FLOYD, HENRY, dit Black Harry, né sur la côte occidentale d’Afrique ; décédé le 5 novembre 1830 à Brockville, Haut-Canada.
Les premiers colons du Haut-Canada comptaient des Noirs, qui étaient somme toute peu nombreux et que l’on trouvait surtout à Detroit et dans la presqu’île du Niagara. La plupart étaient d’anciens esclaves qui avaient été affranchis pour avoir combattu pendant la Révolution américaine, mais un petit nombre d’entre eux étaient des esclaves amenés par des loyalistes. Quelques événements, tels qu’un procès de nature criminelle comme celui de Jack York* ou une pétition comme celle de Richard Pierpoint*, donnent un aperçu de la vie des Noirs dans les débuts du Haut-Canada. Cependant, l’histoire reste silencieuse sur la majorité de ceux qui vivaient à cette époque, tout simplement parce que la vie qu’ils menaient leur offrait peu d’occasions de percer l’anonymat. Toutefois, en 1830, la situation avait déjà évolué ; l’accroissement de l’immigration en provenance des États américains partisans de l’esclavage et la poussée du mouvement antiesclavagiste attirèrent l’attention du public sur la population noire. C’est ainsi qu’au cours de la période qui suivit les années 1830 on put assister à l’émergence de leaders noirs, tels que Paola Brown* de Hamilton.
Il y avait peu de Noirs dans les établissements loyalistes qui bordaient le Saint-Laurent. Ainsi, en 1808, un recensement effectué à Elizabethtown (Brockville) faisait mention de quatre esclaves seulement, sur un total de 1 643 habitants. Longtemps après, soit en 1868, le shérif Adiel Sherwood* ne se souvenait que de deux ou trois esclaves qui s’étaient établis dans le district de Johnstown. Il y avait cependant d’anciens esclaves dans des villes telles que Brockville, dont le citoyen noir le plus notoire était Henry Floyd. Black Harry, comme on l’appelait habituellement, n’est connu que grâce à une longue nécrologie publiée dans le journal de William Buell*, le Brockville Recorder, and the Eastern Johnstown and Bathurst Districts Advertiser.
Très jeune et encore sous les soins de ses parents, Floyd fut enlevé par des négriers et vendu aux Antilles. Il fut acheté plus tard par un dénommé Floyd, un citoyen de New London, au Connecticut, « de [chez] qui il se sauva et vint au Haut-Canada après l’établissement des premiers colons ». Selon la notice nécrologique, Floyd se trouvait à New London lorsque Benedict Arnold* incendia la ville en septembre 1781. Il se peut que Floyd ait appartenu à une troupe de loyalistes, bien qu’aucun document n’en fasse mention. En outre, il ne fit pas de demande pour obtenir une concession dans le Haut-Canada en tant que loyaliste. Il est possible qu’il ait entretenu certains rapports avec la famille Arnold, car un des fils de Benedict s’était installé à Elizabethtown en 1808. On ne sait comment Floyd subvenait à ses besoins. Vers la fin de sa vie, il se disait presque centenaire. Il dut « longtemps sa subsistance à la générosité des messieurs de Brockville ».
Pour plusieurs raisons, Black Harry était un personnage unique à Brockville. Il était marqué « de très nombreux tatouages tant sur le visage que sur la poitrine ». Tout en affirmant être le fils d’un prince indigène, il soutenait que ses tatouages étaient la « preuve de son ascendance royale ». Autre fait de plus grande importance, il était païen et refusait de se convertir au christianisme. Les « pieuses gens », sans doute inquiètes de l’état de son âme, tentèrent pendant un certain temps « de lui enseigner la vraie nature de Dieu », mais en vain. Toutefois, en vieillissant, « il écoutait avec plus d’attention et de patience les propos sur ce sujet ». Les pratiques religieuses de Floyd consistaient en « des sortes d’incantations » ainsi qu’en « certaines formes de prières dont il ne semblait pas comprendre la signification ». Peu avant la mort de Floyd, le ministre presbytérien de la localité, William Smart*, prononça dans la maison de l’ancien esclave un sermon où il dénonça les maux causés par l’esclavage. Smart était un fougueux adversaire de cette forme d’oppression et il insistait auprès de ses ouailles sur le « devoir de témoigner de la commisération aux malheureux et aux affligés ».
Bien que sa vie ait été placée sous le signe d’une extrême perturbation, Henry Floyd, à l’instar de Pierpoint, resta marqué par son milieu d’origine, auquel il était d’ailleurs attaché. Le Haut-Canada devint son refuge mais jamais sa patrie.
AO, RG 21, United Counties of Leeds and Grenville, Elizabethtown Township, census records, 1808.— Brockville Recorder, and the Eastern, Johnstown, and Bathurst Districts Advertiser (Brockville, Ontario), 9 nov. 1830.— T. W. H. Leavitt, History of Leeds and Grenville, Ontario, from 1749 to 1879 [...] (Brockville, 1879 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972), 20–1.— lan MacPherson, Matters of loyalty : the Buells of Brockville, 1830–1850 (Belleville, 1981), 98–9.— J. W. St G. Walker, A history of blacks in Canada (Hull, Québec, 1980).
Robert Lochiel Fraser, « FLOYD, HENRY, dit Black Harry », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/floyd_henry_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
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