BAILE (Bayle), JOSEPH-ALEXANDRE, prêtre, sulpicien, né à Saint-Genest de Bauzon, Ardèche, France, le 19 avril 1801, décédé à Montréal, le 31 juillet 1888.

Après des études chez les basiliens, Joseph-Alexandre Baile entre chez les sulpiciens, à la Solitude d’Issy-les-Moulineaux, Hauts-de-Seine, France, en 1823. Deux ans plus tard, il est envoyé au Canada « Je savais à peine, dira-t-il plus tard, dans quelle partie du monde était le pays dont il s’agissait. » Ordonné prêtre le 1er octobre 1826, il enseigne la rhétorique au petit séminaire de Montréal dès 1827.

De 1830 à 1846, Baile occupe le poste de directeur du collège. Pendant cette période agitée, il ressent vivement l’animosité de la population, clergé et laïcs, envers le séminaire et reproche à Joseph-Vincent Quiblier*, supérieur des sulpiciens au Canada, sa timidité face à ce climat hostile. La petite bourgeoisie, éprise de révolution, accuse le collège de faire de la politique, en prêchant « la soumission aveugle aux autorités ». Le directeur défend ses professeurs en alléguant qu’ils ne font qu’enseigner les doctrines de Grégoire XVI et réfuter les démagogues qui osent aller jusqu’aux portes du collège afin d’arracher des signatures pour leurs pétitions révolutionnaires. Il préconise des mesures disciplinaires sévères pour contrer ces abus. Baile reproche en outre à Quiblier son autoritarisme : ce dernier prendrait des décisions concernant le petit séminaire de Montréal sans même consulter le directeur. Découragé, Baile demande à plusieurs reprises de rentrer en France, ce qui lui est refusé. En 1845, l’hostilité à l’égard de Quiblier se généralise, et les autorités ecclésiastiques croient que le départ du supérieur s’impose. Mgr Ignace Bourget presse donc Quiblier de ne pas chercher le renouvellement de son mandat quinquennal. Le 21 avril 1846, Pierre-Louis Billaudèle* est élu supérieur des sulpiciens au Canada.

En 1846, Baile accompagne Mgr Bourget en France pour rendre compte au supérieur général des affaires montréalaises. Il revient au Canada en 1847 et assume la direction du grand séminaire de Montréal, fondé sept ans plus tôt. Pendant les 20 ans de son mandat, Baile imprime fortement l’esprit sulpicien à son séminaire. Il est surtout soucieux de la formation des ecclésiastiques, ayant déjà déploré la multiplicité et la qualité fort inégale des cours de théologie à Montréal et le manque de connaissances théologiques parmi le clergé canadien. Selon lui, les jeunes ecclésiastiques, en majorité très pauvres, considèrent le séminaire comme un pis-aller en attendant un poste plus rémunérateur dans l’enseignement collégial. L’épiscopat encouragerait cette situation lamentable et priverait ainsi ses sujets d’une éducation solide. Baile propose que les séminaristes ne soient admis aux ordres qu’après avoir fait un cours complet de théologie, recommandation que Mgr George Conroy*, délégué apostolique au Canada, fera sienne 30 ans plus tard. Quant à l’enseignement théologique du séminaire, Baile en est très jaloux. Son conservatisme inné se heurte au zèle réformateur de Bourget qui juge les cours trop peu ultramontains ; cependant, Baile refuse toute innovation.

Baile joue un rôle clé dans la question du démembrement de la paroisse Notre-Dame, qui mène le séminaire de Saint-Sulpice à un affrontement majeur avec l’évêque de Montréal. Ce litige, d’abord administratif, ensuite politique et enfin idéologique, se prolongera pendant plus de 15 ans [V. Bourget]. Entre mai 1863 et février 1866, Baile défend presque sans arrêt les intérêts de sa communauté en cour de Rome. Il y soutient le statu quo dans l’administration paroissiale et dans les rapports entre l’évêque et Saint-Sulpice. Baile soupçonne Bourget de vouloir détruire le séminaire pour accaparer ses biens et avertit la Propagande que sa communauté pourrait quitter le Canada si la congrégation changeait l’ordre établi. Rome tranche le différend en décembre 1865 par un décret pontifical qui permet à Bourget de démembrer la paroisse.

