DINAN, ELLEN, dite sœur Mary Bernard, religieuse de la congrégation des Sisters of St Joseph et éducatrice, née vers 1829 à Macroom (république d’Irlande), fille de Thomas Dinan et d’Ann Sullivan ; décédée le 20 septembre 1901 à Toronto.

Ellen Dinan grandit et fit ses études à Philadelphie, où sa famille s’était établie à une date inconnue. Elle entra chez les Sisters of St Joseph en 1849, au St John’s Orphan Asylum de Philadelphie, et prit le nom de Mary Bernard. Elle allait prononcer ses vœux perpétuels le 19 mars 1852, à l’âge de 23 ans, à la cathédrale St Michael de Toronto.

Sœur Mary Bernard faisait partie du premier Groupe de sa congrégation qui s’installa à Toronto. À son arrivée dans cette ville, en 1850, Mgr Armand-François-Marie de Charbonnel* avait pu constater combien l’afflux des immigrants irlandais qui avaient fui la famine créait une situation difficile. Le diocèse de Toronto, fondé en 1841, n’avait pas assez d’écoles, d’églises, d’œuvres sociales ni de religieux pour faire face à l’augmentation constante des laïques. Mgr Charbonnel fit donc appel aux Sisters of St Joseph, congrégation polyvalente déjà établie à Saint Louis, au Missouri, et à Philadelphie. Il entendait leur confier la direction d’un orphelinat, la visite des pauvres et des malades, et l’enseignement dans les écoles.

Sœur Mary Bernard arriva à Toronto le 7 octobre 1851 en compagnie de sœur Alphonsus [Sarah Margerum], de sœur Mary Martha [Maria Bunning*] et de mère Delphine [Marie-Antoinette Fontbonne*], première supérieure de la communauté au Canada. À leur arrivée des États-Unis par diligence et bateau à vapeur, elles furent accueillies par un groupe d’éminents laïques catholiques, dont John Elmsley*, qui les conduisit immédiatement à l’orphelinat de la rue Nelson (Jarvis). L’établissement, qu’Elmsley avait fondé en 1849 et que dirigeaient des dames catholiques, devint la première maison mère des religieuses et leur premier noviciat à Toronto. Elles y vivaient avec les orphelins dans une grande pauvreté et des conditions très dures, et assuraient leur subsistance en mendiant dans les rues et en effectuant diverses corvées, des travaux de buanderie par exemple. Moins d’un an après leur arrivée, elles participaient à un mouvement qui visait à améliorer les écoles paroissiales, dont elles allaient par la suite assumer l’administration.

Benjamine du groupe, sœur Mary Bernard allait occuper plusieurs postes au cours de sa vie religieuse. De 1852 à 1856, à titre de maîtresse des novices, elle supervisa la formation d’un grand nombre d’aspirantes. Lorsqu’elle quitta cette fonction, le nombre de religieuses était passé à 40, et elle était la seule du groupe d’origine à être encore à Toronto. Les sœurs Delphine et Alphonsus étaient mortes, et sœur Mary Martha était partie en 1852 fonder une communauté à Hamilton. De 1856 à 1860, sœur Mary Bernard acquit de l’expérience en administration en exerçant à titre temporaire plusieurs fonctions dans des villes autres que Toronto, soit Amherstburg, Niagara Falls, Buffalo, dans l’État de New York, et Hamilton.

Après son retour à Toronto en 1860, sœur Mary Bernard devint assistante de la supérieure générale, mère Teresa [Margaret Brennan*], puis procuratrice. Son travail d’administratrice touchait principalement l’éducation et l’aide aux indigents. Pendant cette période, l’un des principaux établissements dirigés par les religieuses à Toronto était la House of Providence, ouverte en 1857 par Mgr Charbonnel. Foyer pour les vieillards, les malades et les indigents, cette maison logeait aussi le siège de divers programmes d’assistance externe et abritait les orphelins qui avaient dû quitter la rue Nelson en 1859. Organiser l’approvisionnement des écoles et des établissements de charité, y affecter du personnel, tout cela représentait un travail énorme, et sœur Mary Bernard ne tarda pas à manifester son sens pratique.

Au cours de ces années, la congrégation connut une expansion rapide, et vers 1864, sœur Mary Bernard fut prêtée à la communauté de St Catharines, où au cours des cinq années suivantes elle exerça la fonction de supérieure pendant plusieurs mandats. Au moment de l’élection qui la fit succéder à mère Antoinette [Henrietta Macdonell] au poste de supérieure générale, en 1869 (elle allait occuper cette position jusqu’en 1874), une nouvelle maison mère s’élevait sur une partie de la propriété de John Elmsley à Toronto, Cloverhill, et une école modèle pour filles, la St Joseph’s Academy, avait ouvert ses portes au même endroit. En outre, les sœurs avaient fondé à Chatham, à Barrie et à Oshawa des missions qui relevaient toutes de la maison mère de Toronto. En 1871, au cours de son mandat, la communauté de London (fondée en 1868) devint indépendante de celle de Toronto, comme celle de Hamilton l’était devenue en 1856.

On vint à respecter les Sisters of St Joseph pour leur compétence dans l’enseignement, les soins infirmiers et l’assistance sociale, et parce qu’elles se dévouaient sans compter pour les indigents, alors qu’elles-mêmes vivaient dans des conditions difficiles et travaillaient de longues heures. Les plus capables d’entre elles accédèrent à des postes de direction, où elles se révélèrent de solides administratrices. La communauté recourait encore à la mendicité, mais elle avait aussi d’autres sources de financement : bazars, concerts, pique-niques et salaires reçus du conseil scolaire.

