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PIERPOINT (Parepoint, Pawpine), RICHARD, connu aussi sous les noms de Captain Dick et de Black Dick, soldat, milicien, journalier et fermier, né vers 1744 à Bondu (Sénégal) ; décédé avant le 27 septembre 1838 près de Fergus, Haut-Canada.
Qu’ils aient été esclaves ou affranchis, les Noirs venus dans le Haut-Canada à ses débuts ont laissé peu de traces, à cause de la persistance de l’esclavage, ainsi que de leur faible influence politique, de leur petit nombre et de leur analphabétisme. On a bien retenu certains d’entre eux en raison de faits qui sortaient de l’ordinaire, comme un acte criminel [V. Jack York*], mais sur la majorité des Noirs on ne possède que des renseignements historiques fragmentaires. C’est le cas de Richard Pierpoint.
La captivante odyssée de Pierpoint commença en Afrique occidentale où, vers 1760, il « fut fait prisonnier et vendu comme esclave ». Envoyé dans les colonies américaines, il devint alors l’esclave d’un officier britannique. Au cours de la guerre d’Indépendance, il profita de la chance qu’on offrait aux esclaves de s’engager dans l’armée britannique en échange de leur affranchissement. Il était rare en 1779 de voir des Noirs s’engager dans les forces britanniques du Nord, qui plus est dans les corps provinciaux loyalistes, et Pierpoint fut l’un des premiers à servir au sein des rangers de John Butler*. En 1780, il était en garnison dans la région de Niagara, dans la province de Québec d’alors. Le 20 juillet 1784, son nom figurait, avec ceux d’autres rangers licenciés, sur une liste de personnes qui souhaitaient s’installer dans cette région. Les Noirs avaient droit à la même étendue de terre que les autres loyalistes et, vers 1788, on accorda à Captain Dick ou Black Dick (noms plus connus de Pierpoint) 200 acres de terre le long du ruisseau Twelve Mile, dans ce qui allait devenir le canton de Grantham. Il reçut ses lettres patentes de concession le 10 mars 1804, mais dès le 11 novembre 1806 il vendait ses lots, dont l’un au personnage le plus en vue de la région, Robert Hamilton*.
Le 29 juin 1794, Pierpoint avait été l’un des 19 « nègres libres » qui signèrent une pétition adressée au lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe*. Ce court document jette un éclairage inédit sur la colonisation par les Noirs. Le groupe était composé de vétérans de la « dernière guerre » et d’« autres [individus] qui étaient nés libres et de quelques-uns qui [étaient] venus au Canada après la guerre ». La plupart de ces Noirs, manifestement sans terre et socialement isolés, étaient « désireux de s’établir à proximité les uns des autres de manière à pouvoir venir en aide (par du travail) à ceux qui en [auraient] le plus besoin ». Ils pressaient Simcoe « de leur accorder une étendue de terre pour s’y établir, distincte de celles des colons blancs ». Un comité du Conseil exécutif rejeta rapidement la pétition le 8 juillet. D’après le registre des délibérations, ce refus était attribuable au fait que les Noirs réclamaient des terres séparées de celles des Blancs.
De 1806 à la guerre de 1812, Pierpoint habita probablement le canton de Grantham et gagna sa vie comme journalier. La guerre lui procura une nouvelle occasion de changement : il « proposa de lever un corps d’hommes de couleur sur le front du Niagara ». On refusa son offre mais, en octobre 1812, Robert Runchey rassembla une petite troupe locale composée de Noirs. Le vieux ranger se porta aussitôt volontaire et y servit comme simple soldat du 1er septembre 1812 au 24 mars 1815. Le Coloured Corps ou Black Corps, comme on l’appelait parfois, compta entre 27 et 30 hommes, à l’exclusion des sergents et des officiers. Il fut de la bataille de Queenston Heights le 13 octobre 1812 et il prit part au rude combat qui marqua le siège du fort George (Niagara-on-the-Lake), le 27 mai 1813. Par la suite, le corps demeura avec l’armée du général de brigade John Vincent lorsque celle-ci battit en retraite vers l’ouest, en direction du haut de la baie de Burlington (port de Hamilton), puis la suivit de nouveau en direction est après la bataille de Stoney Creek, le 6 juin 1813. Pendant le reste de la guerre, on affecta les Noirs au service de corvée ou de garnison, soit au fort Mississauga (Niagara-on-the-Lake) ou au fort George, et ils combattirent peut-être à Lundy’s Lane le 25 juillet 1814. Lorsque son unité fut dissoute en 1815, Pierpoint retourna à sa vie de journalier dans la région de Grantham.
