CAMPBELL, sir DONALD, administrateur colonial, né le 3 avril 1800 à Dunstaffnage, Écosse, fils unique d’Angus Campbell et de Lillias Buchanan ; le 21 juin 1825, il épousa Caroline Eliza Plomer, fille de sir William Plomer, et ils eurent quatre fils et une fille ; décédé le 10 octobre 1850 à Charlottetown.
On s’explique mal la nomination de sir Donald Campbell, cet obscur gentilhomme campagnard issu d’une « branche ancienne de la noble maison des Campbell » d’Argyll, au poste de lieutenant-gouverneur de l’Île-du-Prince-Édouard le 20 octobre 1847. Après un bref service dans la cavalerie pendant sa jeunesse et après avoir succédé à son oncle en 1829 à titre de 16e lord de Dunnstaffnage, il connut, semble-t-il, une éclipse. Il était devenu baronnet le 11 mars 1836, mais il n’avait encore aucune expérience de gouvernement et était « un inconnu » pour lord Grey, le secrétaire d’État aux Colonies. Ce dernier choisit Campbell probablement pour deux raisons : sa réputation de whig irréprochable et son empressement à accepter ce poste relativement mal payé. Contrairement à la rumeur qui eut cours par la suite, Campbell n’était pas l’homme désigné par les propriétaires absentéistes (dont l’influence auprès de Grey fut d’ailleurs négligeable) même si, comme tous les autres lieutenants-gouverneurs de l’île, il chercha à protéger leurs intérêts et à empêcher une nouvelle agitation en faveur de l’escheat. Le choix de Campbell n’est pas davantage attribuable à l’influence des trois conservateurs, dont Edward Palmer* et Joseph Pope*, qui se rendirent en délégation à Londres à l’été de 1847 pour demander la destitution de son prédécesseur, sir Henry Vere Huntley*, déjà mal vu de Grey à cause de son esprit partisan et de sa conduite déconcertante. Cette délégation réussit tout de même à persuader le ministère des Colonies de dépêcher Campbell sur-le-champ, et Pope l’accompagna.
La Highland Society accueillit chaleureusement Campbell, premier Highlander à devenir lieutenant-gouverneur de l’île, lorsqu’il entra en fonction le 9 décembre 1847. Sa nomination réjouit également la bureaucratie de l’île, qui avait ardemment souhaité le départ de Huntley et fut vite rassurée de voir que Campbell, s’il était whig, avait néanmoins des tendances conservatrices. Le personnage central de cette bureaucratie, le secrétaire colonial Thomas Heath Haviland*, devint rapidement le conseiller principal du nouveau lieutenant-gouverneur. En 1848, accompagné de Haviland, Campbell parcourut l’île en tous sens pour rassembler des fonds à distribuer aux indigents, dont le nombre s’était multiplié par suite de la perte d’une partie de la récolte de pommes de terre, et pour tenter d’enrayer une épidémie de petite vérole. Il devint le protecteur d’établissements locaux et organisa la plus grande réception qui « ait jamais été donnée à la résidence du gouverneur ». « Véritable fermier », il restaura le jardin de la résidence, que Huntley avait négligé. Il jeta les bases de la Royal Agricultural Society et en présida les réunions dans une tentative, hélas vaine, d’aviver l’intérêt pour le développement agricole. Il était considéré, au moins par la petite élite de l’île, comme un « homme honnête et bien intentionné ».
Au début, même les réformistes approuvèrent la nomination d’un homme qui avait « des principes politiques très voisins des [leurs], puisqu’il était membre du Reform Club d’Angleterre ». Cependant, la popularité de Campbell déclina sérieusement lorsqu’il devint évident qu’il n’accordait à bien dire sa protection que sur recommandation de la vieille bureaucratie. Le 1er février 1848, dans son premier discours à la chambre d’Assemblée, Campbell recommanda une série de réformes qui touchaient l’administration des services postaux, les lois sur l’immigration et les élections, ainsi que les règlements concernant la monnaie locale. On rejeta la plupart de ses propositions, et ses relations avec George Coles*, seul réformiste de l’Assemblée à siéger au Conseil exécutif, tournèrent à l’hostilité presque ouverte. En juin, lorsque survint une vacance au conseil, Campbell s’opposa aux démarches pour y faire entrer James Warburton, autre réformiste désigné par Huntley ; il recommanda plutôt Palmer, qu’il nomma d’ailleurs solliciteur général en septembre de la même année. Coles démissionna alors du conseil et accusa Campbell de « manquer de sincérité » et de céder son autorité « aux fonctionnaires qui l’entouraient ».
