FISHER, WILFORD, marchand, propriétaire de navires et fonctionnaire, né en 1786 à St Andrews, Nouveau-Brunswick, fils de Turner Fisher et d’Esther Foster ; il épousa Sarah Elizabeth Ingalls et ils eurent deux enfants ; décédé le 6 mai 1868 à Grand-Manan, Nouveau-Brunswick.

À l’âge de 18 ans, Wilford suivit sa famille à l’île Grand-Manan où les Fisher demandèrent une concession de terrain. Si leur requête fut agréée, à cette époque où l’immigration en provenance de la Nouvelle-Angleterre avivait la concurrence, c’est probablement parce que le père de Wilford, un loyaliste né à Boston, était entré dans la marine royale et était devenu capitaine de vaisseau. Le jeune Fisher ne reçut vraisemblablement qu’une instruction élémentaire, mais son intelligence et ses dispositions naturelles, ses qualités de chef et son sens de l’organisation allaient lui permettre de faire une étonnante carrière. Il acheta un terrain à Priest Cove et se porta acquéreur de l’île High Duck, près de Woodwards Cove, où il mit sur pied une usine de salage et de traitement du hareng et du poisson de fond. Il ouvrit un « magasin général » dans la baie et se fit le fournisseur des pêcheurs, touchant des droits exclusifs sur les prises. Il devint, en quelque sorte, le seigneur du village côtier et un personnage important parmi les habitants de l’île.

Nommé capitaine dans le 3e bataillon de la milice du comté de Charlotte en 1832, Fisher fut chargé de l’exercice hebdomadaire et de l’entraînement général d’une compagnie. Comme il n’existait aucun danger immédiat de guerre, un grand nombre de pêcheurs considéraient la milice comme une tâche inutile et désagréable qui venait s’ajouter aux obligations de leur métier. Dès 1836, Fisher fut désigné comme l’un des magistrats de l’île et il dut assister aux sessions tenues à St Andrews, chef-lieu du comté, où étaient établis les règlements et où s’effectuait le choix des fonctionnaires de la localité. De fait, son poste lui donnait autorité sur les agents de police, les préposés à la mise en fourrière des porcs égarés et les autres fonctionnaires et lui permettait d’appliquer et d’interpréter la loi entre les sessions.

On trouve son nom parmi les premiers signataires d’un grand nombre de pétitions adressées au gouvernement provincial, et la plupart d’entre elles furent certainement rédigées par lui. Pour cette raison, il était l’un des quelques citoyens importants auprès de qui les fonctionnaires en visite d’inspection prenaient conseil. Il présidait les réunions tenues par les gens de l’endroit, comme celle qui eut lieu le 8 septembre 1838 pour informer le capitaine d’un navire britannique de surveillance de la pêche de l’intrusion de pêcheurs américains. L’une de ses pétitions demandait au gouvernement que « les îles de la [baie de] Passamaquoddy et celle de Grand-Manan fussent constituées en un comté séparé et distinct », mais on ne donna pas suite à cette requête. En 1838, Fisher était membre du conseil d’administration de la Bank of Charlotte County, ce qui indique. bien que ses affaires prospéraient. Commissaire de la voirie, à la même époque, il était chargé d’adjuger les contrats d’amélioration des tronçons routiers et il touchait une commission sur les fonds publics dépensés à cette fin.

Au cours des années 1820 à 1830, l’Église d’Angleterre avait établi l’église St Paul sur un terrain réservé situé à Grand Harbour. Fisher avait souscrit la somme la plus importante pour payer le presbytère et il avait donné régulièrement sa cotisation à la Church Society de l’archidiaconé. Située dans une paroisse de mission, l’église St Paul avait été desservie par des aspirants au sacerdoce et des curés désignés pour de courtes périodes. En 1832, après deux stages d’été comme étudiant, le révérend John Dunn fut nommé curé de cette paroisse insulaire. Il semble que lui et Fisher s’entendaient bien au début. Toutefois, des difficultés surgirent à propos de la gestion des terres assignées comme bénéfice ecclésiastique ; on y trouvait du très beau bois sur lequel l’Église percevait un droit de coupe. Fisher y voyait d’intéressantes possibilités tant pour la construction navale que pour le commerce du bois, mais Dunn devait tenir compte du désir de ses paroissiens d’avoir accès à la forêt et de leur opposition à ce qu’elle fût accaparée par un seul individu. Dunn accusa Fisher de tenter de faire élire un conseil de fabrique favorable à ses vues. La querelle s’envenima et bientôt deux clans se formèrent, l’un appuyant le curé et l’autre, le magistrat.

Durant la nuit du 9 octobre 1839, Dunn et des voisins furent tirés de leur sommeil et constatèrent que l’église St Paul était en flammes. Ils se précipitèrent sur les lieux, mais il était trop tard pour intervenir ; ils purent cependant apercevoir, jetant une ombre sinistre, un personnage pendu en effigie dont les vêtements indiquaient de façon nette qu’il représentait le curé. La destruction délibérée de l’église eut des répercussions qui dépassèrent largement les limites de la paroisse et elle devint le symbole d’un conflit déclaré entre l’Église et l’État.

