remontent à 1761, au moment où il commence à acquérir des terrains dans le faubourg Saint-Laurent, à la hauteur de l’actuelle rue Sherbrooke. Il achète d’abord deux petits lots dans l’arrière-fief de La Gauchetière puis, en 1762, il devient propriétaire de 30 arpents à la côte du Baron, auxquels il ajoute six autres arpents en 1764. Foretier tente son premier projet de développement foncier dans le faubourg Saint-Pierre, lotissant et revendant les terrains. Mais cette première tentative se solde par un échec ; le faubourg Saint-Pierre est trop isolé et trop éloigné de la ville pour attirer de nombreux acheteurs.

Foretier fait ses principales acquisitions en 1765. Avec Périnault, son associé de l’époque, il achète de Marie-Anne-Noële Denys de Vitré les trois quarts de l’arrière-fief de Closse, situé en partie dans le faubourg Saint-Laurent, et les trois quarts de la seigneurie de l’Île-Bizard, ainsi que 54 rentes constituées, dont 23 dans l’arrière-fief de Closse. En 1767, Périnault cède sa part à Foretier et, en 1769, ce dernier fait l’acquisition de l’autre quart des deux propriétés appartenant à Mathieu-Théodore Denys de Vitré. En 1769, Foretier possède donc l’ensemble de l’arrière-fief de Closse, un vaste terrain de 2 arpents de largeur sur 45 arpents de profondeur. Il fera par la suite, surtout après 1780, l’acquisition d’un certain nombre de terrains contigus à son fief, soit dans l’arrière-fief de La Gauchetière, ou à l’extrémité nord.

L’acquisition de l’arrière-fief de Closse fait partie d’une stratégie à long terme de Foretier, puisque cet arrière-fief offre peu de possibilités de lotissement rapide ; sa mise en valeur s’étalera sur près de 50 ans. La principale préoccupation de Foretier au moment de l’acquisition semble de réduire le plus possible le coût de son investissement. Ainsi, il s’entend avec les sulpiciens, propriétaires de la seigneurie de l’Île-de-Montréal, pour réunir son arrière-fief à leur domaine et se le refaire concéder en simple roture ; il évite ainsi la lourde charge du quint. Un premier acte de réunion touchant les trois quarts de l’arrière-fief est conclu en 1765 et un deuxième touchant le dernier quart en 1778. Cependant, vers 1790, l’arrière-fief de Closse est mis en valeur. Foretier prend conscience de l’importance des revenus auxquels il a renoncé en cédant les cens et rentes et les lods et ventes aux sulpiciens. Alléguant que ces derniers lui ont « oté » son arrière-fief, il entreprend des poursuites judiciaires pour reprendre possession de ses droits seigneuriaux et obtient gain de cause en 1796. Foretier peut donc ajouter des revenus seigneuriaux aux profits provenant des lotissements et des rentes constituées.

Foretier exploite aussi un nombre important de terrains au sud-ouest du faubourg Saint-Laurent. Ces acquisitions, faites de 1781 à 1784, sont mises en valeur surtout entre 1797 et 1806. Encore une fois, comme avec ses autres propriétés, Foretier achète, lotit et revend, habituellement par le biais de rentes constituées. Ce dernier bloc de terrains, situé à proximité de la vieille ville, constitue peut-être son investissement foncier le plus rentable.

Foretier possède environ le quart du faubourg Saint-Laurent, soit l’équivalent de la surface comprise à l’intérieur des fortifications de la ville. Pour faire ces acquisitions, il a investi 83 000# sur une période de 50 ans ; les terrains qu’il subdivise lui rapportent un revenu de 186 000#, ce qui lui permet de toucher un profit total de 103 000#. À cette somme provenant du simple lotissement s’ajoutent les revenus que Foretier tire des rentes constituées et de ses droits seigneuriaux, ainsi que de la vente des produits de ses terres et de la location de prairies et de bocages.

L’activité foncière de Foretier ne se limite pas au milieu urbain ; toutefois sa stratégie de développement de l’île Bizard sera très différente de celle qu’il met en œuvre au faubourg Saint-Laurent. Il cherche d’abord à consolider son emprise sur sa seigneurie par le rachat des cinq arrière-fiefs qui y avaient été concédés et dont il ne pouvait maîtriser pleinement le rythme de la mise en valeur, car il n’était pas le seul autorisé à faire des concessions. Cette opération prend plusieurs années, le dernier arrière-fief n’étant réuni au domaine qu’en 1788. Il est intéressant de noter que les concessions faites par Foretier suivent le même rythme que l’acquisition de ses propriétés urbaines, les moments de plus grande activité se situant en 1765–1774, 1785–1789 et 1795–1805. Le nombre de terres concédées passe de 83 en 1781–1782 à 107 en 1813 ; au même moment, la population de l’île Bizard atteint 508 âmes et comprend non seulement des agriculteurs mais plusieurs hommes de métier. Foretier s’intéresse de près à la gestion de sa seigneurie. Il fait construire un moulin banal en 1772–1773 et le reconstruit après l’incendie de 1790. Il surveille attentivement la situation de ses censitaires et tient une comptabilité minutieuse. À la fin de sa vie, son petit-fils, Hugues Heney*, administre la seigneurie et lui rend compte des moindres détails de sa gestion. La seigneurie de l’Île-Bizard représente sans doute une contribution importante à la fortune de Foretier. En 1781–1782, par exemple, le moulin banal lui rapporte 1 800#, les cens et rentes, 1 087#.

Dès sa jeunesse, Foretier s’était intéressé au commerce, à la traite des fourrures et à la propriété foncière, autant d’activités qui nécessitent un capital initial de quelque importance. Or, ce qui surprend chez lui, c’est l’absence apparente de capital et des contacts qui expliqueraient sa percée dans le monde des affaires. On cherche en vain des indices d’une fortune familiale importante : les successions de ses parents sont fort modestes. Certains attribuent son succès à l’apport de sa première épouse, mais Thérèse Legrand n’apporte aucune dot. Jean-Baptiste Legrand, négociant d’une certaine aisance, fait sans doute profiter Foretier de son expérience et de son aide financière, mais aucune source n’indique qu’il ait prêté ou donné des sommes considérables à son gendre pour lui permettre d’entreprendre sa carrière. Certains éléments du succès de Foretier demeurent donc dans l’ombre. Par contre, ses interventions dans le domaine foncier témoignent de sa capacité de faire de bonnes affaires et d’acquérir des emplacements à des conditions qui ne nécessitent aucun déboursé élevé au départ. Ainsi, les premières acquisitions de Foretier se font toutes par le biais de rentes constituées, le capital n’étant remboursé que beaucoup plus tard. Même ses acquisitions les plus importantes, l’arrière-fief de Closse et la seigneurie de l’Île-Bizard, ne seront pas payées comptant mais par le moyen d’une rente viagère annuelle de 3 000#, que Foretier doit assumer avec Périnault de 1765 à 1767, puis seul jusqu’en 1789. Les autres déboursés importants de ce début de carrière datent de 1769 (1 100#) et 1770 (3 000#). Il faut ensuite attendre les années 1780–1792 pour que Foretier fasse d’autres acquisitions en payant comptant ou pour qu’il rembourse des rentes constituées. Il a aussi souvent recours aux transferts d’obligations et de rentes constituées afin de minimiser les transactions qui doivent être réglées en liquide. Il est fort probable que dans le commerce et dans la traite des fourrures Foretier ait eu recours à des méthodes semblables pour faire fructifier son capital de départ, peut-être relativement modeste.

Foretier joue aussi un rôle important dans la vie publique du Bas-Canada. Il participe avec d’autres marchands canadiens et britanniques au mouvement réformiste d’avant 1791 et est un des membres du comité canadien du district de Montréal [V. Jean De Lisle]. Il compte aussi parmi ceux qui sont sollicités pour être candidats lors des premières élections de la chambre d’Assemblée du Bas-Canada en 1792. Il se porte candidat dans la circonscription de Montréal-Ouest où il est défait. En 1796, il se présente de nouveau mais il décide de se retirer avant les élections. Nommé juge de paix en 1779, il conserve ce poste jusqu’à sa mort ; en tant qu’un des juges les plus prestigieux du district de Montréal, il est chargé de faire prêter serment aux fonctionnaires de la province. Il participe à de nombreux comités et commissions : il est membre de la commission nommée pour faire enquête sur les étrangers arrivant dans la province (1776), d’un comité nommé par les marchands de Montréal pour étudier le problème des marchandises endommagées (1779) [ V. Alexander Ellice], du comité d’administration de la maison de correction de Montréal (1803–1807) ; il est aussi « commissaire pour exécuter le pouvoir de faire réparer les églises » (1794–1814).

Pendant l’occupation de la ville de Montréal par les troupes américaines en 1775–1776, Foretier se montre un loyaliste actif. Il fait transmettre des lettres à Guy Carleton à Québec et donne son appui à une petite armée de Canadiens et d’Indiens en formation à Vaudreuil, en leur fournissant des munitions et des vivres. Il apporte cette contribution à la cause britannique malgré la présence en sa demeure d’un colonel américain, des aides de camp et serviteurs de ce dernier, et en dépit, de la surveillance étroite à laquelle il est assujetti. À la fin des hostilités, Foretier continue de manifester son appui au gouvernement. Il est membre actif de la milice de la ville de Montréal, occupant successivement les postes de major du 2e bataillon (1789–1800), de lieutenant-colonel du même bataillon (1–801–1803) et de colonel du 3e bataillon (1804–1815).

Foretier s’intéresse aussi de près aux affaires religieuses. En 1783, il se rend à Londres afin d’obtenir du gouvernement la permission de recruter des prêtres catholiques pour enseigner au collège Saint-Raphaël à Montréal. Deux ans plus tard, il est élu marguillier de la paroisse Notre-Dame de Montréal, charge qu’il occupe au moins jusqu’en 1787. Il s’intéresse peut-être aussi à diverses œuvres de charité, puisque, lors de son décès, il laisse des sommes importantes à la paroisse Notre-Dame, à l’Hôtel-Dieu et à l’Hôpital Général. Ces legs s’élèvent à 36 000#, soit environ le quart d’une fortune évaluée, outre la valeur de ses emplacements et immeubles, à 140 000#.

Le train de vie de Foretier et la fortune considérable qu’il accumule témoignent de son succès dans le monde des affaires et dans la vie publique. Il habite rue Notre-Dame, dans une imposante demeure qui avait appartenu à son beau-père, Jean-Baptiste Legrand. Outre le mobilier et les accessoires nombreux et parfois luxueux, il possède une vaste bibliothèque et une collection d’argenterie. Il est aussi propriétaire d’un manoir seigneurial à l’île Bizard. Les inventaires faits après le décès de sa première femme et à la suite de son propre décès, soit en 1785 et en 1816, permettent d’examiner l’évolution de sa fortune. En 1785, Foretier mène toujours de front ses activités commerciales et foncières ; ses liens avec la traite des fourrures viennent d’être rompus. Et ce, l’actif de la communauté, évalué à 344 493#, l’indique clairement : cet actif comprend entre autres l’inventaire du magasin (14 394#), des rentes constituées (116 548#), des dettes liées à la propriété foncière et seigneuriale (20 901#), des dettes de type commercial, dues par billets, obligations et comptes (126 970#), et même des dettes de la société Foretier et Orillat (34 179#). Cependant, ces deux dernières catégories comprennent un grand nombre de créances douteuses qui gonflent l’actif. Les dettes passives de la communauté ne s’élèvent qu’à 109 915# constituant une valeur nette de 234 578#, à laquelle s’ajoutent 31 terrains et bâtiments. Trente ans plus tard, la fortune de Foretier repose essentiellement sur ses propriétés foncières. Dans un actif évalué à 140 142#, les rentes constituées (119 327#) représentent l’élément le plus important suivi des dettes foncières et seigneuriales (11 139#). Ses dettes passives ne constituent qu’une fraction de ce qu’elles étaient en 1785 et proviennent surtout des petites dépenses courantes ; ses propriétés foncières ne sont grevées d’aucune dette. Foretier a donc accumulé une fortune évaluée à 140 011# ainsi que 34 terrains et bâtiments d’une valeur inconnue.