Ironie du sort, dans son discours du 1er février, Campbell s’était montré si optimiste au sujet de la situation financière de la colonie que Grey décida d’arrêter les subventions du Parlement britannique ; à la mi-janvier 1849, on l’informa donc que la colonie devrait dorénavant payer elle-même tous les salaires de ses fonctionnaires, sauf celui du lieutenant-gouverneur. Cependant, même avec l’appui de Palmer, tout ce que Campbell obtint de l’Assemblée fut que l’île paie ses fonctionnaires pour un an seulement et à un taux réduit. On rejeta une proposition des réformistes en faveur du gouvernement responsable, mais la majorité conservatrice exigea qu’au moins quatre membres du Conseil exécutif soient responsables devant l’Assemblée et passa outre aux recommandations de Campbell pour que la gestion des dépenses de la voirie soit plus centralisée et qu’un corps de police soit établi à Charlottetown. À la clôture de la session en mai, Campbell admit que les résultats n’étaient « pas très satisfaisants ». En janvier 1850, n’espérant plus un changement d’attitude de la part de l’Assemblée, il procéda à la dissolution du Parlement, mesure qui prit même ses partisans par surprise. Pendant la période qui précéda les élections de février, il aida à répandre la rumeur que l’île pourrait être annexée à la Nouvelle-Écosse si l’Assemblée demeurait récalcitrante.
Les réformistes remportèrent haut la main les élections. À la session de mars, l’Assemblée adopta à 19 contre 5 une motion de censure à l’endroit du Conseil exécutif, qui eut vite fait de démissionner. Campbell rencontra les leaders du parti réformiste, Coles, Warburton et William Swabey*, et leur offrit trois des neuf sièges au conseil en échange d’un compromis sur la longueur de la liste civile. Mais ils exigèrent la mainmise sur la composition du conseil et une liste civile réduite. Campbell prorogea le Parlement jusqu’au 25 avril et, à ce moment, comme les députés réitéraient leurs demandes tout en persistant dans leur refus de voter des subsides, il manifesta sa « désapprobation devant ce manquement prémédité à [leur] fonction législative ». Il prorogea de nouveau la chambre le 1er mai et chercha à suspendre des services publics comme la livraison postale pour laquelle l’Assemblée n’avait rien accordé.
De plus, Campbell demanda à Grey l’autorisation de dissoudre le Parlement à l’automne. Il admettait cependant en privé que le gouvernement responsable serait « sûrement concédé » et il fit appel à Grey pour qu’au moins il modifie le système électoral en portant de 40s à £5 par an le cens électoral des fermiers, afin qu’une classe d’hommes plus respectables soit envoyée à l’Assemblée. En fait, Grey avait déjà rédigé une dépêche qui ordonnait à Campbell d’accorder le gouvernement responsable. On peut penser que Campbell n’aurait pu conclure une entente avec l’Assemblée, puisque les réformistes n’avaient aucune confiance en lui. Il n’eut d’ailleurs pas à essayer, car il mourut le 10 octobre 1850, après « une maladie très longue et très pénible », apparemment un cancer de l’estomac. En attendant l’arrivée de son successeur, sir Alexander Bannerman*, c’est Ambrose Lane* qui administra la colonie.
La plupart des gens de l’île partageaient sans doute l’opinion de l’Examiner, qui refusa de considérer la mort de sir Donald Campbell comme une calamité et condamna son « amour du pouvoir ». Ce verdict est peut-être sévère, mais il est évident que Campbell n’avait pas le tempérament pour bien gouverner la colonie durant cette période préparatoire au gouvernement responsable, et qu’il ne savait trop comment s’y prendre avec une Assemblée élue par le peuple. Au printemps de 1850, il était à couteaux tirés même avec Palmer, qui prétendit plus tard lui avoir souligné « la nécessité d’établir le gouvernement responsable ». Il y a sans doute une grande part de vérité dans le jugement de Charles Wright fils qui, même si Campbell lui était sympathique, trouvait qu’il ressemblait « trop à un laird des Highlands ».
APC, MG 24, B133 : 176–184, 190–218, 221–224, 228–229, 231–237, 250–256 (photocopies, copies aux PAPEI).— Court of the Lord Lyon (Édimbourg), Public reg. of all arms and bearings in Scotland, 4 : fo 6.— GRO (Édimbourg), Kilmore and Kilbride, reg. of births and baptisms, 3, 16 avril 1800.— Musée du N.-B., Jarvis family papers, E. J. Jarvis à William Jarvis, 14 févr. 1848 ; Mme William Jarvis à Jane Boyd, 16 janv. 1849.— PAPEI, Acc. 2918/3.— PRO, CO 226/71–79 ; 227/9–10.— [H. G. Grey, 3e] comte Grey, The colonial policy of Lord John Russell’s administration (2e éd., 2 vol., Londres, 1853), 1 : 349.— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1848–1850.— Examiner (Charlottetown), 1847–1850.— Islander, 1847–1850.— Royal Gazette (Charlottetown), 1847–1850.— A memorial history of the Campbells of Melfort, Argyllshire [...], M. O. Campbell, compil. (Londres, 1882), 81.— Burke’s landed gentry (1965–1972).— G.-B., WO, Army list, 1819 ; 1824.— Buckner, Transition to responsible government, 319–320.— Duncan Campbell, History of Prince Edward Island (Charlottetown, 1875 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972), 107–108.— W. R. Livingston, Responsible government in Prince Edward Island : a triumph of self-government under the crown (Iowa City, 1931), 24, 31 et suivantes.— MacKinnon, Government of P.E.I., 66–67, 83–84.— W. E. MacKinnon, The life of the party : a history of the Liberal party in Prince Edward Island (Summerside, Î.-P.-É., 1973), 19–21.
Phillip Buckner, « CAMPBELL, sir DONALD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_donald_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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