Delfosse, GEORGES (baptisé Marie-Joseph-Georges Delfausse), peintre, illustrateur et professeur, né le 8 décembre 1869 à Saint-Henri-de-Mascouche (Mascouche, Québec), fils de Melaine Delfausse, agent seigneurial et maître de poste, et de Josephine Mount ; le 14 mai 1908, il épousa à Montréal Aline Contant, fille d’Alexis Contant*, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 22 décembre 1939 à Montréal.

En 1882, la famille de Georges Delfosse quitte Saint-Henri-de-Mascouche pour s’installer à Montréal, où Georges étudie à l’école Saint-Jacques et au collège de Saint-Laurent. Devant le talent artistique manifeste du jeune homme, son oncle, le médecin Philippe Edmond Mount, l’inscrit à des cours de dessin donnés par l’abbé Joseph Chabert* à l’Institut national des beaux-arts, sciences, arts et métiers et industries. En avril 1885, la participation de Delfosse à l’exposition de l’établissement est remarquée. Comme l’indique son premier carnet de commandes, ce dernier commence à obtenir des contrats en juin de cette année-là. Il poursuit ses études au Conseil des arts et manufactures de la province de Québec, où il prend des leçons de Louis-Philippe Hébert* et d’Edmond Dyonnet, et à l’Association des arts de Montréal, dirigée par le peintre William Brymner* qui lui enseigne également.

Le 27 septembre 1890, le Monde illustré rapporte la participation de Delfosse à l’Exposition des beaux-arts à Montréal. Le jeune artiste y est présenté comme un peintre au talent prometteur qui « réussira certainement à attirer l’attention sur son nom ». Pour Delfosse, l’année 1890 marque le début d’une fructueuse activité de peintre religieux avec l’exécution d’une toile pour l’église de Saint-Henri-de-Mascouche. Tout au long de sa carrière, Delfosse fera des tableaux pour de nombreuses autres églises, principalement au Québec (dont trois pour l’église Saint-Louis-de-France à Montréal, détruite par le feu en janvier 1933), mais aussi en Ontario et aux États-Unis. En 1891, trois de ses tableaux, dont un portrait de son oncle médecin, sont primés à l’Exposition provinciale de Montréal. En juin 1896, la réalisation du portrait de Wilfrid Laurier* – qui devient premier ministre du Canada le 23 du même mois – consacre ses talents pour ce genre pictural : selon Delfosse, qui l’écrit dans son premier carnet de commandes, l’exposition de l’œuvre dans les bureaux du journal le Soir, du 17 juin au 2 juillet, attire au delà de 50 000 personnes. Le tableau sera ensuite exposé à la Société des arts du Canada à Montréal jusqu’en décembre.

En 1900, Delfosse crée la Société canadienne de portraits et de tableaux à l’huile ; à l’atelier qu’il nomme l’Art national, il offre ses services de portraitiste au grand public en proposant des modalités de paiement souples. Son premier carnet de commandes, qui se termine en 1905, témoigne de la popularité de cette entreprise dès le début du xxe siècle. Parmi ses portraits de personnages illustres figurent notamment ceux d’Édouard VII, de sir Lomer Gouin* et de sir Alexandre Lacoste*, exécutés respectivement en 1902, 1923 et 1928–1931. L’artiste s’est aussi adonné à l’illustration. En 1899, ses dessins paraissent dans Femmes rêvées d’Albert Ferland*, en 1900, dans Florence de Rodolphe Girard et, en 1907, dans la deuxième édition de Contes vrais de Pamphile Le May*.

Le 15 mai 1908, Delfosse et Aline Contant, qui viennent de se marier, partent en voyage de noces vers l’Europe. Le peintre en profite pour parfaire sa formation à Paris, en fréquentant l’atelier du maître Léon Bonnat et en suivant les cours du peintre d’origine russe Alexei Harlamoff. Il travaille sur les sept tableaux d’histoire qui orneront les bas-côtés de la cathédrale de Montréal. Le couple, qui a habité rue de Beaune dans la ville lumière, rentre à Montréal après un séjour de sept mois.

En 1910, Delfosse réalise le tableau commémoratif du Congrès eucharistique international de Montréal. Sa toile, intitulée la Bénédiction de Montréal, est reproduite, sous forme de gravure, par la Patrie qui la distribue à ses abonnés. Delfosse a alors atteint une renommée certaine et rejoint un vaste public. Plusieurs élèves suivent, en atelier, ses cours de dessin et ses leçons sur le motif. L’artiste enseigne aussi le dessin à sa jeune cousine, Rita Mount, qui en 1920 peindra pour lui les tableaux pour les églises Sainte-Madeleine (à Rigaud) et Saint-François-Xavier (à Renfrew, en Ontario). Il initie également au dessin et à la peinture sa fille Madeleine, qui deviendra artiste peintre, et sa femme. De 1911 à 1917, il a entre autres comme élève d’atelier le jeune peintre Rodolphe Duguay*. En retour des leçons, Duguay brosse les tableaux de son maître, lui sculpte des cadres et l’accompagne dans les nombreux travaux qu’il effectue dans des églises, notamment sous la direction du décorateur et peintre Toussaint-Xénophon Renaud. Parmi les élèves de Delfosse se trouvent aussi les peintres Narcisse Poirier, Émile Vézina et Olivier Beaulieu, ainsi que l’architecte Ludger Venne, qui s’illustreront par leur art.

En mai 1914, Delfosse va de nouveau en Europe. Avec sa femme et ses enfants, il se rend à Paris, où il réalise six des tableaux destinés à l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus à Montréal. Les Delfosse habitent quai de la Tournelle, angle de la rue de Pontoise, et le peintre dispose d’un atelier rue Visconti. En août, forcé de revenir au pays à cause de la Première Guerre mondiale, Delfosse est l’objet, au Havre, d’une mésaventure qu’il raconte dans ses notes de voyage. On le surprend en train de faire l’esquisse du Chicago, bateau qui doit les ramener, lui et sa famille, en Amérique. Arrêté comme présumé espion, il est relâché assez rapidement pour ne pas manquer le départ. Le 23 août, les Delfosse débarquent à New York puis, de là, rentrent à Montréal.

En mars et en avril 1917, à la Bibliothèque Saint-Sulpice à Montréal, Delfosse tient une exposition sur le thème du Vieux-Montréal qui marquera sa carrière et l’ensemble de son œuvre : la Maison de Gédéon de Catalogne [Gédéon (de) Catalogne*], la Vieille Église Notre-Dame et la Rue Saint-Amable figurent parmi les 55 toiles exposées. Delfosse, surnommé ultérieurement le peintre du Vieux-Montréal, accorde moins d’importance à l’esthétique d’un lieu qu’à son histoire. À l’aide des conseils de l’archiviste Édouard-Zotique Massicotte*, il s’applique à représenter des sites anciens, méconnus ou disparus.

Durant plus de 30 ans, Delfosse demeure dans la rue Sherbrooke. En 1924, il s’y fait construire par Venne, son ancien élève, une maison avec atelier qu’il habitera une douzaine d’années. Dans cette résidence qui témoigne d’une certaine aisance financière, il tient à l’occasion des expositions de ses œuvres (notamment en octobre 1925). Il aurait vraisemblablement été victime en 1932 d’un grave accident de voiture dont il ne se serait jamais remis. Sa dernière commande date de mars 1933.

La production de Delfosse, de plus de 3 000 œuvres, est diversifiée : tableaux, fresques, murales, pastels, aquarelles, gravures, dessins, portraits, grandes compositions religieuses, paysages ruraux et urbains. Elle témoigne de la capacité particulière qu’a développée l’artiste pour mettre la lumière en valeur. C’est ainsi, comme le rapportera Denise Brosseau, « qu’il passera des couleurs plutôt froides à des tons chauds d’une grande luminosité. Des tons sombres, empruntés à ses tableaux religieux, jaillira souvent un clair de lune, une lumière discrète à la fenêtre. » L’héritage artistique de Delfosse est donc considérable. Dans les années 1980, deux expositions d’importance rendront hommage à son œuvre. La première, sur le thème du Vieux-Montréal, se déroule dans la métropole durant les mois de juillet et août 1983. Une exposition rétrospective se tient à Mascouche du 27 au 29 octobre 1989. Plusieurs musées (tels que le Musée McCord d’histoire canadienne à Montréal et le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa) et organismes divers (la ville de Montréal et l’entreprise Power Corporation du Canada, par exemple) possèdent des toiles de Delfosse. La plus grande partie de ses œuvres se trouve cependant au Musée national des beaux-arts du Québec, qui dispose également d’un fonds d’archives à son sujet. Deux rues sont nommées en son honneur dans la province : l’une à Terrebonne (1997) et l’autre dans l’arrondissement Saint-Laurent (2010) à Montréal.