William Boyd Kinnear fut envoyé à Grand-Manan pour mener une enquête et, sur la foi de preuves indirectes comme l’habillement de l’effigie, une accusation d’incendie criminel fut portée contre « Wilford Fisher et les autres ». La cause fut jugée devant la Cour suprême, à St Andrews, en avril 1840, et le jury acquitta les accusés sans même quitter le banc. En 1844, Dunn consentit à être muté à Douglas, au Nouveau-Brunswick, où il demeura en poste jusqu’à sa mort en 1849.

Cependant, le jugement favorable de la cour n’apaisa pas l’indignation des gens contre Fisher. Avant l’incendie, on s’était plaint de lui ; après l’événement, des pétitions et des lettres furent expédiées à Fredericton, l’accusant de divers méfaits et de délits plus graves dans l’exercice de ses fonctions de commissaire de la voirie, de magistrat et en tant que titulaire d’autres postes publics. Le 3 septembre 1840, les miliciens reçurent l’ordre de quitter Grand Harbour pour marcher jusqu’au terrain d’exercice de Woodwards Cove, « mais tous refusèrent, excepté un tout petit nombre d’entre eux ». L’ordre fut répété le 4 et le 5 septembre, mais ils refusèrent encore d’obéir, se mutinant ainsi contre l’autorité. Les miliciens demandèrent l’aide du gouvernement ; « avant que nous ne soyons condamnés, disaient-ils, à l’esclavage qui nous prive, depuis trop longtemps, de nos droits de sujets britanniques ». Envoyé sur place pour effectuer une enquête sur les nouveaux désordres, Lauchlan Donaldson, un homme d’affaires de Saint-Jean, déclara au sujet de Fisher : « Il a été le dictateur de l’endroit bien davantage que [sir John Harvey*] a été ou est le gouverneur de la province, et à tel point que je l’ai surnommé, depuis des années, « l’Empereur de Grand-Manan, le Roi des îles Duck ». » Malgré l’âpreté de ces propos, aucune décision ne fut prise, si ce n’est celle de suspendre pour un temps l’entraînement de la milice.

Dans une pétition adressée à l’Assemblée le 6 février 1841, Fisher raconta comment il avait été « injustement accusé d’avoir mis le feu à l’église épiscopale » ; affirmant que l’accusation lui avait causé des dépenses élevées et d’autres pertes sérieuses, il demandait « l’aide que l’on estimerait juste et raisonnable ». Une semaine plus tard, les membres d’un comité d’enquête présentèrent un rapport dans lequel ils déclaraient ne pas pouvoir en principe recommander qu’un secours financier fût accordé, tout en louant « la grande valeur morale et la respectabilité de monsieur Fisher ».

Pendant quelque temps, il sembla que Fisher allait devoir abandonner son domaine insulaire. Dans une lettre à Donaldson, il écrivit : « Maintenant, je suis tout à fait disposé à quitter l’île [...] mais je n’accepterai jamais d’en être chassé. » Cependant, il eut tôt fait de reprendre le cours de ses activités et il se lança même dans de nouvelles entreprises. Il se joignit à Harris Hatch et Thomas Wyer, tous deux de St Andrews, pour exploiter un service de transport de courrier et de passagers entre le chef-lieu et les îles du comté. Le 26 décembre 1845, il devint le premier maître de poste de Grand-Manan et il remplit cette fonction jusqu’en 1854. S’il était encore dans les bonnes grâces des fonctionnaires de la province, ses affaires allaient moins bien dans l’île et lorsqu’il mourut en 1868, la valeur totale de ses biens fut établie à $9 500 seulement. Son testament stipulait qu’il devait être enterré aux côtés de sa mère à North Head, mais « jamais à Grand Harbour ».

Peut-être ne saura-t-on jamais ce qui s’est réellement passé lors de l’incendie de St Paul ; toutefois, un observateur distingué et, semble-t-il, impartial, William Fitzwilliam Owen*, propriétaire de l’île Campobello et membre de l’Assemblée du Nouveau-Brunswick, écrivait le 24 mars 1842 : « À ma connaissance, monsieur Fisher a été victime d’une conspiration absolument inique et cruelle contre sa vie, sa tranquillité d’esprit et sa réputation. »

L. K. Ingersoll

APC, MG 9, A1, 96–109, comprenant Complaints against local officials.— John Dunn et al., Church burnt : statement of the proceedings arising front the burning of the Episcopal Church at Grand Manan [together with a sermon] (Grand-Manan, N.-B., 1839) (copie incomplète au Grand Manan Museum).

D’autres renseignements concernant Fisher peuvent être trouvés dans les articles écrits ou édités par L. K. Ingersoll dans Grand Manan Historian (île Grand-Manan, N.-B.), The great debate of 1877, XII (1968) : 47–51, 68s. ; Grand Manan as part of the new dominion, XI (1967) : 10 ; [M. H. Perley], The Perley report on the fisheries of Grand Manan (1850) [...], X (1966) : 12–15 ; [John Robb], Report by Captain John Robb, R.N., on the state of the fisheries, the condition of the lighthouses, the contraband trade, and various other matters in the Bay of Fundy [...] (1840) [...], IX (1965) : 8–11 ; Report of the commissioners appointed [...] to procure information respecting the state of the herring fishery at Grand Manan [...] (1836), VIII (1964) : 42–44.

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L. K. Ingersoll, « FISHER, WILFORD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fisher_wilford_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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