Le 21 juillet 1821, Pierpoint, qui habitait alors à Niagara (Niagara-on-the-Lake), implora l’aide du lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland*, parce qu’il trouvait « difficile de gagner sa vie par son labeur » et qu’il était « avant tout désireux de retourner dans son pays natal ». Toutefois il ne put réaliser son rêve de revenir dans la colonie d’Afrique occidentale qu’il avait quittée, quelque 60 ans plus tôt, pour la cale d’un négrier. Le vieux soldat reçut à la place un billet de localisation pour 100 acres de terre dans le canton encore inhabité de Garafraxa, sur la rivière Grand, près de ce qui s’appelle aujourd’hui Fergus. On accorda à des militaires, y compris deux autres membres du Coloured Corps, Robert Jupiter et John Vanpatten, la plupart des concessions de cette région. Cependant, Pierpoint fut le seul des trois à prendre possession de son bien et devint ainsi l’un des premiers colons de la région. En mai 1825, il s’était entièrement acquitté de ses obligations de colon : il avait défriché et clôturé cinq acres de terre et construit une maison.
Le 28 janvier 1828, Richard Pierpoint rédigea son testament, en présence des fils de deux anciens officiers des Butler’s Rangers. Seul Noir dans une colonie de Blancs, il n’avait « ni héritiers ni parents ». Il laissa sa ferme et un droit de propriété sur un de ses anciens lots de Grantham à un habitant du canton de Halton, Lemuel Brown. Malheureusement, Pierpoint avait donné le mauvais numéro de concession pour la propriété de Grantham, et le bureau de l’arpenteur général déclara qu’on ne pouvait établir le bien-fondé de la réclamation. On homologua le testament de Pierpoint le 27 septembre 1838. Il était probablement décédé cette année-là ou à la fin de 1837. Ce vieil Africain que le trafic d’esclaves avait amené sur le front pionnier n’avait jamais considéré le Canada comme son pays.
AO, RG 1, A-I-2, 30 : 427 ; C-I-3, 132 : 76 ; C-IV, Garafraxa Township, concession 1 ; Grantham Township, concession 6, lots 13–14 ; concession 8, lot 13 ; RG 22, sér. 235, testament de Richard Pawpine, 1838.— APC, MG 9, D4, 9 : 187 (transcription) ; RG 1, L1, 19 : 195 ; L3, 196 : F misc., 1788–1795/68 ; L7, 52a ; RG 5, A1 : 26441–26444 ; RG 8, I (C sér.), 688E :113, 115 ; 1701 : 208.— BL, Add. mss 21828 : 38 (copie aux APC).— Niagara North Land Registry Office (St Catharines, Ontario), Abstract index to deeds, Grantham Township, 1 : fo 87, 131 (mfm aux AO).— St Catharines Public Library, Corps of Colour, nominal return, 15 mars 1819.— Wellington South Land Registry Office (Guelph, Ontario), Abstract index to deeds, West Garafraxa Township, 5 (mfm aux AO).— « District of Nassau : minutes and correspondence of the land board », AO Report, 1905 : 340.— Doc. hist. of campaign upon Niagara frontier (Cruikshank), 1 : 51 ; 4 :161, 170 ; 5 : 221, 271 ; 6 : 73, 331 ; 7 : 51.— « Settlements and surveys », APC Report, 1891, note A : 4.— St. Catharines Journal, 24 mai, 12 juin 1856.— The centennial of the settlement of Upper Canada by United Empire Loyalists, 1784–1884 [...] (Toronto, 1885).— G. E. French, Men of colour : an historical account of the black settlement on Wilberforce Street and in Oro Township, Simcoe County, Ontario, 1819–1949 (Stroud, Ontario, 1978).— J. N. Jackson, St. Catharines, Ontario ; its early years (Belleville, Ontario. 1976).— Benjamin Quarles, The negro in the American revolution (Chapel Hill, N.C., 1961).— E. [A.] Cruikshank, « The battle of Fort George », Niagara Hist. Soc.. [Pub.], no 12 (1904) : 21, 29, 34.— W. R. Riddell, « Some references to negroes in Upper Canada », OH, 19 (1922) : 144–146.
Robert Lochiel Fraser, « PIERPOINT (Parepoint, Pawpine), RICHARD (Captain Dick, Black Dick) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pierpoint_richard_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |