LAROCQUE DE ROCHBRUNE, ALPHONSE-BARNABÉ (baptisé Barnabé), médecin et fonctionnaire, né le 21 juillet 1823 à Rigaud, Bas-Canada, fils de Charles Rochbrune, dit Larocque, marchand aubergiste, et de Marie Lefebvre ; il épousa Marie-Julie Beauchemin ; décédé le 14 janvier 1893 à Montréal.

Alphonse-Barnabé Larocque de Rochbrune fait ses études classiques à Baltimore, dans le Maryland, puis s’inscrit à la faculté de médecine du McGill College en 1844. Il obtient son diplôme trois ans plus tard. Il pratique d’abord à Sorel puis s’installe à Montréal. En 1867, il devient secrétaire de l’Association sanitaire de Montréal, qui vient d’être fondée. Présidée par William Workman* et composée d’hommes d’affaires, d’hommes politiques et de notables, cette société fonctionne comme un groupe de pression vis-à-vis des autorités municipales et leur rappelle leurs responsabilités en matière de santé publique.

En 1870, au moment où Workman occupe le poste de maire, Larocque est nommé officier de santé de la ville de Montréal. À ce titre, l’une de ses principales préoccupations est de mettre sur pied un organisme sanitaire qui adopterait les mesures recommandées par les officiers de santé. Par ailleurs, Larocque suggère différents moyens d’améliorer la santé publique. Ainsi, il propose l’adoption d’une loi pour réglementer la vente du lait, la création de bureaux de vaccination, la désinfection des éléments de contagion, la compilation de statistiques démographiques, la réglementation de l’inhumation, la déclaration obligatoire au bureau de santé de toutes les maladies contagieuses et la désinfection des corps des personnes décédées.

Le rôle d’un officier de santé est généralement de recommander aux membres du bureau de santé, qui a été créé à Montréal en 1870, les mesures d,’hygiène les plus appropriées selon la situation. Le conseil municipal se réserve le droit d’agir à sa guise. Le plus souvent, les efforts de Larocque se heurtent aux résistances des conseillers. Ses rapports annuels sur l’état sanitaire de Montréal de 1876 à 1882 l’indiquent clairement. Il n’est pas rare en effet d’y lire une dénonciation à peine voilée de l’incurie et de l’inertie des autorités municipales. Même si son travail n’a pas toujours reçu l’écho qu’il méritait, certains de ses efforts ont porté fruit. En 1877, le bureau de santé devient un département distinct de l’administration municipale. Cette mesure est encore fragile, puisque le bureau est dissout le 20 octobre 1879 pour être rétabli sur des bases permanentes en 1881.

La même année, Larocque prépare et soumet à un comité de médecins et de membres du bureau de santé de Montréal un projet de loi concernant les besoins sanitaires de la province de Québec. Ainsi, ses activités d’hygiéniste et de réformateur débordent le champ municipal et s’étendent à l’ensemble de la province. Mais paradoxalement, cette activité para-municipale et sa lutte constante pour obtenir une meilleure représentation du corps médical au sein des bureaux de santé lui valent d’être démis de ses fonctions en 1884, soit presque au début du mandat du nouveau maire Honoré Beaugrand*. On peut s’étonner que ce soit l’officier de santé, identifié depuis le début des années 1870 au mouvement montréalais en faveur d’une administration de la santé publique, qui soit devenu le bouc émissaire des réformes de Beaugrand. Ce dernier tient à ce que les efforts soient surtout consacrés à la scène montréalaise. Larocque a été probablement victime de son zèle à convaincre les pouvoirs législatifs de la nécessité d’une réforme qui dépasse largement le contexte montréalais ; il négligeait ainsi ses tâches municipales. Toujours est-il qu’il retourne à la pratique privée à Montréal jusqu’à son décès.

