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CARFAGNINI, ENRICO, père franciscain, éducateur et évêque, né le 23 mars 1823 à Aversa (Italie), fils de Liborio Carfagnini et d’Ascenza Ciancarelli ; décédé au même endroit le 2 décembre 1904.
Enrico Carfagnini entra au couvent franciscain de Saint-Martin à Magliano de Marsi en 1838 et prononça ses vœux de frère mineur le 21 juillet de l’année suivante. Il fut ordonné prêtre le 19 novembre 1846 après avoir étudié la théologie aux monastères de Raiano et de Scanno. Il enseigna la philosophie et la théologie à Raiano, Rome et Penne, puis, à compter de 1854, au collège Saint-Isidore à Rome. C’est dans ce collège franciscain irlandais qu’il rencontra l’évêque de Terre-Neuve, John Thomas Mullock*, qui lui offrit la direction du futur séminaire de St John’s, le St Bonaventure’s College. Carfagnini débarqua dans la colonie en 1856.
Bien qu’il ait été à la fois administrateur du collège et professeur de philosophie et de théologie, Carfagnini demeura assez distant avec les élèves. Selon des documents soumis à Rome dans les années 1870 par le clergé de Harbour Grace, il semble qu’il fut congédié et suspendu en tant que prêtre à la suite de frictions avec Mullock. On ne connaît pas la querelle en détail, mais elle avait peut-être éclaté parce qu’on avait décidé d’admettre des protestants au collège en 1863. Tout au long de son séjour à Terre-Neuve, Carfagnini s’opposa aux établissements « mixtes ». Il n’approuvait pas non plus que les élèves du St Bonaventure’s College aillent étudier au collège Saint-Isidore plutôt qu’au Collège pontifical de la propagation de la foi.
En 1864, Carfagnini supervisa la construction de la cathédrale de Harbour Grace pour Mgr John Dalton*. À la mort de l’évêque, cinq ans plus tard, ce fut lui qui prit la succession. Il fut sacré à Rome le 22 mai 1870. Son élection avait surpris le clergé et les fidèles de Harbour Grace, qui n’avaient pas été consultés. Sa candidature avait été appuyée seulement par une lettre de Bernard Duffy, missionnaire de longue date, qui l’avait recommandé surtout en raison de ses états de service au St Bonaventure’s College et de sa qualité de bâtisseur de la cathédrale de Harbour Grace. Carfagnini n’avait jamais été prêtre missionnaire régulier dans le diocèse et avait regagné l’Italie à la mort de Dalton, après un violent différend d’ordre financier. John Walsh, l’administrateur diocésain, s’était plaint à Rome de son « total irrespect pour l’autorité » et de sa maîtrise insuffisante de l’anglais parlé.
Tout au long de son épiscopat, Carfagnini se disputa avec le clergé et les fidèles du diocèse, notamment au sujet de la Benevolent Irish Society. Établie à Harbour Grace depuis 1814, cette association de bénévoles avait déjà subi les foudres de Carfagnini du temps où il était prêtre dans cette ville. Officiellement non confessionnelle mais presque exclusivement catholique, elle avait amassé de fortes sommes au bénéfice des pauvres et des nécessiteux de la baie Conception. Son statut civil la soustrayait à l’autorité de l’évêque et ses activités de bienfaisance lui donnaient un pouvoir considérable. Aux yeux de Carfagnini, pareille organisation était aussi condamnable qu’une société anticatholique ou secrète. Influencé par le modèle latin de gouvernement ecclésial, qui était strictement autocratique, plutôt que par la tradition de participation des immigrants irlandais, il n’entendait nullement partager son pouvoir et son prestige avec des organisations laïques et détestait particulièrement voir la Benevolent Irish Society aux obsèques de ses membres et aux processions publiques. Les amis de l’association ne cessaient d’affirmer leur fidélité à l’Église. Ils faisaient valoir que les associations de bénévoles administrées par des laïques et regroupant des gens de même métier, de même ethnie et de même religion étaient un trait de la société nord-américaine et ne constituaient pas une menace pour l’Église. Au contraire, en liant religion et nationalité, la Benevolent Irish Society jouait un rôle positif dans la communauté.
