CHAMPION, GABRIEL (Gabriel-Antoine), prêtre catholique et professeur, né le 17 décembre 1748 au Ménil-Rainfray, France, fils de Gilles Champion et d’Anne Cordon ; décédé le 18 janvier 1808 à Arichat, Nouvelle-Écosse.
Ordonné prêtre en 1778, Gabriel Champion devint immédiatement vicaire à Notre-Dame de Romagny, en France, d’où, selon son propre témoignage, il fut chassé le 29 mai 1790 « pour avoir refusé de jurer la Constitution du Clergé ordonnée par l’Assemblée nationale ». À partir de ce moment, il remplit la charge d’aumônier auprès des religieuses bernardines de l’Abbaye-Blanche de Mortain, jusqu’à son expulsion de France le 6 septembre 1792. Il passa en Angleterre, où il demeura jusqu’à son départ pour l’Amérique du Nord en 1800.
Champion comptait parmi les prêtres français que Mgr Jean-François de La Marche, évêque de Saint-Pol-de-Léon, qui était également en exil, recrutait afin de renflouer les effectifs du diocèse de Québec. Depuis la Conquête, celui-ci souffrait d’une grave pénurie de prêtres et, dans les années 1790, leur nombre était devenu insuffisant pour satisfaire aux besoins de la population. Dans un mémoire rédigé en 1790 à l’intention du gouverneur, lord Dorchester [Guy Carleton], Mgr Hubert* attribuait cette insuffisance au retour en France de nombreux prêtres après la Conquête, à la fermeture prolongée du séminaire de Québec, à la dispersion des membres du clergé durant la guerre, à la vacance de six ans au siège épiscopal de Québec [V. Jean-Olivier Briand*] et à la rupture des liens avec la France, source traditionnelle qui alimentait la colonie en prêtres et en missionnaires. Pendant les années qui avaient suivi la Conquête, le gouvernement britannique s’était montré peu enclin à permettre aux prêtres français de venir au Canada, par crainte de voir les habitants nourrir trop d’attachement à leur ancienne mère patrie. Mais cette attitude s’était modifiée après la Révolution française qui avait provoqué l’exil en Grande-Bretagne de milliers de prêtres, dont Champion.
Durant l’hiver de 1800–1801, Champion desservit les Acadiens de la baie de Fortune, dans l’Île-du-Prince-Édouard. L’été suivant, il fut assigné au Cap-Breton avec résidence à Chéticamp ; il devait desservir Magré (Margaree) et la baie de Fortune. Il demeura six ans à Chéticamp, se dépensant sans compter en visites fréquentes et épuisantes auprès de ses ouailles dispersées. De plus, selon toute apparence, il se rendait régulièrement aux îles de la Madeleine, bien que Jacques-Ladislas-Joseph de Calonne* eût été chargé d’apporter les secours de la religion aux habitants de ces îles.
À la fin du carême de 1805, Champion devint soudainement aveugle. Il alla se faire traiter à Halifax, où Edmund Burke (1753–1820), vicaire général de l’évêque de Québec, l’hébergea. Il recouvrit suffisamment la vue pour regagner Chéticamp à l’automne et reprendre son ministère, mais sa santé était ébranlée. En juin 1807, il écrivit des îles de la Madeleine à Mgr Plessis* qu’il était toujours incommodé par la même infirmité, et en plus « par un essoufflement [qui lui] descen[dait] au Cœur [et] presage[ait] probablement une mort prochainne ». En réponse à cette lettre pathétique, Mgr Plessis l’invita à se retirer soit à Halifax, soit à Arichat, ou bien à l’Hôpital Général de Québec ; l’évêque lui promit aussi une pension annuelle de 200 piastres. À l’automne de 1807, n’osant plus rester seul dans ses missions, Champion se fit conduire à Arichat auprès de son confrère François Lejamtel*. Il mourut à cet endroit le 18 janvier 1808. Ce décès « laisse une Vuide, écrivit Burke à l’évêque de Québec, que votre grandeur aura de la peine à remplir ».
Gabriel Champion s’était signalé par sa bonté et son dévouement. Il avait ouvert la première école à Chéticamp, où il était vraisemblablement le seul enseignant. Simple et modeste, il s’était contenté de la chapelle primitive et d’un presbytère misérable. Peu exigeant, il n’était sans doute pas un liturgiste ni un canoniste éminent. À sa mort, l’église et le presbytère n’étaient pas « beaucoup en règle » ; on dut songer à se procurer « les choses nécessaires pour le service Divin », écrivit Lejamtel. Mais Champion avait le cœur large. Il léguait une partie du peu de biens qu’il possédait à l’église et aux pauvres de Chéticamp. Ses paroissiens l’avaient aimé ; en plus de la dîme, ils lui avaient fourni son bois, de la viande au delà de ses besoins « et bien d’autres choses et le tout gratis ». « Ils [le] regrettent beaucoup », écrira Lejamtel à Mgr Plessis. Après la mort de Champion, son confrère Jean-Baptiste Allain visita Chéticamp, mais n’y retourna pas ; la mission tomba sous la responsabilité de Lejamtel. Ce n’est que six ans plus tard que Chéticamp put compter sur la présence d’un autre prêtre, Antoine Manseau*.
AAQ, 310 CN, I : 22 ; 312 CN, III : 94, 100 ; IV : 18 ; V : 7 ; VI : 18, 39, 48, 50, 53 ; VII : 6s.— Allaire, Dictionnaire, 1 : 109.— Tanguay, Répertoire (1893), 165.— Anselme Chiasson, Chéticamp : histoire et traditions acadiennes (Moncton, N.-B., 1961), 113–117.— N.-E. Dionne, Les ecclésiastiques et les royalistes français réfugiés au Canada à l’époque de la révolution, 1791–1802 (Québec, 1905), 296–298.— Johnston, Hist. of Catholic Church in eastern N.S., 1 :185–194, 202, 211, 224, 273.
Anselme Chiasson, « CHAMPION, GABRIEL (Gabriel-Antoine) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/champion_gabriel_5F.html.
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Auteur de l'article: | Anselme Chiasson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
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