Tout au long de sa carrière, Larocque s’est affiché comme un partisan convaincu de la vaccination, moyen essentiel à ses yeux pour lutter contre la variole. En 1868, la commission de santé de la ville le recommande comme vaccinateur. Quatre ans plus tard, on le nomme membre d’un comité chargé d’enquêter sur le système de santé publique de New York. À son retour, il propose de rendre obligatoire la déclaration par les médecins de tous les cas de maladies contagieuses aux officiers de santé, ce qui est considéré comme une ingérence dans la pratique privée. Larocque prend une part active aux débats suscités par les détracteurs de cette méthode prophylactique. Le 25 avril 1874, il fait adopter au conseil de l’Association sanitaire une motion de censure à l’égard de la conduite des médecins qui condamnent la vaccination dans la presse. Une polémique l’oppose au docteur Joseph Emery-Coderre*, antivaccinateur convaincu et fondateur de la revue montréalaise l’Antivaccinateur canadien-français. De 1875 à 1881, Larocque fait partie du comité d’inspection de l’hôpital des variolés dirigé par les Sœurs de la charité de la Providence (Sœurs de la Providence). En 1885, quatre ans après la fermeture de cet hôpital, il en ouvre un pour variolés. Toutefois, son appui à la vaccination aura des conséquences fâcheuses au moment de l’émeute du 4 août 1885 à Montréal alors que sévit une forte épidémie de petite vérole. Une foule déchaînée assiège le bureau de santé, y met le feu, pour ensuite s’attaquer aux maisons des vaccinateurs. La propriété de Larocque est alors saccagée.

Larocque s’est aussi préoccupé du taux très élevé de mortalité infantile. En 1874, il a publié dans l’Union médicale du Canada un article intitulé « le Massacre des innocents », où il met en évidence l’inertie du gouvernement face à un des taux de mortalité infantile les plus élevés en Occident qui est, selon lui, attribuable au manque de connaissances des pauvres en matière d’hygiène. Larocque effectue également de nombreux relevés statistiques concernant les décès dans la ville de Montréal pour les gouvernements fédéral, provincial et municipal, car il les considère comme un outil fondamental pour contrôler la maladie. Mais un tel outil n’est valable et efficace que dans la mesure où les statistiques sont enregistrées, ce qui ne sera fait qu’au début du xxe siècle.

Alphonse-Barnabé Larocque de Rochbrune a certes été l’un des principaux médecins qui ont contribué au développement des mesures d’hygiène publique au xixe siècle dans la province de Québec. Il a été non seulement un important publiciste en matière de santé, mais aussi la cheville ouvrière et le principal officier de santé de la ville de Montréal pendant une quinzaine d’années.

Denis Goulet et Othmar Keel

Alphonse-Barnabé Larocque de Rochbrune est l’auteur de nombreux articles qui parurent notamment dans l’Abeille médicale (Montréal) : « Bureau de santé, Montréal, juillet, 1879 », 1 (1879) : 326–329, 374–376 ; « Abattoir public » : 384–387 ; et dans l’Union médicale du Canada (Montréal) : « Bureau de santé », 2 (1873) : 42–44 ; « De l’hygiène et des statistiques vitales » : 246–253, 289–298 ; « Statistique des décès », 3 (1874) : 375–378 ; « le Massacre des innocents » : 422–428 ; « Bulletin de la mortalité pour Montréal et les municipalités environnantes durant le mois d’août 1874 » : 474–476 ; « Bulletin de la mortalité pour Montréal et les municipalités environnantes durant le mois de septembre 1874 » : 522–525 ; « le Bureau de santé de Montréal », 5 (1876) : 331–334 ; « le Bureau de santé », 10 (1881) : 137–139.

ANQ-M, CE1-51, 18 janv. 1893 ; ZQ1-44, 21 juill. 1823.— Arch. de la ville de Montréal, Doc. administratifs, procès-verbaux du conseil municipal, 10 sept. 1864–10 juill. 1882 ; Dossier 800.A.— McGill Univ. Arch., RG 38, Student records, 1824–1848.— Sciences & Médecine au Québec, perspectives sociohistoriques, sous la dir. de Marcel Fourier et al. (Québec, 1987).— Michael Farley et al., « les Commencements de l’administration montréalaise de la santé publique (1865–1885) », HSTC Bull. (Thornhill, Ontario), 6 (1982) : 24–46, 85–109.

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Denis Goulet et Othmar Keel, « LAROCQUE DE ROCHBRUNE, ALPHONSE-BARNABÉ (baptisé Barnabé) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/larocque_de_rochbrune_alphonse_barnabe_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    1 décembre 2024