Le conflit culmina en un anathème solennel : en 1874, le dimanche de la Passion, l’évêque déclara en la cathédrale de Harbour Grace que les membres de l’association n’auraient plus droit aux sacrements ni à la sépulture catholique. Les prêtres qui soutenaient la Benevolent Irish Society étaient suspendus. On forma une deuxième association de bénévoles, exclusivement catholique, fidèle à l’évêque et aux quelques membres du clergé qui l’appuyaient, ce qui n’alla pas sans créer des dissensions dans le diocèse. Pendant la querelle, l’évêque et son chanoine, Diomede Falconio, avaient aussi tenté de rallier les diocésains à la Total Abstinence and Benefit Society, organisation laïque plus maniable, entièrement catholique, fondée par Carfagnini en 1868 et dirigée subséquemment par Falconio. Le conflit de Harbour Grace n’était pas sans rappeler celui qu’avait vécu plus tôt dans le siècle l’évêque Michael Anthony Fleming*, qui avait dû mener une longue lutte avant de réussir à affirmer son autorité sur l’orphelinat non confessionnel tenu par la Benevolent Irish Society de St John’s. Carfagnini ne fut pas aussi heureux que Fleming : en 1875, Rome conclut que la Benevolent Irish Society était bien une association civile, donc qu’elle échappait au pouvoir épiscopal.
Carfagnini en avait également contre la présence des Sisters of the Presentation of the Blessed Virgin Mary à la baie Conception [V. Mlle Kirwan*, dite sœur Mary Bernard]. Mgr Mullock avait fait venir des membres de cette communauté irlandaise à Harbour Grace en 1851. Son but était de renforcer la position du catholicisme en créant ce que Mgr Fleming avait appelé un jour une « race de mères [catholiques] ». Les religieuses enseignaient aux filles du lieu et commencèrent à donner des cours aux adultes le dimanche. Au moment de l’arrivée de Carfagnini, elles étaient solidement implantées dans la baie. Le missionnaire Charles Dalton* les avait rendues financièrement indépendantes en leur léguant une maison et une ferme de 23 acres. Pour l’évêque Carfagnini, la présence des sœurs dans le diocèse était un autre exemple de l’indépendance des irlando-catholiques face au pouvoir épiscopal. En imposant le père Falconio comme confesseur à leur couvent de Harbour Grace, il ne fit qu’exacerber les tensions. Il tenta à plusieurs reprises de chasser les religieuses de la baie et d’affaiblir ainsi l’élément irlandais du diocèse. La supérieure, sœur Mary Xavierus Lynch, plaça le couvent sous la protection de son frère James Lynch, évêque coadjuteur de Kildare en Irlande.
Carfagnini ne parvint pas davantage à mettre la main sur la succession de son prédécesseur, qu’administrait son adversaire John Walsh. Dans l’espoir d’améliorer sa situation financière, il perçut sur la côte française les cotisations qui allaient auparavant remplir les coffres de Tilting Harbour et sépara de cette paroisse, au détriment de James Brown, qui en était le curé depuis longtemps, la région de Fortune Harbour, où abondaient les richesses naturelles.
La sévérité et l’autoritarisme des mesures de Carfagnini peuvent s’expliquer en partie par l’isolement dans lequel il était par rapport au clergé irlandais et local. Son compatriote italien Falconio, William Veitch, prêtre dont la formation théologique était rudimentaire, et le révérend E. F. Walsh, neveu de Bernard Duffy, étaient à peu près les seuls à le soutenir. La démission et la suspension des prêtres demeurés fidèles à la Benevolent Irish Society ne firent qu’envenimer les relations au sein de la communauté et renforcer les pressions qui s’exerçaient contre lui à Rome. Il avait aussi des adversaires ailleurs : la Benevolent Irish Society de St John’s ; l’évêque Thomas Joseph Power*, mécontent parce que Rome avait réaffecté deux paroisses de St John’s au diocèse de Harbour Grace, et presque tout son clergé ; Paul Cullen, cardinal de Dublin, et d’autres évêques irlandais qui étaient liés aux prêtres ou religieuses touchés par les actes de Carfagnini ; et même des membres du collège Saint-Isidore.
En 1875, des déclarations publiques de Falconio et de Power révélèrent que Rome avait ordonné à Carfagnini de révoquer l’anathème prononcé contre la Benevolent Irish Society et de quitter Terre-Neuve deux ans plus tard Si la Propagande n’était pas intervenue pour sauver les apparences, il serait peut-être effectivement parti en 1877, ce qui aurait épargné bien d’autres conflits au diocèse. Des gens de l’extérieur tels Power, John Cameron, l’évêque d’Arichat en Nouvelle-Écosse, et George Conroy*, le délégué apostolique au Canada, firent de nombreuses tentatives de médiation, mais sans succès. En 1879, Carfagnini se disputait à nouveau avec la Benevolent Irish Society, les religieuses et le clergé. Le 4 avril, la Propagande exigea sa démission. Il la remit le mois suivant.
Évêque de Gallipoli en Italie à compter du 27 février 1880, Enrico Carfagnini chercha encore à exercer de l’influence sur Harbour Grace par l’intermédiaire de la Propagande et de Diomede Falconio, devenu administrateur du diocèse. Il quitta son siège italien avec la dignité d’archevêque en 1898 et vécut ensuite à Sulmona et à Rome. Il mourut six ans plus tard dans sa ville natale, Aversa, en rendant visite à son neveu.
