CAMPBELL, ALEXANDER, (baptisé Alexander Colvin), homme d’affaires, officier de milice, juge de paix, juge, homme politique et fonctionnaire, baptisé le 9 février 1795 à Pictou, Nouvelle-Écosse, fils de William Campbell et de Margaret Henderson ; le 10 mars 1825, il épousa Mary Archibald, et ils eurent quatre fils et quatre filles ; décédé le 13 avril 1854 à Tatamagouche, Nouvelle-Écosse.
Alexander Campbell commença sa carrière au service d’Edward Mortimer* à Pictou. Après la mort de ce dernier en 1819, Campbell continua de travailler pour la compagnie de William Mortimer, neveu d’Edward, et de George Smith. Aux environs de 1823, il alla habiter Tatamagouche afin de s’occuper des contrats passés entre la firme de bois de charpente qu’il représentait et les moulins exploités par Wellwood Waugh*. L’année suivante, la Mortimer, Smith and Company se lança dans la construction de navires à Tatamagouche et c’est Campbell qui fut chargé de surveiller la construction du schooner Elizabeth, bâtiment de 91 tonneaux. En 1826, la compagnie prit de l’expansion et un nouveau tournant lorsqu’elle construisit le brick Devon, jaugeant 281 tonneaux, en comptant pouvoir le vendre en Grande-Bretagne. Bien que des petits caboteurs aient été construits à cet endroit depuis au moins 1804, la mise en chantier du Devon marqua le début d’une industrie qui allait être l’assise économique de Tatamagouche pendant une cinquantaine d’années.
Quelque temps après la construction en 1827 du brick Mary, bateau de 133 tonneaux, Campbell quitta la Mortimer, Smith and Company, pour se lancer lui aussi dans la construction de navires. À partir de 1831, plusieurs bâtiments, à la construction desquels Campbell fut probablement mêlé, furent immatriculés aux noms de ses frères James et William, mais, à compter de 1834, l’immatriculation fut au nom d’Alexander. Ce dernier continua de travailler à l’occasion avec ses frères et, plus tard, avec son neveu John Millar. L’irréductible ambition d’Alexander fut apparemment un obstacle à de longues et harmonieuses associations, mais néanmoins il devint rapidement le constructeur le plus productif de l’endroit et le seul qui se soit attaqué avec succès au marché aléatoire d’outre-mer.
Bien que Campbell se soit engagé dans des opérations commerciales fort risquées, il se vit néanmoins obligé d’assurer la continuité de la vie économique à Tatamagouche. Après l’ouverture de nouvelles installations sur la rivière French vers 1840, le chantier, qui employait souvent de 200 à 300 ouvriers, devint la principale force économique de Tatamagouche. Habituellement, Campbell ne payait pas de salaires proprement dits et maîtrisait totalement sa main-d’œuvre par le truchement d’un système de troc en vigueur au magasin de la compagnie ; cependant, ses nombreux employés ne souhaitaient aucunement, à une époque de récession agricole, retourner à leurs fermes qui n’étaient guère productives. En plus d’avoir construit quelque 90 navires pendant sa vie, Campbell établit une scierie, un moulin à farine, un four à sécher l’avoine et un magasin qui vinrent se greffer à son entreprise principale.
Campbell passait pour un entrepreneur prospère, il habitait une élégante demeure tenue par des domestiques et était un homme en vue dans la communauté, mais sa situation financière ne fut jamais assurée. Sa principale difficulté venait de l’insuffisance de capitaux. Le financement requis pour la construction des navires provenait d’acheteurs éventuels d’Angleterre et, parfois, de Halifax, de Pictou et de Charlottetown, les remboursements étant subordonnés au succès des ventes. On pouvait se procurer dans la région le bois utilisé pour les coques des navires ainsi qu’une main-d’œuvre abondante, mais il fallait acheter ailleurs et payer fort cher les voiles et les agrès. Les frais de courtage et les intérêts étaient élevés, la demande pour certains types de bâtiments fluctuait et le produit qui sortait du chantier naval n’était pas toujours de très bonne qualité. Campbell frôlait continuellement la débâcle financière, mais il réussit à se maintenir à flot, même pendant les années qui furent témoins de la ruine d’autres constructeurs. Quand il faisait des profits, il était tenté de prendre sa retraite, mais les responsabilités économiques le contraignaient à poursuivre son activité professionnelle.