Pendant qu’elle était supérieure générale, sœur Mary Bernard, à la demande de l’évêque John Joseph Lynch*, envoya certaines de ses religieuses instruire les prisonnières de la Don Jail et les patientes de l’asile provincial des aliénés. D’autres visitaient les pauvres et les malades à domicile, et en 1874, la congrégation administrait dix écoles. Les sœurs exécutaient une bonne partie de ces tâches en collaboration avec des membres de la Société Saint-Vincent-de-Paul, qui s’occupaient aussi de ramener au bercail les enfants qui faisaient l’école buissonnière. En outre, Lynch confia l’administration du St Nicholas Home for Working Boys aux religieuses en 1870. Ce foyer logeait des camelots, des apprentis, des cireurs de chaussures, des ouvriers d’usine et des « gamins des rues ». Avec la Société Saint-Vincent-de-Paul, les sœurs y organisèrent un programme de cours du soir où l’on enseignait les matières scolaires et des techniques aux jeunes garçons pour les préparer à une vie indépendante et productive. L’année suivante, elles ouvrirent une pension pour « jeunes femmes respectables », Notre Dame des Anges. Grâce à l’ingéniosité dont sœur Mary Bernard faisait preuve dans sa planification financière, la congrégation put exécuter des travaux de réfection et d’agrandissement à la nouvelle maison mère de la rue St Alban (Wellesley), au St Nicholas Home et à la House of Providence, et elle put acquérir plusieurs grandes propriétés dans la ville et dans diverses missions. À la fin du mandat de sœur Mary Bernard, il y avait, à Toronto seulement, 131 religieuses qui travaillaient en institution et dans les écoles.

Sœur Mary Bernard fut destituée de ses fonctions de supérieure générale en 1874 par l’archevêque Lynch après qu’une élève de la St Joseph’s Academy, Emily Cooper, eut rapporté à la presse un prétendu scandale impliquant un prêtre et une religieuse. Même si l’élève signa par la suite une rétractation sous serment, l’archevêque envoya sœur Mary Bernard à Oshawa pour au moins un an sous le motif d’« administration imprudente ». Pendant cinq ans, son nom ne figura pas dans les annales de la congrégation, et même son jubilé d’argent fut passé sous silence. De 1880 à 1887, elle occupa diverses fonctions à l’extérieur de la ville ; elle ne rentra à Toronto qu’un peu avant la mort de Lynch.

En 1887, sœur Mary Bernard entreprit sa grande œuvre d’apostolat au Sacred Heart Orphanage de Sunnyside, sur la rive du lac Ontario, aux confins ouest de Toronto. La congrégation lui avait confié la réalisation de ce projet dès 1856, et l’achat avait été conclu en 1881, sous la direction de mère Antoinette. Supérieure de Sunnyside à compter de 1887, sœur Mary Bernard montra beaucoup d’ardeur dans la défense des enfants. Elle supervisa l’expansion de l’établissement, qui en vint à accueillir plus de 300 orphelins, mais veilla en même temps à ce qu’il ne perde pas son atmosphère familiale.

Sœur Mary Bernard célébra son jubilé d’or pendant qu’elle dirigeait Sunnyside ; c’était la première fois qu’une religieuse de la congrégation canadienne fêtait un tel anniversaire. Elle mourut d’une crise cardiaque à l’orphelinat quelques semaines à peine avant le cinquantenaire de l’arrivée des Sisters of St Joseph à Toronto. Les religieuses, qui n’étaient que 4 à l’époque, étaient 200 au moment de son décès.

Murray W. Nicolson

Les divers documents relatifs au cas d’Emily Cooper se trouvent aux Arch. of the Roman Catholic Archdiocese of Toronto, Sisters of St Joseph papers.

Sisters of St Joseph of Toronto Arch. (Toronto), Reg. of postulants, 1852.— Diamond jubilee, St. Joseph’s Convent, Toronto : in commemoration of the seventy-fifth anniversary of the coming of the Sisters of St. Joseph to Toronto, Canada ([Toronto, 1926 ?]).— [Agnes Murphy, dite] sœur Mary Agnes, The Congregation of the Sisters of St. Joseph : Le Puy, Lyons, St. Louis, Toronto (Toronto, 1951).— M. W. Nicolson, « The Catholic Church and the Irish in Victorian Toronto » (thèse de ph.d., Univ. of Guelph, Ontario, 1981) ; « Irish Catholics and social action in Toronto, 1850–1900 », Studies in Hist. and Politics (Lennoxville, Québec), 1 (1980) : 30–54 ; « The Sisters of St. Joseph, pioneers in social action » (texte présenté et distribué aux Sisters of St Joseph au 135e anniversaire de la congrégation dans l’archidiocèse de Toronto, en 1986).— Sisters of St Joseph of Toronto, Community annals, [1851–1956] (3 vol. parus, [Toronto, 1968–  ]), 1.— M. B. Young, Silent growth : the life and times of Sister Bernard Dinan (Toronto, 1986).

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Murray W. Nicolson, « DINAN, ELLEN, dite sœur Mary Bernard », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dinan_ellen_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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