II existe de nombreux documents sur Enrico Carfagnini disséminés dans plusieurs collections aux Arch. of the Archdiocese of St John’s : James Brown, lettres à Rome, 1878–1879, et à Carfagnini, 17 sept. 1879 ; papiers Carfagnini, dont un reçu pour John Walsh, administrateur de la succession Dalton, 20 déc. 1870, directives en latin au clergé de Harbour Grace, 1er janv. 1871, Carfagnini à Walsh, 13 juill. 1871, Carfagnini à Brown, 14 août 1879, décrétale concernant Tilton (Tilting) Harbour, 16 août 1879, et lettre pastorale à titre d’évêque de Gallipoli, fêtes des saints Pierre et Paul, 1880 ; coupures de journaux et articles concernant Carfagnini ; papiers Mullock, en particulier Mullock à Connolly, 27 mai 1856, Mackinnon à Mullock, 21 mai 1858, et le journal personnel de Mullock, 1857–1858 ; papiers Power, en particulier un journal personnel, 8 avril 1878 ; protestation du clergé de Harbour Grace envoyée à Rome, 18 mai 1876 ; John Walsh, lettre à Rome, 28 déc. 1876, et transcription d’un extrait d’un sermon prononcé par Diomede Falconio, 4 août 1878.
Il y a aussi plusieurs dossiers sur l’épiscopat de Carfagnini aux Arch. of the Diocese of Grand Falls, T.-N. : Benevolent Irish Soc., 1873–1876 ; BIS. docs., 1876 ; Boundaries – Tilton parish and Fortune Harbour ; dossier d’information sur Carfagnini, 1870–1880, et une lettre pastorale, 1879 ; correspondance envoyée de Québec à l’évêque de Harbour Grace et à John Walsh ; correspondance (personnelle) ; et successions et testaments.
Archivio della Propaganda Fide (Rome), Acta, vol. 236, 238, 240–241, 243, 249 ; Lettere e decreti della Sacra Congregazione e biglietti di Monsignore Segretario, vol. 361, 363–367, 369–376 ; Scritture originali riferite nelle Congregazioni generali, vol. 997, 999, 1001–1002, 1013 ; Scritture riferite nei Congressi, America settentrionale, vol. 7–9, 11–12, 14–15, 17–21, 23 ; Udienze di Nostro Signore, 177 : ff.228–229.— Archivio Segreto Vaticano (Rome), Processus Consistoriales, 281 (1880) : ff.260–265 ; Processus Datariæ, 242 (1880) : ff.255–270 ; Segreteria dei Brevi, 5494 (1870) : ff.3–9 ; 6120 (1880) : ff.43–47 ; 6128 (1897) : ff.164–168 ; Segreteria di Stato, 1897, rubrica 165, fasc.3 : f.116.— Benevolent Irish Soc. (St John’s), Minutes, 1857–75 (mfm aux PANL).
Adelphian ([St John’s]), 4 (1907) : 5–8, 12s.— A history of the Roman Catholic Church in Harbour Grace, R. J. Connolly, compil. (St John’s, 1986), 42–71.— Centenary of the diocese of Harbor Grace, [1856]–1956, [R. J. Connolly, compil.] ([St John’s, 1956]).— Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John’s, Newfoundland, 1806–1906 (Cork, [république d’Irlande, 1906 ?]), 133s.— DNLB (Cuff et al.).— Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.).— Evêques catholiques du Canada, 1658–1979, André Chapeau et al., compil. (Ottawa, 1980).— Diomede Falconio, I Minori Riformati negli Abruzzi (3 vol., Rome, 1913–1914), 1 : 213–227 ; 2 : 81–82, 93, 97, 105, 107, 111 ; 3 : 424–436.— La Gerarchia cattolica (Rome), 1904 : 243.— Hierarchia catholica medii et recentioris œvi [...], Conrad Eubel et al., édit. (8 vol. parus, Regenburg, Allemangne, et Padoue, Italie, 1898– ), 8 : 204, 281, 465.— Paul Cullen and his contemporaries : with their letters from 1820–1902, Peadar MacSuibhne, édit. (5 vol., Naas, république d’Irlande, 1961–1977), 5 : 100.— St John’s Total Abstinence and Benefit Soc., Jubilee volume, 1858–1908 ([St John’s, 1908]), 74s.— N. A. Veitch, « The contribution of the Benevolent Irish Society to education in Newfoundland from 1823 to 1875 » (thèse de m.ed., St Francis Xavier Univ., Antigonish, N.-É., 1965).
Hans Rollmann et Matteo Sanfilippo, « CARFAGNINI, ENRICO », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/carfagnini_enrico_13F.html.
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Auteur de l'article: | Hans Rollmann et Matteo Sanfilippo |
Titre de l'article: | CARFAGNINI, ENRICO |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |