DUGAS, JOSEPH, colon, né probablement en 1738 à Cobequid (près de Truro, Nouvelle-Écosse), aîné des enfants de Pierre Dugas et d’Isabelle Bourg ; en 1764, il épousa à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, Marie-Josephte Robichaud, et ils eurent sept enfants ; décédé le 26 février 1823 à l’anse des LeBlanc, Nouvelle-Écosse.
En 1751, Pierre Dugas quitta Cobequid avec sa famille pour aller demeurer dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard). Avec d’autres Acadiens, Pierre, sa femme et six de ses enfants furent expulsés de l’île par le colonel Andrew Rollo* en 1758. Embarqués sur le Tamerlane, ils arrivèrent à Saint-Malo, en France, le 16 janvier 1759, et se fixèrent plus tard à Saint-Servan. Cependant, le jeune Joseph Dugas n’est pas mentionné parmi les enfants de Pierre et d’Isabelle qui débarquèrent en France. Son nom n’apparaît pas non plus sur la liste des prisonniers enfermés au fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), au fort Edward (Windsor, Nouvelle-Écosse) ou à Halifax.
D’après une tradition familiale, Joseph serait parti à l’âge de 16 ans pour Louisbourg, dans l’île Royale (île du Cap-Breton), où il se serait enrôlé dans la milice française. Lorsque les forces britanniques commandées par Jeffery Amherst* s’emparèrent de la forteresse en 1758, Joseph aurait été blessé et fait prisonnier. Toujours d’après la même tradition, il aurait survécu à un empoisonnement pendant son séjour à l’hôpital, puis il aurait réussi à s’évader et à se rendre à la baie des Chaleurs, où il se serait joint aux quelque 800 Acadiens déjà établis dans la région. Il se peut que ce récit soit authentique, mais sa véracité est mise en doute par l’historien acadien Placide Gaudet*, qui croit plutôt que Joseph fut capturé en octobre 1760 par les forces britanniques au moment de la chute de Restigouche (Québec) où se trouvait une forte concentration de réfugiés acadiens [V. Jean-François Bourdon* de Dombourg]. L’explication de Gaudet est corroborée par une autre tradition de la famille Dugas, selon laquelle Joseph aurait vécu à Restigouche, dans la région de la Miramichi, et à proximité du fort Cumberland avant d’aller habiter à Pisiquid (Windsor, Nouvelle-Écosse), puis à Annapolis Royal. Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute qu’après le traité de Paris, signé en 1763, Joseph se rendit à Annapolis Royal, où il épousa en 1764 Marie-Josephte Robichaud, fille de Prudent Robichaud et de Marie Richard. La famille Robichaud avait été emprisonnée au fort Edward avec d’autres Acadiens.
En 1764, le gouvernement britannique informa les autorités de la Nouvelle-Écosse que les Acadiens qui étaient disposés à prêter le serment d’allégeance pourraient revenir dans la colonie. Trois ans plus tard, se rendant aux demandes des Acadiens de retour d’exil, le lieutenant-gouverneur Michael Francklin* réserva des terres le long de la baie St Mary, afin que les Acadiens puissent s’y établir. À l’été de 1768, cette région, qui reçut le nom de Clare, fut arpentée par John Morrison, arpenteur provincial adjoint, et divisée en lots. Les terres arpentées par la suite furent connues sous le nom de concession Bastarache.
Quand le gouvernement eut annoncé en 1767 son intention de créer un établissement le long de la baie St Mary, Dugas prit sur lui d’explorer le territoire s’étendant depuis l’embouchure de la rivière Sissiboo jusqu’à Chicaben (Church Point). En septembre 1768, accompagné de sa femme et de sa fille de quatre ans, Isabelle, Joseph se rendit de nouveau à la baie, mais cette fois il se fixa en un lieu nommé plus tard anse des LeBlanc. Le printemps suivant, un groupe imposant d’une centaine d’Acadiens s’installa dans la région habitée par Dugas, et, au cours des quelques années subséquentes, d’autres colons vinrent se joindre aux premiers. Parmi les nouveaux arrivés se trouvaient Pierre Le Blanc*, Pierre Doucet* et Amable Doucet*.
La femme de Dugas était enceinte à l’époque où elle et son mari partirent pour la baie St Mary et, 20 jours après leur arrivée, elle donna naissance à un garçon qui fut prénommé Joseph. Durant leur première année dans la région, Dugas et sa femme durent surmonter les nombreuses difficultés inhérentes à leur isolement dans un pays sauvage, leur plus proche voisin demeurant à une cinquantaine de milles de distance. Le seul fait qu’ils réussirent à survivre avec leurs deux enfants, alors qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, témoigne d’une adresse et d’une initiative peu communes. La plus grande réalisation de Dugas est probablement d’avoir jeté les bases d’une économie de subsistance dans laquelle toutes les activités étaient bien intégrées, ce qui permit aux colons de la baie St Mary de prospérer, même au xxe siècle. À l’exemple de Dugas, chaque colon combina habilement les occupations de pêcheur, de fermier, de bûcheron, de constructeur et de chasseur.
On n’en sait guère plus à propos de Joseph Dugas et de sa famille. Le 8 septembre 1769, l’abbé Charles-François Bailly* de Messein célébra la première messe dans le district actuel de Clare, plus précisément dans la demeure rustique de Dugas à l’anse des LeBlanc. Le deuxième prêtre à visiter la région fut Joseph-Mathurin Bourg* en 1774. Joseph Dugas fils, premier Acadien né dans le district de Clare, s’établit à Grosses Coques. Sa maison existe toujours et on y a apposé une plaque qui rappelle sa naissance ainsi que la création du canton de Clare. Un monument à la mémoire de Joseph Dugas père et de sa femme a été érigé devant l’école Joseph-Dugas, à Church Point, et sur son inscription on peut lire, entre autres, cette phrase : « Le courage de ce couple, seul en face de grandes difficultés de survie, a inspiré un sentiment de fierté à tous les colons qui les ont suivis. »
Arch. de l’évêché de Bathurst (Bathurst, N.-B.), Caraquet, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 1768–1773 (mfm au Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, N.-B.).— Centre d’études acadiennes, Fonds Placide Gaudet, « Généalogies acadiennes », 1580 (mfm aux APC) ; « Notes généalogiques sur les familles acadiennes, c. 1600–1900 », dossier Dugas–3.— PANS, MG 1, 258.— Bona Arsenault, Histoire et Généalogie des Acadiens (2 vol., Québec, 1965).— Antoine Bernard, Histoire de la survivance acadienne, 1755–1935 (Montréal, 1935).— P.-M. Dagnaud, les Français du sud-ouest de la Nouvelle Écosse [...] (Besançon, France, 1905).— Émile Lauvrière, la Tragédie d’un peuple : histoire du peuple acadien de ses origines à nos jours (nouv. éd., 2 vol., Paris, [1924]).— Arthur Melançon, Vie de l’abbé Bourg, premier prêtre acadien, missionnaire et grand-vicaire pour l’Acadie et la Baie-des-Chaleurs, 1744–1797 (Rimouski, Québec, 1921).— I. W. Wilson, A geography and history of the county of Digby, Nova Scotia (Halifax, 1900 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1975).— Placide Gaudet, « Mort de deux patriarches de la Baie-Ste-Marie », L’Évangéline (Weymouth Bridge, N.-É.), 31 mars 1892.
J.-Alphonse Deveau, « DUGAS, JOSEPH (mort en 1823) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dugas_joseph_1823_6F.html.
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Titre de l'article: | DUGAS, JOSEPH (mort en 1823) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
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