COLLET, MATHIEU-BENOÎT, avocat au parlement de Paris, conseiller du roi en ses conseils, procureur général au Conseil supérieur de Québec de 1712 à 1727, né en France vers 1671, fils de Benoît Collet, avocat au parlement de Paris, et d’Antoinette Thomé, de Lyon, décédé à Québec le 5 mars 1727.

Lorsque Collet fut nommé procureur général au Conseil supérieur, le 14 juin 1712, il y avait déjà près de six ans que le poste était inoccupé : Ruette d’Auteuil, révoqué en juin 1707, était en France depuis l’automne précédent ; Jessé Leduc Des Fontaines, choisi pour le remplacer, mourut quelques jours après son arrivée à Québec, en septembre 1710, sans avoir été installé ; Goussé, enfin, à qui Collet succéda, ne vint jamais dans la colonie. Arrivé à Québec à l’automne de 1712 par le vaisseau le Héros, Collet présenta ses lettres de provisions au conseil le 14 octobre et fut installé dans sa charge trois jours plus tard. Charles Macard, qui avait été désigné par le conseil, en 1707, pour assurer l’intérim, avait vainement sollicité la place.

Pendant les 15 années où il agit comme procureur général, Collet s’appliqua, avec un soin exemplaire et une exactitude scrupuleuse, à aider le conseil dans sa tâche de rendre la justice. Son souci extrême d’assurer dans toutes les affaires, tant civiles que criminelles, le respect le plus strict des règles de droit lui attira, à l’occasion, quelques contrariétés. C’est ainsi qu’on lui reprocha de fournir ses services gratuitement ; mais le roi lui donna raison, « l’intention de Sa Majesté étant que la justice au Conseil supérieur s’administre pour rien ». Il lui arriva parfois de faire preuve d’un zèle que d’aucuns jugèrent excessif et qu’on réprouva, bien qu’il n’ait constamment cherché, par sa conduite, qu’à mieux guider les membres du conseil dans les décisions qu’ils devaient rendre. C’est dans cet esprit qu’il avait pris l’habitude, lorsqu’un procès présentait quelque question difficile, de donner, en plus de ses conclusions, les motifs sur lesquels il s’était fondé. Il alla même jusqu’à refuser de se retirer, comme il devait le faire, pendant les délibérations. C’est à bon droit, lui fit-on savoir, que ces agissements avaient fait l’objet de plaintes de la part des conseillers car, s’ils étaient inspirés d’une louable intention, ils n’en pouvaient pas moins « gêner les suffrages des juges ».

Comme procureur général, il lui incombait de veiller à l’exécution des ordres du roi, dans la colonie, et il y apporta toujours la plus grande attention. On le vit, par exemple, en 1714, dénoncer les prétentions des officiers commandant les vaisseaux du roi et leur mépris pour le tribunal dont ils relevaient. Il s’éleva aussi contre les observations qu’avait faites Martin de Lino selon lesquelles certains articles d’une ordonnance ne pouvaient être observés, et démontra le contraire pour conclure, de façon un peu péremptoire : « Cela prouve que ce Conseiller a parlé d’une matière qu’il n’entend pas ».

Collet ne voulut toutefois pas borner son rôle à celui de simple gardien de la loi. Dès les premiers mois de son entrée en fonction, il entreprit de signaler aux autorités métropolitaines les difficultés qu’il y avait à appliquer de façon rigoureuse, eu égard aux conditions locales, certaines dispositions de la législation royale. On le pria en conséquence d’envoyer « des mémoires raisonnés sur lesquels Sa Majesté puisse statuer ». Ces mémoires, Collet préféra les présenter personnellement. À cet effet, il sollicita et obtint la permission de passer en France ; ce qu’il fit, à l’automne de 1716.

La série de neuf mémoires qu’il soumit au Conseil de Marine, au cours de l’année 1717, témoigne abondamment de sa compétence professionnelle en même temps que de l’intérêt qu’il avait pris aux affaires de sa charge. Ces mémoires comportent plusieurs projets de réorganisation ou de réforme et demeurent l’œuvre la plus durable et la plus significative de sa carrière, même s’ils ne reçurent pas tous un accueil favorable.

Collet ayant représenté qu’il serait avantageux que les négociants de Québec et de Montréal puissent s’assembler pour traiter de leurs affaires, comme cela était d’usage dans toutes les villes de commerce en France, on prépara un projet d’arrêt en ce sens qui fut immédiatement adopté par le Conseil d’État, le 11 mai 1717, et qui autorisait chaque groupe à se choisir un porte-parole qui serait le syndic des marchands. Il défendit encore l’intérêt du commerce dans deux mémoires qui n’eurent toutefois pas de suite : l’un sur le paiement des lettres de change, l’autre où, agissant au nom des habitants, il sollicitait pour eux la permission de former une nouvelle compagnie pour le commerce du castor et proposait un projet de traité à cette fin. Mais la formation de la Compagnie d’Occident rendit ces dernières suggestions caduques.

On doit encore à Collet d’avoir été le premier à proposer de créer une école de droit à Québec. Depuis son arrivée au pays, il avait pu constater combien l’administration de la justice avait à souffrir du peu de préparation des juges ; rares en effet étaient ceux qui, même parmi les membres du Conseil supérieur, pouvaient se flatter de posséder quelque connaissance des lois. Les initiatives qu’il avait prises tout d’abord pour pallier cet inconvénient en cherchant à mieux éclairer les conseillers sur les règles qui devaient guider leurs décisions ne lui avaient attiré que des blâmes. Dès lors, l’enseignement du droit devait lui apparaître comme le seul véritable moyen de redresser une situation qu’il déplorait. Car c’est pour que « ceux qui aspirent aux charges de judicatures puissent estre instruits » qu’il offrit de donner des leçons de droit français. Il demandait seulement qu’on lui fournisse « quelques livres ». Le Conseil de Marine, qui examina cette proposition le 17 mars 1717, s’y déclara favorable, mais à la condition que Collet veuille bien accepter de tenir son école « gratuitement », ajoutant que « si dans la suite cette école est reconnue utile on poura luy donner quelque gratiffication pour ce travail ». Le procureur général fit donc acheter, à Paris, pour la somme de 500#, les ouvrages de droit qu’il estimait nécessaires à son entreprise. De leur côté, Vaudreuil [Rigaud] et Bégon* se déclarèrent prêts à favoriser le plus qu’ils le pourraient « les bonnes intentions » de Collet. Malgré tous ces encouragements, l’école de droit ne vit pas le jour jusqu’à ce que le projet fût repris, avec succès cette fois, par son successeur, Louis-Guillaume Verrier*, en 1733.

C’est également Collet qui prit l’initiative de l’une des mesures législatives les plus importantes du régime français concernant l’organisation du notariat. La déclaration royale du 2 août 1717 pour la conservation des minutes des notaires, applicable à toutes les colonies, fut en effet rendue à la suite du long mémoire où Collet signalait la nécessité d’obliger les notaires à classer leurs actes par ordre chronologique et le besoin d’instituer un système d’inventaire et de dépôt des greffes des notaires décédés. En dépit de son caractère urgent, cette réforme ne commença toutefois à recevoir exécution que dix ans plus tard.

Parmi toutes les questions dont Collet eut à s’occuper, c’est à l’administration de la justice qu’il consacra le plus d’attention. Tous ses efforts dans ce domaine tendirent à rendre plus accessible le recours aux tribunaux, tout en décourageant les inévitables plaideurs à l’esprit par trop processif. Les trois mémoires qu’il soumit sur ce sujet au Conseil de Marine, en 1717, en sont le meilleur témoignage. Il y suggérait diverses mesures visant à réduire autant que possible les délais et à supprimer les procédures coûteuses et inutiles qui, en prolongeant indûment les procès, discréditaient la justice auprès des habitants. Il s’offrit en outre à rédiger un projet d’ordonnance qui remplacerait, dans les colonies, la grande ordonnance de 1667 sur la procédure civile (appelée communément Code civil) dont certaines dispositions, valables en métropole, devaient être changées pour mieux convenir aux besoins du Canada, et dont plusieurs autres avaient déjà été modifiées ou abrogées par des règlements et des édits particuliers. En rassemblant en un code, qu’il proposait d’appeler « Code civil pour la Nouvelle-France et autres colonies françaises », des textes législatifs multiples et, pour la plupart, méconnus faute d’avoir été imprimés, Collet estimait faire œuvre utile à la masse des plaideurs honnêtes victimes de leur ignorance et abandonnés à la merci de praticiens qui s’ingéniaient à susciter « une pépinière de procès » vexatoires et ruineux.

Ces propositions n’eurent toutefois pas l’heur de plaire ; et il faut le regretter. Le désir d’assurer l’uniformité législative à travers le royaumes – simple reflet d’une politique centralisatrices – devait conduire à faire obstacle à tous les particularismes locaux ; or, les projets de Collet tendaient au contraire à les accentuer. Par ailleurs, la suggestion de rédiger un code de procédure pour les colonies sembla retenir davantage l’attention du Conseil de Marine. Celui-ci fit en effet demander à Collet où il comptait faire ce travail, quel temps il lui faudrait y consacrer et quelle en serait la dépense. Collet fit savoir qu’il lui serait plus commode de travailler en France, qu’il aurait besoin de 1 000# en plus de ses appointements et qu’il comptait bien que son ouvrage serait terminé avant le départ des vaisseaux de l’année suivante. Sur quoi le conseil rejeta la proposition du procureur général en lui signifiant qu’ « il fera mieux de repasser en Canada ou sa présence sera plus utile à la Colonie ».

Enfin un dernier mémoire portait sur les nouvelles paroisses. Collet y présentait un plaidoyer contre les prétentions de l’évêque de décider seul de la construction des nouvelles églises et du démembrement des paroisses anciennes sans se conformer à l’usage du royaume qui exigeait que cela ne puisse se faire qu’après « information sur la commodité ou incommodité » et après avoir entendu toutes les parties intéressées. La volonté d’indépendance de l’évêque, encore affirmée par Mgr de Saint-Vallier [La Croix] dans une requête au Conseil du roi, le 3 novembre 1717, avait suscité plusieurs différends auxquels Collet souhaitait pouvoir mettre un terme. L’augmentation des besoins rendant nécessaire une nouvelle division des paroisses, le roi décida, en 1720, de faire procéder à une information supra commodo et incommodo pour effectuer une redistribution des districts paroissiaux. Collet fut choisi pour procéder à cette enquête. Accompagné d’un greffier, Nicolas-Gaspard Boucault*, il parcourut, du 4 février au 3 juin 1721, les deux rives du Saint-Laurent. Les procès-verbaux du procureur général donnèrent lieu, le 20 septembre 1721, à un règlement conjoint du gouverneur, de l’intendant et de l’évêque, qui divisait le pays en 82 districts de paroisses. Ce règlement était confirmé par le roi, le 3 mars suivant.

Pendant son séjour en France, Collet semble avoir été aux prises avec des difficultés financières. Le roi lui avait accordé, comme à ses deux prédécesseurs, Leduc et Goussé, une gratification annuelle de 1 000#, en plus de ses gages, en raison de sa qualité d’avocat au parlement. Mais craignant d’être affecté par la décision qu’on avait prise de réduire toutes les pensions, il s’adressa au Conseil de Marine. Ce dernier estima que, comme on était satisfait de ses services, il paraissait juste de lui. conserver sa gratification entière. Malgré l’ordre de paiement donné en conséquence, Collet ne toucha rien et renonça à rentrer au Canada, à l’automne de 1717. En 1718, il rappela qu’il lui était encore dû deux années et demie de sa gratification et qu’il était « hors d’état de pouvoir sortir hors de Paris pour se rendre a sa destination s’il n’en étoit payé ». Il renouvela sa demande, l’année suivante, et s’embarqua finalement pour Québec, où il arriva en septembre 1719. Il reprit alors ses fonctions au Conseil supérieur ‘ le 2 octobre, après trois années passées en France. Il fit aussitôt enregistrer une quinzaine d’édits déclarations, lettres patentes et arrêts du Conseil d’État rendus pendant son absence.

Collet avait épousé, le 7 janvier 1713, à Québec, Élisabeth, fille de Paul Denys de Saint-Simon. Il en eut un fils, Mathieu, né et baptisé le 3 novembre 1713 et décédé le 8 octobre suivant. Sa femme venait de mourir, 15 jours plus tôt, le 24 septembre 1714. Collet ne se remaria pas.