On eut vite fait de reconnaître la compétence de Campbell ainsi que le rôle important qu’il jouait au sein de la communauté. Il fut nommé juge de paix en 1826 et servit dans la milice locale à titre de capitaine en 1823 et de major en second en 1829. En 1837, on le nomma juge de la Cour inférieure des plaids communs du comté de Colchester, fonction qu’il exerça avec compétence d’après ses concitoyens, et il entra au Conseil législatif à Halifax l’année suivante. Il servit aussi de custos rotulorum du comté de Colchester à partir de 1848, fut nommé commissaire d’écoles du district de Stirling en 1850 et se révéla un énergique défenseur de la congrégation presbytérienne scissionniste de la région. De plus, il agit à titre de représentant à Tatamagouche de la succession de Joseph Frederick Wallet DesBarres* et profita de cette fonction pour se constituer progressivement un portefeuille des meilleures propriétés de la ville.
II était inévitable que la place importante occupée par Campbell et sa force de caractère finissent par susciter la dissension dans la communauté. À partir de 1840, Campbell prit parti contre le révérend Hugh Ross dans une controverse au sein de la congrégation au sujet d’une interprétation doctrinale ; ce conflit se prolongea jusqu’à opposer les deux hommes lors de l’élection partielle tenue l’année suivante dans la circonscription de Colchester. À cette occasion, Campbell appuya énergiquement le candidat libéral Thomas Dickson et assura la victoire de ce dernier en se montrant au bureau de scrutin. Ross, qui ne manifesta pas sa présence et qui s’abstint de voter, mais qui soutint le candidat conservateur, dénonça avec aigreur « l’infâme perversité [...] d’une scène aussi corrompue » et se répandit en invectives contre l’intervention de celui qu’il appela « Baillie Bottle Nose ». Ross fut chassé de Tatamagouche en 1842 après avoir été brûlé en effigie, une affaire à laquelle Campbell est censé, encore une fois, avoir pris part.
Même si de tels gestes étaient suscités par de fermes convictions politiques et religieuses, ils contribuèrent peu à rehausser la réputation d’Alexander Campbell. À sa mort survenue subitement en 1854, il laissa le souvenir d’un homme compétent, énergique et honnête. Selon l’auteur Israel Longworth, il « était bon et loyal, et bien des jeunes gens béniss[aient] sa mémoire pour ses paroles d’encouragement et ses gestes de véritable générosité ». Cependant, un jeune résident de Tatamagouche le qualifia de « vieux bougre grincheux », et l’on reconnaissait que rares étaient ceux qui pouvaient lui tenir tête, car Campbell était autoritaire et ne supportait pas qu’on lui fasse opposition. Sa mort marqua la fin d’une époque à Tatamagouche, parce qu’il était considéré dans la région comme le père de la construction navale et la pierre d’assise de l’économie. Le règlement de sa succession fut long et ardu, et bien que ses fils David et Archibald aient sauvé le chantier et continué à construire des navires jusque dans les années 1880, le déclin de la navigation à voile les empêcha d’obtenir de véritables succès dans l’exploitation de leur entreprise.
Colchester County Court of Probate (Truro, N.-É.), Estate papers, n° 416 (mfm aux PANS).— PANS, MG 4, James Presbyterian Church (New Glasgow, N.-É.), reg. of baptisms, 9 févr. 1795 (mfm) ; RG 1, 174 : 126 ; 175 : 49, 66–70, 362 ; 176 : 11 ; 2142F : 189 ; RG 22, 26 :299, 354.— Univ. of King’s College Library (Halifax), Israel Longworth, « A history of the county of Colchester » (ms., 2 part., Truro, 1866–1878 ; copie dactylographiée aux PANS), part. 1.— Presbyterian Witness, and Evangelical Advocate (Halifax), 7 (1854) : 63.— Mechanic and Farmer (Pictou, N.-É.), 17 févr. 1841.— Observer (Pictou), 22 mars, 12, 19 avril, 3, 17 mai, 7 juin 1842.— F. H. Patterson, The days of the ships, Tatamagouche, N.S. (Truro, 1970) ; A history of Tatamagouche, Nova Scotia (Halifax, 1917 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973) ; Tatamagouche, N.S., 1771–1824 (Truro, 1971).
Lois Kathleen Kernaghan, « CAMPBELL, ALEXANDER (baptisé Alexander Colvin) (mort en 1854) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_alexander_8F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
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