COLIN, LOUIS-FRÉDÉRIC, prêtre, sulpicien, professeur et supérieur, né le 14 janvier 1835 à Lignières, France, fils de François Colin, marchand et serrurier, et de Marthe Guitton, marchande ; décédé le 27 novembre 1902 à Montréal.
Louis-Frédéric Colin fréquente le petit séminaire de Chezal-Benoit, dans le diocèse de Bourges. Il poursuit ses études au lycée Saint-Louis à Paris, où il obtient un baccalauréat ès sciences. Il est ensuite admis à l’École normale supérieure, pépinière de la future élite de France. Une brillante carrière scientifique ou intellectuelle s’ouvre donc à lui. Cependant, il sent l’appel à une orientation différente. Il fréquente Alexis-Marin Pinault, sulpicien du séminaire d’Issy-les-Moulineaux, ainsi que brillant scientifique et pédagogue. Ce dernier le confirme dans sa vocation sacerdotale et l’oriente vers la théologie. De 1855 à 1859, Colin étudie à Issy-les-Moulineaux et au séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Ordonné prêtre le 17 décembre 1859, il retourne dans son diocèse à titre de vicaire, puis devient professeur au petit séminaire de Chezal-Benoit. Désireux de servir le Seigneur dans un pays étranger, il entre dans la Compagnie de Saint-Sulpice et fait la solitude (noviciat) à Issy-les-Moulineaux en 1861–1862. Malgré sa santé chancelante, il accepte de partir pour le Bas-Canada.
Vicaire et économe à Notre-Dame-de-Grâce et à Saint-Henri, à Montréal, de 1862 à 1865, Colin est ensuite nommé vicaire à la paroisse Notre-Dame de Montréal. Il s’y distingue comme un prédicateur brillant et un conférencier savant et intéressant. Il connaît un succès remarquable auprès des jeunes et des personnes instruites. Nul autre prêtre n’approche son éloquence et la profondeur de ses propos sur l’histoire de la philosophie. Il s’inspire du philosophe Victor Cousin, tandis que ses conférences sur la morale se basent sur les idées d’un autre philosophe français, Jules Simon. À l’automne de 1867, Colin devient directeur du Cercle littéraire, mis sur pied dix ans auparavant dans le but « de répandre, surtout parmi les jeunes gens, l’amour des bons principes et de la saine littérature ». Il oriente les discussions du cercle vers des questions philosophiques et sociales. Ses conférences connaissent un succès considérable. Des raisons de santé, mais sans doute aussi les critiques qu’on formulait dans certains milieux montréalais, notamment chez les jésuites, sur ses maîtres à penser, auraient amené Colin à mettre fin à ses conférences en 1868.
L’année suivante, Colin obtient un congé d’un an pour aller au séminaire sulpicien de Baltimore, au Maryland. Il en profite pour rétablir sa santé et étudier l’anglais. À son retour à Montréal en 1870, on l’affecte au grand séminaire où, pendant près de 11 ans, il enseigne tour à tour le droit canon, la morale, la prédication et le chant.
Après une année au poste d’assistant du supérieur de Saint-Sulpice, Joseph-Alexandre Baile*, Colin devient supérieur en 1881. Ce « petit homme vif et mystérieux, autoritaire et diplomate à la fois », s’intéresse au rayonnement de sa communauté et à l’éducation de la jeunesse. Ainsi, il attache son nom à la construction du séminaire de philosophie en 1894 et à l’agrandissement du grand séminaire en 1900. Il travaille aussi à nouer des liens solides et harmonieux avec l’épiscopat montréalais, notamment avec l’archevêque, Édouard-Charles Fabre*.