À sa mort, survenue le 5 mars 1727, il habitait chez sa belle-sœur, Marie-Anne Denys de Saint-Simon, épouse de Michel Bertier, chirurgien, un appartement séparé qu’il avait fait construire et qui donnait sur la rue des Pauvres, face au rempart, dans le quartier Saint-Nicolas, à Québec. Il fut inhumé le 7 mars 1727, dans la crypte de l’église Notre-Dame de Québec, où reposaient déjà sa femme et son fils.

La veille de sa mort, il avait fait, devant le notaire Louet père, son testament par lequel il instituait sa belle-sœur sa légataire universelle. En apprenant son décès, l’intendant Dupuy fit immédiatement apposer les scellés sur la maison en raison des nombreux documents publics qu’il gardait en dépôt chez lui ainsi que des livres que l’État avait achetés pour lui permettre de tenir une école de droit et qu’il avait conservés. L’ensemble de ces livres ne constituait qu’une maigre bibliothèque de 25 ouvrages de droit dont l’inventaire de la succession donne une liste détaillée.

Collet avait acquis à rente constituée, le 15 septembre 1724, un terrain sur lequel il avait fait construire la maison où il habitait. Il avait en outre, peu de temps avant sa mort, acheté de Louis Rouer* d’Artigny une terre sur le chemin Saint-Jean. Il prenait parfois le titre de seigneur de La Fortière.

Nicolas Lanouiller* qui, avec d’autres, aspirait à lui succéder dans la charge de procureur général assura l’intérim jusqu’à l’installation de Louis-Guillaume Verrier, le 17 septembre 1728.

André Morel

AJQ, Greffe de Jacques Barbel, 31 déc. 1712 ; Greffe de Jean-Claude Louet père, 15 sept. 1724, 29 juill. 1725, 4 mai 1726 ; Registre d’état civil de Notre-Dame de Québec, 1713, 1714, 1727.— AN., Col., B, 34, ff.17v.s., 41v., 59s. ; 35, f.86v. ; 36, f.408v. ; 37, f. 190v. ; 38, ff.205v.s. ; 39, ff.120v.s., 134, 255v. ; 40 ff.113v.s. ; 41, f.84v. ; Col., C11A, 34, ff.441–446, 496–498, 505 ; 37, ff.128s., 161–167, 260–264, 270–276, 278–283, 291–308 ; 38, f.38 ; 42, ff.181–185 ; 47, f.130 ; 49, f.169 ; Col., F3, 10, ff.257–260v. ; 11, ff.24–26v.— AQ, NF, Ins. Cons. sup., III : 52 ; NF, Registres du Cons. sup., 1717 à 1719.— Édits ord., I, III, passim.— Jug. et délib., VI : 523s., I 206s.— Liste des officiers de justice de la Nouvelle-France, BRH, XXXVI (1930) : 152.— Liste des personnes auxquelles le Conseil a accordé le passage pour le Canada sur la flûte l’Éléphant (1718), BRH, XXXIV (1928) : 759.— Procès-verbaux du procureur général Collet (Caron), RAPQ, 1921–22 : 262–380.— RAC, 1899, suppl.— A. Roy, Inv. greffes not., X : passim.— P.-G. Roy, Inv. contrats de mariage, II : 67 ; Inv. ins. Cons. souv., 124, 185 ; Inv. Jug. et délib., I, VI, VII, passim ; Inv. test. don., I : 130.— Charland, Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte, BRH, XX (1914) : 180, 346.— Cahall, Sovereign Council of New France, 106,159.— Gérard Filteau, La naissance dune nation (Montréal, 1937).— Guy Frégault, La civilisation de la Nouvelle-France (1713–1744) (Montréal, 1944).— Gosselin, LÉglise du Canada, I.— J.-E. Roy, Histoire du notariat, I : 281–297.— P.-G. Roy, La ville de Québec, II : 237s., 293s.— Vachon, Histoire du notariat, 26.— Ignotus [Thomas Chapais], Notes et souvenirs, La Presse (Montréal), 6 déc. 1902.— Édouard Fabre-Surveyer, Louis-Guillaume Verrier (1690–1758), RHAF, VI (1952–53) : 159–174.

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André Morel, « COLLET, MATHIEU-BENOÎT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/collet_mathieu_benoit_2F.html.

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Auteur de l'article:    André Morel
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024