Lorsque Foretier meurt, il laisse un testament et de nombreux codicilles par lesquels il tente d’éviter le fractionnement de sa vaste fortune et de ses nombreuses propriétés. Il ordonne que l’héritage ne soit pas subdivisé et tente d’exclure certains membres de sa famille, notamment son gendre Denis-Benjamin Viger, de toute participation à la gestion de la succession et aux revenus qu’elle produit. Les héritiers de Foretier n’acceptent pas les restrictions que leur impose le testament et contestent le droit du défunt de disposer des biens qui leur avaient été légués par leur mère, Thérèse Legrand, décédée en 1784, et dont leur père ne possédait que l’usufruit. Ils s’entendent donc pour passer outre aux dispositions du testament et pour partager également l’ensemble des biens légués. Or, Foretier avait nommé son voisin et ami, Jean-Baptiste-Toussaint Pothier*, exécuteur testamentaire, et celui-ci veille à ce que les vœux de Foretier soient respectés. Pothier intente des poursuites judiciaires qui, après de multiples actes de procédure, donnent lieu à un jugement de la Cour du banc du roi du district de Montréal, le 20 février 1827, qui lui est favorable. Cette décision est portée devant la Cour provinciale d’appel à Québec qui, dans son jugement du 30 avril 1830, casse celui de la cour inférieure et ordonne que les dispositions testamentaires de Foretier soient jugées nulles au regard de la succession de Thérèse Legrand et s’appliquent uniquement aux biens de la succession de Foretier. Cette décision nécessite l’évaluation et la division des biens des deux successions et donne lieu à une autre série de poursuites judiciaires qui traînent jusqu’au 29 mars 1841, date à laquelle a lieu la séparation des biens propres de Foretier de ceux qui avaient été légués par Thérèse Legrand. Toutefois, ce n’est que le 23 juillet 1842 que les biens de la succession Legrand sont enfin partagés entre les divers héritiers. Ainsi, pendant plus de 25 ans, la mise en valeur de l’arrière-fief de Closse et des autres propriétés du faubourg Saint-Laurent est gelée, et Foretier continue d’influencer à sa façon le développement foncier de Montréal.

Pierre Foretier est un personnage remarquable des premières années du Régime anglais. Sa carrière s’étend sur plus de 50 ans et recouvre une période cruciale du développement économique et social du Bas-Canada. Sa participation aux affaires ne se limite pas à un seul secteur : il est à la fois marchand au détail et en gros, pourvoyeur et bailleur de fonds dans la traite des fourrures, prêteur et spéculateur, seigneur et le plus important propriétaire foncier montréalais de sa génération. Par l’ampleur et la diversité de son activité, il résiste à la classification simpliste. Son rôle dans la vie politique et sociale de son époque témoigne aussi de la complexité des réactions des marchands bas-canadiens aux transformations que leur société connaît dans les décennies suivant la Conquête.

Joanne Burgess

Nous tenons à remercier Alan Stewart, du Groupe de recherche sur les bâtiments en pierre grise de Montréal, qui a partagé avec nous ses notes de recherche et ses connaissances sur Pierre Foretier. [j. b.]

Pierre Foretier est l’auteur de « Notes et souvenirs d’un habitant de Montréal durant l’occupation de cette ville par les Bostonois de 1775 à 1776 », APC Rapport, 1945 : xxv-xxviii.

