CARRIER, CHARLES WILLIAM (baptisé Charles-Guillaume), homme d’affaires, né le 20 janvier 1839, à Saint-Henri, Bas-Canada, fils d’Ignace Carrier et de Marie-Louise Dallaire ; le 1er juin 1864, il épousa Henriette, fille de Louis Carrier, marchand et maire de Lévis, Bas-Canada ; décédé le 18 septembre 1887 à Lévis.
Benjamin d’une famille de 14 enfants, Charles William Carrier entra au collège de Lévis en 1853, l’année même de sa fondation [V. Joseph-David Déziel]. En 1855, il devient apprenti dans l’établissement commercial local de Louis Carrier, son futur beau-père. Là, il se trouve dans une situation idéale pour s’initier aux affaires. En 1861, il prend la direction de l’entreprise et, à la suite de son mariage en 1864, en devient le grand patron. Sa réussite en affaires lui permet, la même année, d’accepter la proposition d’un jeune ouvrier, Damase Lebon, dit Laîné, de mettre sur pied une fonderie à Lévis. À l’époque, c’était très audacieux. La guerre de Sécession stimula temporairement la construction de bateaux de bois au moment où naissait la nouvelle industrie de construction de bateaux de fer ailleurs dans le monde. Le boom de la construction de bateaux de bois des années 1862 et 1863 dissimulait le fait que ce type de construction tirait à sa fin. Carrier et Laîné ne furent pas dupes de la situation et sentirent le besoin de mettre sur pied une usine sidérurgique où l’on pourrait fabriquer avec compétence différents produits comme des pompes actionnées à la vapeur ainsi que des machines et des chaudières. Dans ce but, en 1864, ils créèrent la Fonderie canadienne à Lévis qui fut dirigée par la société D. Lainé et Compagnie. Six ans plus tard, à l’arrivée d’un troisième associé, Pierre-Sévère Riverin, la société fut dissoute et remplacée par celle de Carrier, Lainé et Compagnie. Selon le Canadien du 4 novembre 1872, la fonderie occupait une superficie de 13 000 pieds carrés près du débarcadère du traversier Québec-Lévis et comptait déjà plus de 100 employés. Elle bourdonnait d’activité et était en pleine expansion. En plus de fabriquer des appareils ménagers, comme des poêles, et des instruments mécaniques, la compagnie s’était engagée dans la construction, sur une petite échelle, de bateaux, de barges et de traversiers.
En 1873, la fonderie Carrier, Laîné et Compagnie était bien établie et jouissait à juste titre d’une grande renommée. Cette année-là des démarches furent entreprises pour constituer juridiquement la société sous la raison sociale de Quebec Iron Works. Le 22 mai, on lança une souscription publique proposant une compagnie par actions avec un capital de $100 000. Le prospectus contenait des clauses assez extraordinaires dont l’une offrait aux actionnaires un dividende annuel de 8 p. cent pour trois ans avec une garantie personnelle des promoteurs ainsi qu’un programme de sollicitation rapide pour le paiement des actions. La compagnie comptait renouveler ses installations pour suffire aux besoins de matériel lourd suscités par la construction du réseau de chemin de fer qui se développait rapidement dans les environs de Québec et se proposait de s’engager dans la fabrication de produits plus perfectionnés comme les roues, les essieux et les accessoires du matériel roulant des wagons. Il se peut que les investisseurs aient eu des doutes sur les chances qu’avaient les chemins de fer de se développer – c’était l’année du scandale du Pacifique – ou encore sur la capacité des associés de réussir dans une entreprise aussi étendue ; de toute façon, il semble que le projet n’eut pas de suite. En effet, il n’existe aucune preuve qu’une requête ait été présentée à l’Assemblée législative de la province de Québec en vue de constituer juridiquement cette compagnie. Néanmoins, dès 1880, Carrier, Lainé et Compagnie avait ajouté à l’usine un bâtiment de 200 pieds sur 80, destiné à la fabrication de locomotives et d’autres types de machines. L’année suivante, la compagnie signait un contrat avec l’Intercolonial pour la construction de 100 wagons de chemin de fer.
Carrier était un employeur de l’ancienne école ayant une attitude paternaliste vis-à-vis de ses employés. Il a donné un nouveau souffle à Lévis au moment où les chantiers maritimes commençaient à décliner. Il mit sur pied des programmes de formation pour ses employés dans le domaine de l’industrie du fer. C’est dans ce but qu’il avait fait venir d’Europe des spécialistes français et belges au courant des dernières innovations technologiques en métallurgie. Il fit aussi tout en son pouvoir pour assurer à son entreprise la meilleure ambiance possible. Il participa à la création de différents organismes pour le progrès de l’industrie locale : il fut un des fondateurs de la Société de construction permanente de Lévis en 1869, président de la Chambre de commerce de la ville de Lévis en 1873, membre du conseil d’administration de la Société de prêts et de placements de Québec en 1878 et président du Conseil des arts et manufactures de la province de Québec de 1882 à 1887. Ce conseil, créé en 1857, était mandaté pour établir des écoles techniques dans les principaux centres industriels de la province ; grâce aux pressions exercées par Carrier, la ville de Lévis se vit doter d’une école technique en 1873. Il donna aussi son appui à d’autres projets reliés au développement de Lévis. Ainsi, en 1877, il comptait parmi les actionnaires de la Compagnie du chemin à lisses de Lévis à Kennebec [V. Louis-Napoléon Larochelle] et, en 1881, parmi ceux de la Compagnie de téléphone de Québec et Lévis. Constamment à l’affût de nouveaux projets, il devint administrateur de la Compagnie du chemin de fer de la rive nord en 1882.
En 1886, Carrier fut atteint de tuberculose et, pendant l’hiver de 1886–1887, il se rendit en Californie dans l’espoir d’y trouver la guérison. Son voyage fut sans succès et il revint mourir à Lévis. En témoignage d’appréciation à cet homme qui s’était tellement dévoué pour le bien-être de ses concitoyens, il eut des funérailles auxquelles assista une foule imposante comme il s’en était rarement vue à Lévis. Des gens de toutes les classes de la société vinrent rendre hommage à celui qui avait assuré à Lévis son dynamisme et sa prospérité au cours des années 1870 et au début des années 1880, tandis que d’autres villes subissaient la dépression et le chômage. Un seul parmi ses trois fils, Charles-Henri, continua l’œuvre de son père dans la fonderie. Enfin, en 1908, l’entreprise Carrier, Laîné et Compagnie fut vendue à la Banque de Montréal pour la somme de $380 000.
ANQ-Q, État civil, Catholiques, Notre-Dame (Lévis), 1er juin 1864 ;Saint-Henri, 21 janv. 1839.— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 8.— Le Canadien, 4 nov. 1872.— Morning Chronicle (Québec), 27 mai 1873.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), II.— P.-G. Roy, Dates lévisiennes (12 vol., Lévis, Québec, 1932–1940), I–III.— Gervais, « L’expansion du réseau ferroviaire québécois ».— P.-G. Roy, « Un industriel canadien-français Charles-William Carrier », Cahiers des Dix, 13 (1948) 187–223.
Kenneth S. Mackenzie, « CARRIER, CHARLES WILLIAM (baptisé Charles-Guillaume) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/carrier_charles_william_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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