Trois mois après, Baile succède à Dominique Granet comme supérieur des sulpiciens au Canada. Il mène alors une lutte acharnée contre les réformes administratives de Bourget. De nouveau à Rome en 1867, il allègue que la division de la paroisse Notre-Dame est contraire à la loi civile. Il défend vigoureusement son droit de présider les assemblées de la fabrique et réaffirme l’inviolabilité des biens sulpiciens. Le séminaire bénéficie de puissants appuis : George-Étienne Cartier*, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, Thomas D’Arcy McGee* et le sénateur Thomas Ryan. Tous défendent les thèses de Baile au Canada et à Rome.

En 1871, Baile propose devant Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau*, délégué apostolique dans ce conflit, un accommodement qui laisserait au séminaire une seule paroisse, dont l’étendue coïnciderait avec le territoire existant de la ville de Montréal et dont la cure reviendrait au supérieur. Mgr Bourget rejette cette solution avec force [V. Joseph Desautels]. Enfin, après une polémique acerbe sur l’indépendance de l’Église canadienne et trois décrets pontificaux, une entente s’établit petit à petit. Le séminaire se soumet au nouveau régime spirituel. Le gouvernement accorde donc un statut civil aux cinq paroisses périphériques, érigées canoniquement par Bourget à la fin de 1867 et dont Saint-Sulpice avait abandonné la cure. L’administration temporelle des quatre autres nouvelles paroisses centrales est confiée aux marguilliers de Notre-Dame. Baile renonce à la présidence de la fabrique. Bourget, de son côté, reconnaît au séminaire ses droits de propriété, mais obtient la jouissance de certains biens sulpiciens en autant qu’ils servent des fins paroissiales. Cependant, la dette de la fabrique demeure un brandon de discorde et elle permet au supérieur de reformuler en 1877, devant Mgr Conroy, le plan qu’il proposait jadis à Mgr Taschereau.

En dépit de ces affrontements déchirants, Baile ne perd jamais l’estime de son ordinaire. Mgr Bourget lui confie la direction spirituelle des Sœurs de la Charité de l’Hôpital Général de Montréal (Sœurs grises) en 1866. Il occupe cette charge pendant sept ans. En outre, l’évêque lui demande souvent de diriger les retraites ecclésiastiques. Il a la réputation de parler simplement, sans artifice et sans recherche littéraire. Avec l’approbation de Bourget, il favorise l’implantation des trappistes à Oka. Baile a l’honneur en 1878 de présider à la fondation de la faculté de théologie de l’université Laval à Montréal. Il prend sa retraite en 1881 et meurt le 31 juillet 1888.

Dans le domaine de l’éducation, l’apport de Baile est incontestable. Il a toujours encouragé ses étudiants laïques et ecclésiastiques à faire de fortes études. Sur le plan administratif, cependant, il était imbu d’un profond conservatisme. Il disait souvent : « Le mieux est l’ennemi du bien. » II préférait la tradition à l’innovation.

Roberto Perin

ACAM, 465.101 ; 468.103 ; RLB, 13–25.— ASSM, 21, Cartons 48–50, 63 ; 24, Dossier 2, Tiroir 71, no 2 ; Tiroir 75, no 3 ; 27, Tiroirs 100–104.— La Minerve, 1er août 1888.— Allaire, Dictionnaire, I.— Louise Dechêne, « Inventaire des documents relatifs à l’histoire du Canada conservés dans les archives de la Compagnie de Saint-Sulpice à Paris », ANQ Rapport, 1969 : 188s.— Henri Gauthier, Sulpitiana ([2e éd.], Montréal, 1926).— Léon Pouliot, « Il y a cent ans : le démembrement de la paroisse Notre-Dame », RHAF, 19 (1965–1966) : 350–383.

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Roberto Perin, « BAILE (Bayle), JOSEPH-ALEXANDRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/baile_joseph_alexandre_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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