CAVELIER, JEAN, prêtre, sulpicien, explorateur, né à Rouen le 27 octobre 1636, fils de Jean Cavelier, mercier grossiste, et de Catherine Geest, frère aîné de Robert Cavelier* de La Salle, décédé à Rouen le 24 novembre 1722.
Jean Cavelier faisait partie d’une riche famille de la haute bourgeoisie de province. Nous n’avons aucun détail sur sa vie jusqu’en 1658, date à laquelle il entra au séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Quatre ans plus tard, il était ordonné prêtre.
Le 7 septembre 1666, en même temps que Dollier de Casson, il arriva à Montréal où il fut vicaire jusqu’en 1676. Cette année-là, un différend l’opposa à un certain Pierre Cavelier ; il tenta de faire saisir la maison et la terre que ce dernier possédait à Montréal. Puis en octobre 1679, se préparant à partir pour la France, il voulut récupérer les avances qu’il avait faites à son frère, Robert Cavelier de La Salle, arrivé en Nouvelle-France depuis 1667. Le Conseil souverain rendit le 30 octobre une sentence qui lui permit d’obtenir une somme assez élevée. Ceci ruina le crédit de La Salle dans la colonie à un point tel qu’il écrivit dans une lettre : « [Jean] a fait [...] tout ce que le plus enragé ennémy pourroit faire ».
Jean Cavelier partit enfin, au mois de novembre, pour la France où il demeura jusqu’en 1684, alors que son frère le choisit comme membre de son expédition vers le Mississipi [V. Douay ; Gravier ; Hennepin]. Bien qu’il ne jouât qu’un rôle très secondaire dans cette expédition, Jean Cavelier nous a laissé un journal écrit quelques années après. Selon Barthélemy*, un de ses compagnons de voyage, il était le souffre-douleur de son frère. En effet, Barthélemy prétend que La Salle le « fit presque mourir de faim [...] ne lui accordant qu’une poignée de farine par jour ». Plusieurs historiens ont qualifié ce récit de ridicule.
Après la mort tragique de La Salle, survenue près d’un affluent de La Trinité le 19 mars 1687, l’abbé Cavelier et les autres compagnons de l’explorateur gagnèrent le fort Saint-Louis-des-Illinois qu’ils atteignirent le 14 septembre suivant. Le sulpicien, cachant la mort de son frère, présenta à Henri Tonty un billet signé par La Salle avant son assassinat, et demanda à Tonty de lui fournir le nécessaire pour subvenir aux frais d’un voyage en France que son frère désirait qu’il fasse. Pour satisfaire à sa demande, Tonty lui donna des fourrures de castor. Le 13 juillet 1688, Jean Cavelier atteignit Montréal. Au lieu de révéler la mort de La Salle, il préféra laisser croire qu’il était toujours vivant. Il nous dit lui-même dans son journal qu’il avait « cache la mort de son frère à mont le gouverneur general du Canada » et qu’il n’avait « garde de la prendre a qui que ce fut ». Ce comportement semble étrange car, si le gouverneur avait connu assez tôt la faillite de l’expédition, il aurait pu faire quelque chose pour sauver les survivants laissés près des bouches du Mississipi. C’est du moins l’opinion que Brisay de Denonville exprimera dans une lettre adressée à Seignelay [Colbert] en janvier 1690. Cavelier semble avoir agi ainsi dans le but de s’approprier les biens dus aux créanciers de son frère reconnu comme insolvable.
Après avoir passé un mois à Montréal où, selon Joutel, auteur de la principale relation de la dernière expédition de La Salle, il s’occupa surtout de négoce, l’abbé se rendit à Québec, puis à l’île Percée où il s’embarqua le 4 septembre 1688 ; il arriva à La Rochelle le 9 octobre. Mais, au lieu d’aller directement à Paris, il préféra faire un pèlerinage à Saumur, puis au Mont-Saint-Michel et ensuite se rendre à Rouen. Ce n’est qu’au début de décembre qu’il rencontra Seignelay, après que M. Tronson, son supérieur, l’eut pressé de faire son rapport au ministre.
Par la suite, Cavelier se désintéressa totalement de l’expédition du Mississipi, comme en témoigne une lettre que Tronson écrivit le 1er juin 1690 à Mgr de Saint-Vallier [La Croix] : « Le dessein de Monsieur Cavelier de fréter un vaisseau a échoué, il est uniquement occupé à Rouen à réparer les débris de ses affaires que des longues absences ont mises dans un triste état ; il est fâcheux de voir un si bon ouvrier passer ainsi une partie de sa vie dans ces sortes d’embarras ».
C’est à cette époque que Cavelier écrivit le journal de l’expédition. Ce texte devait être présenté à Seignelay sans doute en vue d’obtenir quelques avantages pécuniaires et de défendre la mémoire de son frère. C’est ce qui explique le peu de crédibilité qu’on peut accorder à ce document.
Jean Cavelier passa ses derniers jours à Rouen, probablement chez sa nièce, où il mourut riche le 24 novembre 1722.
[Jean Cavelier], The Journal of Jean Cavelier, The account of a survivor of La Salle’s Texas expedition, 1684–1688, traduit et annoté par Jean Delanglez (Chicago, 1938).— Charlevoix, Histoire de la N.-F., II.— Découvertes et établissements des Français (Margry), II, III.— [Henri Joutel], Journal historique du dernier Voyage que feu M. de La Salle fit dans le Golfe de Mexique [...] où l’on voit l’Histoire tragique de sa mort & plusieurs choses curieuses du nouveau monde [...], rédigé et mis en ordre par De Michel (Paris, 1713).— Jug. et délib., II— Le Jeune, Dictionnaire.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III.— Jean Delanglez, The Authorship of the Journal of Jean Cavelier, Mid-America, XXV (1943 ; nouvelle série, XIV) : 220–223.— Mississippi Valley Historical Review, XVII (1930–1931) : 29.
Jean-Guy Pelletier, « CAVELIER, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cavelier_jean_2F.html.
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Auteur de l'article: | Jean-Guy Pelletier |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
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