Qualifié de « mercenaire de son art » par Mgr Olivier Maurault*, Georges Delfosse n’en a pas moins produit des œuvres connues et reconnues de leur temps, qui ont ensuite pris leur place dans le patrimoine artistique canadien. En outre, comme le peintre le confiait, en mai 1927, à la Revue populaire de Montréal : « S’il se trouve des gens […] pour ne pas reconnaître de valeur artistique à mes œuvres, personne, en tout cas, ne leur peut contester leur valeur historique et documentaire. »

En collaboration avec Jean-Guy Dagenais

Arch. privées, Estelle Piquette-Gareau (Montréal), Documentation diverse sur Georges Delfosse (carnet de commandes de 1914 à 1933, notes de voyage, carnets de croquis, cartes postales, coupures de journaux).— BAC, R233-34, Québec, dist. L’Assomption (100), sous-dist. Saint-Henri (B), div. 2 : 36 ; R233-35-2, Québec, dist. L’Assomption (88), sous-dist. Mascouche (B) : 6.— BAnQ-CAM, CE605-S17, 8 déc. 1869.— FD, Notre-Dame (Montréal), 26 déc. 1939 ; Saint-Jacques-le-Majeur, cathédrale [Saint-Jacques] (Montréal), 14 mai 1908.— Musée national des beaux-arts du Québec (Québec), P005 (fonds Georges-Delfosse).— Le Devoir, 19 mars 1917 ; 23, 26 déc. 1939.— Le Monde illustré (Montréal), 12 août, 9 sept. 1899 ; 9, 23 mars 1901.— Montreal Daily Star, 6 janv. 1940.— La Patrie, 20 août, 3 sept. 1910 ; 24 mars 1917 ; 7 oct. 1925 ; 21 nov. 1927.— Le Petit Journal (Montréal), 16 janv. 1949.— Le Soir (Montréal), 29 juin 1896.— BAC, « Bureaux et maîtres de poste » : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-postal-philatelie/bureaux-maitres-poste/Pages/bureaux-maitres-poste.aspx (consulté le 11 oct. 2011).— Denise Brosseau, « Georges Delfosse, illustrateur du Vieux Montréal : la collection de l’hôtel de ville », Vie des arts (Montréal), no 105 (hiver 1981–1982) : 41–43.— Georges Delfosse, le Canada héroïque : tableaux de la cathédrale de Montréal peints par Georges Delfosse, 1908–1909, É.-J. Auclair et Albert Ferland, édit. ([Montréal, 1910]).— Rodolphe Duguay, Journal, 1907–1927, J.-G. Dagenais et al., édit. (Montréal, 2002).— Albert Ferland, Femmes rêvées (Montréal,1899).— Rodolphe Girard, Florence : légende historique, patriotique et nationale (Montréal, 1900).— J.-É. Janelle, « la Famille Delfosse », BRH, 46 (1940) : 360–363.— Serge Joyal et al., Art canadien, antiquités canadiennes : souvenirs historiques provenant de successions et collections diverses dont succession Georges et Madeleine Delfosse [...] (Montréal, [1987]).— Karel, Dict. des artistes.— Alfred Laliberté, les Artistes de mon temps, Odette Legendre, édit. (Montréal, 1986).— Pamphile Le May, Contes vrais (2e éd., Montréal, 1907).— Lévis Martin, Rodolphe Duguay : pour une mystique du paysage ([Québec], 2004).— Olivier Maurault, Charles De Belle et Georges Delfosse : à la mémoire de deux peintres qui se sont éteints l’an dernier et dont la disparition a été pour l’art de notre pays une grande perte (Montréal, 1940) ; « Georges Delfosse », SRC, Mémoires, 3e sér., 34 (1940), sect. i : 73–85.— M.-C. Mirandette et André Vézina, Georges Delfosse, peintre de Mascouche (Mascouche, Québec, 1989).— Daphne Overhill, « Un concert intime : Alexis Contant and Georges Delfosse » (texte dactylographié, Ottawa, 1994 ; conservé à BAC).— Didier Prioul et al., les Maîtres canadiens de la collection Power Corporation du Canada : 1850–1950 ([Québec], 1989).— Prominent people of the province of Quebec, 1923–24 (Montréal, s.d.).— Marc Renaud, Toussaint-Xénophon Renaud, décorateur d’églises et artiste peintre : élève de Napoléon Bourassa, disciple d’Édouard Meloche (Outremont [Montréal], 2006).— La Vie culturelle à Montréal vers 1900, sous la dir. de Micheline Cambron ([Montréal], 2005).— Le Vieux Montréal : exposition historique par Georges Delfosse (catalogue d’exposition, Bibliothèque Saint-Sulpice, Montréal, 1917).— Le Vieux Montréal vu par Georges Delfosse, Pierre Laliberté et Bruno Harel, édit. (catalogue d’exposition, Montréal, 1983).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

En collaboration avec Jean-Guy Dagenais, « DELFOSSE, GEORGES (baptisé Marie-Joseph-Georges Delfausse) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/delfosse_georges_16F.html.

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Auteur de l'article:    En collaboration avec Jean-Guy Dagenais
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2017
Année de la révision:    2017
Date de consultation:    1 décembre 2024