DOREIL (d’Aureil ; d’Oreil), ANDRÉ (Jean-Baptiste), commissaire ordonnateur des guerres en Nouvelle-France, fils de Philippe Doreil et de Jeanne-Catherine Blancheteau, circa 1749–1759.

C’est grâce à son acte de mariage et aux rapports adressés à ses supérieurs en France que nous sont connus certains détails de la vie d’André Doreil. Il était probablement originaire de l’ouest de la France, plus précisément de Niort où demeurait sa mère. Il s’établit en Provence en 1749, à l’occasion de sa nomination au poste de commissaire provincial des guerres du département de Toulon. Avant ce temps, il demeurait à Paris. Le 22 avril 1750, il épousait, à Aix-en-Provence, Marguerite-Charlotte-Baptistine, fille du marquis de Pontevès. Mme Doreil mourut le 19 avril 1754, laissant trois jeunes enfants à la charge de son mari, qui fut nommé, l’année suivante, commissaire des guerres en Nouvelle-France.

Doreil était à la fois ambitieux et compétent. Son ambition nous est révélée de façon implicite (et explicite) dans son acceptation du poste de commissaire des guerres au Canada, à une époque où ses affaires personnelles n’allaient pas très bien. Il vint à contrecœur, à condition de recevoir immédiatement une promotion et de n’être pas tenu à plus de deux ans de service dans la colonie. Sa compétence l’y maintint plus de trois ans, malgré qu’il ait demandé à plusieurs reprises d’être rappelé, en raison de sa mauvaise santé et des besoins de ses enfants.

Son rôle comme commissaire des guerres était en gros celui d’un quartier-maître général adjoint des troupes régulières françaises au Canada ; il était chargé du logement, de l’équipement et de l’habillement ainsi que du ravitaillement et des soins hospitaliers de celles-ci. Selon lui, l’intendant Bigot* n’avait nullement entravé les fonctions militaires ou les affaires des hôpitaux. « L’intendant, nota aussi le commissaire des guerres, m’honore de son amitié et de ses bontés pour ce qui m’est personnel. » Promu commissaire ordonnateur des guerres en 1756, Doreil fut alors en mesure d’autoriser des dépenses.

Les lettres de Doreil témoignent du grand intérêt qu’il portait à ses hommes. Elles foisonnent de détails concernant le logement des soldats (souvent chez les habitants), leur solde (il n’apprécie pas du tout la monnaie de papier dont l’échange occasionne une perte pour les troupes), leur habillement (ils ont besoin d’une plus grande quantité et d’une meilleure qualité de souliers), leurs rations (y compris la ration de vin de ceux qui sont hospitalisés). Il organisa les premiers hôpitaux ambulants et pressa le ministre d’améliorer le nombre et la qualité des médecins et des instruments chirurgicaux. Il entretint une querelle avec le commissaire ordonnateur à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), Jacques Prévost* de La Croix, également commissaire des guerres de cette colonie, dont l’apparente indifférence aux besoins des bataillons réguliers français stationnés à cet endroit était un souci constant pour Doreil.

Doreil ne manquait pas de courage : en 1757, alors que les soldats nouvellement arrivés du régiment de Berry mouraient comme des mouches de la fièvre des vaisseaux (typhus ?) à l’Hôpital Général de Québec, contaminant religieuses et aumôniers, il visitait l’hôpital deux fois par jour pour s’assurer que tout était en ordre. Il louangea l’abondance et la qualité des soins prodigués à ses soldats par les communautés religieuses hospitalières, procurant à celles de Québec et de Montréal des prêts substantiels de la couronne.

Les lettres de Doreil trahissent la flagornerie et la vantardise des fonctionnaires du xviiie siècle. En démontrant à plusieurs reprises au ministre l’ardeur et la compétence qu’il mettait à son travail, il réussit à obtenir le poste de commissaire ordonnateur des guerres après une année au Canada. Il obtint également 12 000#, en compensation de la perte de son ménage capturé par les Anglais sur l’Alcide en 1755, bien que cette somme représentât le double de la valeur courante de ses effets en France. Il demanda même la croix de Saint-Louis, honneur militaire auquel il n’avait pas droit. Cependant, le fait que l’on ait au moins considéré sa requête témoigne de sa solide réputation.

Sur un autre plan, ses commentaires sur les figures dominantes de la colonie ne manquent pas d’intérêt. En 1755, il souligna l’hésitation du gouverneur Pierre de Rigaud* de Vaudreuil à dénoncer la corruption qui sévissait dans l’entourage de l’intendant Bigot et décrivit le baron de Dieskau comme un officier courageux plus apte aux tâches subordonnées qu’au commandement suprême. Après que Dieskau eut été fait prisonnier en septembre 1755, il suggéra à bon escient que le nouveau général soit « d’un esprit liant et d’un caractère doux », capable de « [gouverner] le gouverneur » ; apparemment avec l’approbation de Vaudreuil, il proposa comme remplaçant son propre beau-frère, Jean François de Gantès, « brigadier commandant des volontaires de Dauphiné ». À mesure que la guerre se prolongeait, les insinuations discrètes de Doreil selon lesquelles tout n’était pas pour le mieux au sein de l’administration coloniale se firent de plus en plus directes et, à certains moments, presque incohérentes. Naturellement, on l’associa beaucoup aux troupes régulières françaises et à Montcalm, après l’arrivée de celui-ci en mai 1756 ; c’est donc à la lumière de cette amitié que doivent être analysées ses lettres subséquentes, très pessimistes quant à l’avenir de la colonie et méprisantes pour les fonctionnaires canadiens.

Le travail de Doreil au Canada fut récompensé, finalement, par son rappel en France à l’automne de 1758 ; il fut remplacé par Benoît-François Bernier*. Débarqué en Espagne après une traversée difficile, surtout à cause des corsaires anglais qui se trouvaient dans le golfe de Gascogne, Doreil se rendit à Versailles par voie de terre. La dernière mention de lui date de novembre 1759, alors qu’on le retrouve comme commissaire ordonnateur à Vannes ; puis il tombe dans l’oubli.

La valeur réelle de la correspondance de Doreil réside peut-être dans sa description des dessous de la guerre telle qu’elle se faisait au xviiie siècle : a sordidité, la misère et l’effarant taux de mortalité causé par la maladie, en contraste avec le fifre et le tambour de la bataille. Elle démontre aussi le lien étroit qui peut exister entre les préoccupations humanitaires et le paternalisme.

J. R. Turnbull

Les principaux documents concernant Doreil se retrouvent aux AD, Bouches-du-Rhône (Marseille), État civil, Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence, 22 avril 1750, et dans les Lettres de Doreil, RAPQ, 1944–1945, 1–171. Quelques lettres du commissaire ordonnateur sont classées aux AN, Col., C11A, 100–103, mais le dossier de ses activités semble être perdu. La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la noblesse (3e éd.), VIII : 938–940 et XVI : 138s., fournissent quelques renseignements biographiques, mais donne à Doreil le prénom de Jean-Baptiste. Certains historiens ont attribué à Doreil l’« Éloge historique du marquis de Montcalm », publié dans le Mercure de France, janv. 1760. Par la suite, d’autres historiens ont réfuté cette affirmation en se basant sur le contenu et le style de ce panégyrique.  [j. r. t.]

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J. R. Turnbull, « DOREIL (d’Aureil, d’Oreil), ANDRÉ (Jean-Baptiste) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/doreil_andre_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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