DEJORDY (Desjordy) DE VILLEBON, CHARLES-RENÉ (il signe Dejordy Villebon et parfois Vilbon ; le nom de Villebon lui venait de son oncle Joseph Robinau* de Villebon), officier dans les troupes de la Marine, né aux îles Bouchard et baptisé à Saint-Sulpice (Québec) le 12 juin 1715, fils de François Desjordy* Moreau de Cabanac et de Louise-Catherine Robinau de Bécancour ; il épousa Catherine Trottier Desrivières à Montréal (le contrat date du 11 février 1741) ; décédé le 15 novembre 1761 lors du naufrage de l’Auguste.

Charles-René Dejordy de Villebon entre dans les troupes de la Marine comme cadet et est promu enseigne en second en 1749. Envoyé comme commandant en second à Baie-des-Puants (Green Bay, Wisc.), avec la mention de « très bon sujet », il s’y conduit à la satisfaction de tous, de 1750 à 1754 ou 1755, sous les ordres de Joseph Marin* de La Malgue. Il reçoit le grade d’enseigne en pied en 1756 et participe à deux expéditions contre Chouaguen (Oswego) au cours de cette année, d’abord avec Gaspard-Joseph Chaussegros* de Léry, fils, au début du printemps, puis avec Montcalm en août.

Par la suite on le retrouve dans l’Ouest, où il agit comme associé de Louis-Joseph Gaultier de La Vérendrye en 1757, et comme commandant du poste de l’Ouest de 1758 à 1760. Il fut le dernier des commandants de ce poste, lequel comprenait quelque huit établissements de plus ou moins grande importance situés à proximité du lac Ounipigon (Winnipeg) et de la rivière Paskoya (Saskatchewan). En 1756, le ministre de la Marine, Machault d’Arnouville, avait établi dans l’Ouest le monopole de l’État ou système du plus haut enchérisseur, déjà en vigueur dans des postes plus rapprochés, mais d’application difficile dans le poste de l’Ouest à cause des distances. D’après ce système, le poste était mis aux enchères et l’État se réservait le commerce des fourrures, lequel était confié au commandant. Villebon, comme son prédécesseur La Vérendrye, devait verser, pour une période de trois ans, la somme de 8 000# et les trois quarts des revenus, alors que lui-même et ses associés se partageaient l’autre quart.

Établi au fort La Reine (Portage-la-Prairie, Man.), tandis qu’un certain Henri Janot, dit Bourguignon, lui servait de commis au fort Dauphin (Winnipegosis, Man.) et sur la Paskoya, Villebon remplit son rôle de son mieux. Vu les circonstances, il n’était plus question de découverte : on était en temps de guerre et tout ce qu’on pouvait faire était de tenir les Indiens sagement occupés au commerce des fourrures, seul moyen de conserver la paix dans cette région.

Mais comment faire le commerce quand les marchandises d’échange n’arrivaient plus et que partout dans la colonie on manquait de tout ? Les fourrures prirent donc la route de la baie d’Hudson, d’autant plus que les employés de la Hudson’s Bay Company, tels par exemple Anthony Henday et Joseph Smith, encourageaient ce changement au cours de leurs voyages à l’intérieur du pays. Les Indiens poussés par les Anglais – c’était normal en temps de guerre – détruisirent les forts les uns après les autres. Le fort des Prairies ou Saint-Louis (près de Fort-à-la-Corne, Sask.), le plus à l’ouest, fut le premier à tomber en 1757. Au cours des quelques années qui suivirent, les autres furent détruits par les Indiens ou abandonnés par les Français. Seuls les forts Dauphin et La Reine, les deux centres principaux, subsistèrent sous les nouveaux maîtres après 1760. Ils furent d’abord occupés par les anciens employés de Villebon ou par des coureurs de bois, et après la Conquête, par les Anglais.

Villebon fut promu lieutenant en 1759. Un nouveau mandat qui devait se prolonger jusqu’en 1762 ou 1763 lui avait apparemment été confié pour le poste de l’Ouest, mais en fait il revint à Montréal avant l’expiration de son mandat. Il quitta l’Ouest au début de l’été de 1760 avec ses effets et un chargement de fourrures. Il ne put arriver à destination qu’à la fin de septembre ou au commencement d’octobre. Montréal ayant capitulé le 8 septembre, il n’eut pas l’occasion de prendre les armes pour défendre sa patrie. Avec le départ de Charles-René Dejordy de Villebon, le poste de l’Ouest avait cessé d’exister.

Le 26 septembre 1761, on retrouve Villebon à Montréal, se préparant à partir pour la France avec sa famille. Il périt avec sa sœur, sa femme, et ses trois enfants, lors du naufrage de l’Auguste, le 15 novembre 1761, sur les côtes de l’île du Cap-Breton. Dans le désarroi qui suivit la conquête du Canada, Villebon fut accusé d’avoir amassé des capitaux de façon illicite, au moyen du commerce de l’eau-de-vie ou autrement. Le 10 décembre 1763, la cour du Châtelet, à Paris, prononçait son jugement sur les infidélités commises en Nouvelle-France. Villebon fut trouvé « absent et contumace ». À la date précitée, il était mort depuis plus de deux ans, ce que la cour ignorait, et la preuve de sa culpabilité ne fut jamais faite. Il y a lieu de croire qu’il était innocent, et que, comme plusieurs autres, il fut accusé sans motif ; même s’il l’eût voulu, il n’eût pu trouver les articles de traite, l’eau-de-vie surtout, alors que tout manquait en Nouvelle-France et que seuls les puissants réussissaient à s’en procurer.

Antoine Champagne

Journal de Marin, fils, 1753–1754, Antoine Champagne, édit., RAPQ, 1960–1961, 237–308.— Les journaux de M. de Léry, RAPQ, 1926–1927, 334–348.— E.-J. Auclair, Les de Jordy de Cabanac, histoire dune ancienne famille noble du Canada (Montréal, 1930).— Champagne, Les La Vérendrye.

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Antoine Champagne, « DEJORDY (Desjordy) DE VILLEBON (Dejordy Villebon, Vilbon), CHARLES-RENÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dejordy_de_villebon_charles_rene_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    28 novembre 2024