Avant d’accéder au poste de supérieur, Colin avait été mêlé à la fondation d’une succursale de l’université Laval à Montréal, qui s’était faite dans la controverse en raison de l’ambition qu’entretenait Laval de dominer le milieu universitaire francophone [V. Ignace Bourget* ; Elzéar-Alexandre Taschereau*]. Le grand séminaire de Montréal était devenu en 1878 la faculté de théologie, et Colin en avait été nommé le premier doyen. Au fil des ans, la subordination de la filiale de Montréal à l’université Laval entraîne un certain nombre de problèmes auxquels Colin doit faire face. Il s’efforce donc de rendre la succursale plus autonome. En février 1889, la publication de la bulle Jamdudum par le pape Léon XIII le satisfait. Désormais, le vice-recteur sera désigné par l’épiscopat de la province ecclésiastique de Montréal ; les collèges affiliés à la succursale pourront participer à l’élaboration de certains programmes ; l’école de médecine et de chirurgie deviendra la faculté de médecine [V. Thomas-Edmond d’Odet* d’Orsonnens] et les jésuites bénéficieront d’un statut particulier. Les sulpiciens prennent alors la nouvelle université en main. Ils offrent gratuitement un terrain sur la rue Saint-Denis et avancent 70 000 $ pour la construction d’un immeuble. Les prêtres de Saint-Sulpice, Colin en tête, mettent aussi sur pied la faculté des arts. En 1920, celle-ci reconnaîtra les mérites de Colin en créant un prix qui porte son nom et qui couronne chaque année les succès de deux étudiants aux examens du baccalauréat ès arts.
Colin ne limite pas son action à la province de Québec ou au Canada. Il accepte de participer à la fondation d’un collège canadien à Rome pour la formation théologique des jeunes prêtres. Le projet n’est pas sans présenter des difficultés, mais il reçoit l’appui enthousiaste de l’épiscopat canadien. Colin négocie donc avec les gouvernements canadien et britannique afin d’obtenir l’autorisation d’employer à l’extérieur de la province les biens de Saint-Sulpice. À partir de 1885, il suit très étroitement la construction du collège et assiste à son inauguration en novembre 1888.
Colin, tout diplomate qu’il soit, exerce ses responsabilités avec autorité. Toutefois, à l’exemple de la majorité de ses prédécesseurs [V. Jean-Henry-Auguste Roux*], il accepte difficilement que Saint-Sulpice compte de plus en plus de sujets canadiens. Il préfère recruter ses collaborateurs en France plutôt qu’au Canada.
Louis-Frédéric Colin a souffert de rhumatisme presque toute sa vie. Dans ses dernières années, le mal a entraîné une grave affection du cœur. Il meurt le 27 novembre 1902 à Montréal. Ses obsèques sont l’occasion de manifestations d’une sympathie remarquable. Archevêques, évêques, autorités civiles et nombreux fidèles se réunissent dans l’église Notre-Dame pour lui rendre un dernier hommage. Il est inhumé dans la crypte de la chapelle du grand séminaire. Narcisse-Amable Troie, supérieur de Saint-Sulpice de 1917 à 1919, qui a bien connu Colin, a dit de lui : « M. Colin était un homme de talent, d’une habileté peu commune, un diplomate consommé. Il prenait son temps, il choisissait son moment mais quand il avait fait ses plans, il savait réussir. »
Arch. départementales, Cher (Bourges, France), État civil, Lignières, 14 janv. 1835.— Arch. du séminaire de Saint-Sulpice (Montréal), Carnets de N.-A. Troie, p.s.s. ; Corr. générale, 1670–1920, lettres de H.-J. Icard ; Enseignement, armoire 6, univ. de Montréal ; Hist. et géogr., biogr., divers, 1600–1920, hist. et divers, carton 106.49 ; Séminaire de Saint-Sulpice, règlements, visites, comptes rendus des assemblées, 1657–1900.— Arch. du séminaire de Saint-Sulpice (Paris), Fonds canadien, dossier 121, nos 4–30, 33 ; dossier 126.— Alfred Archambault, « M. Colin et l’Université », Bull. trimestriel des anciens élèves de Saint-Sulpice (Montréal), 8 (1903), no 28 : 146–151.— Émile Boucher, « l’Œuvre sulpicienne de la formation cléricale, les supérieurs du grand séminaire », le Séminaire (Montréal), 22 (1957) : 233–238.— Ferdinand Brunetière, « Un Français au Canada », Bull. trimestriel des anciens élèves de Saint-Sulpice, 8 (1903), no 28 : 151–154.— Jean Dombreval [Henri Gauthier], Archives et Souvenirs (Montréal, 1938), 34–37.— André Lavallée, « les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph et l’École de médecine et de chirurgie dans la querelle universitaire (1843–1891) », l’Hôtel-Dieu de Montréal (1642–1973) (Montréal, 1973), 271–307.— « Nécrologie », Bull. trimestriel des anciens élèves de Saint-Sulpice, 8 (1903), no 28 : 139–146.
Bruno Harel, « COLIN, LOUIS-FRÉDÉRIC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/colin_louis_frederic_13F.html.
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Auteur de l'article: | Bruno Harel |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
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