ANQ-M, CC1, 12 juin 1747, 18 juin 1754 ; CE1-51, 1er janv. 1695, 13 janv. 1738, 10 juin 1747, 16 janv. 1764, 22 juin 1784, 25 févr. 1788, 18 févr. 1813, 5 déc. 1815 ; CN1-108, 13 juin 1747, 22 juill. 1754 ; CN1-134, 22 janv. 1816 ; CN1-290, 28 févr. 1769, 23 avril 1773, 19 juill. 1779 ; CN1-308, 18 oct. 1761, 3 août, 23 sept., 5 oct. 1762, 8 déc. 1763, 8, 15 janv., 20 mai, 23 juin, 11 août 1764, 8 mars, 25 avril, 9, 28 oct. 1765, 13 juill. 1769 ; CN1-313, 21 déc. 1785, 25 févr. 1788 ; CN1-339, 3 nov. 1736 ; CN1-363, 11 févr. 1769, 29 déc. 1778, 15 juin 1779 ; CN1-372, 22 oct. 1740, 21 déc. 1743, 25 sept. 1744, 12 août 1746, 30 sept. 1748, 23 janv. 1766 ; CN1-375, 30 déc. 1767.— ANQ-Q, E21, 3 : 534–539 (copies aux APC).— APC, MG 8, F57 ; F138 ; MG 11, [CO 42] Q, 15 : 236–240 ; 26–1 : 42 ; 30–1 : 107–114 ; 67 : 142 ; 100 : 222 ; 101–1 : 173 ; MG 17, A7–2, sér. I, sect. 8 (mfm) ; MG 19, F2, 3, 25 sept. 1776 ; MG 24, I179 ; L3 : 5255, 7502s., 8104, 17380, 17393, 17399, 17406, 17408, 17488, 17501s., 17567, 17576, 18153–18156, 18247–18249, 18254–18256, 19457s., 22872–22877, 22992s., 26208–26210, 26861–26876, 27643–27658, 27662–27694, 31074–31081, 33245s. (transcriptions) ; RG 1, L3L : 38, 36043s., 42267–42270 ; RG 4, B28, 110–115.— BL, Add. mss 21699 :187, 405, 481, 598–601, 693 ; 21735 : 232, 611 ; 21879 : 65–70 ; 21884 : 1s. (mfm aux APC).— Mémoire de Denis-Benjamin Viger, écuyer, et de Marie-Amable Foretier, son épouse, appelans ; contre Toussaint Pothier, écuyer et autres intimés, à la Cour provinciale d’appel, d’ un jugement de la Cour du banc du roi de Montréal, pour les causes civiles du 20 février 1827 (Montréal, 1827).— Montréal en 1781 [...], Claude Perrault, édit. (Montréal, 1969).— La Gazette de Montréal, 7 juin 1792.— La Gazette de Québec, 5 sept. 1776, 9 sept. 1779, 30 oct. 1783, 17 juin 1784.— Almanach de Québec, 1780–1815.— F.-J. Audet, Les députés de Montréal, 168–170.— Histoire de l’Île-Bizard (s.l., 1976).— J. E. Igartua, « The merchants and négociants of Montreal, 1750–1775 : a study in socio-economic history » (thèse de ph.d., Mich. State Univ., East Lansing, 1974), 115s.— Miquelon, « Baby family ».— Fernand Ouellet, Éléments d’histoire sociale du Bas-Canada (Montréal, 1972), 281–294.— Tousignant, « La genèse et l’avènement de la constitution de 1791 ».— Hélène Charlebois-Dumais et Alan Stewart, « Un aperçu du développement de la propriété foncière à Montréal : la carrière de Pierre Foretier, 1760–1815 », Communication to the society for study of architecture in Canada (Montréal, 1980).— J.-J. Lefebvre, « Études généalogiques : la famille Viger, le maire Jacques Viger (1858) : ses parents, ses descendants, ses ascendants, ses alliés », SGCF Mémoires, 17 (1966) : 203–238.— É.-Z. Massicotte, « Le bourgeois Pierre Fortier », BRH, 47 (1941) : 176–179 ; « Les tribunaux de police de Montréal », BRH, 26 (1920) : 182.— Gabriel Nadeau, « Jean Orillat », BRH, 41 (1935) : 644–684.

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Joanne Burgess, « FORETIER, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/foretier_pierre_5F.html.

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Auteur de l'article:    Joanne Burgess
Titre de l'article:    FORETIER, PIERRE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    1 décembre 2024