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BUNTIN, ALEXANDER, homme d’affaires, né le 21 octobre 1822 à Renton, Dunbartonshire, Écosse, fils d’Alexander Bontine et d’Isabel McLeod ; il épousa Isabella McLaren, et ils eurent au moins quatre filles et un fils ; décédé le 24 mars 1893 à Bath, Angleterre.
Vers l’âge de 15 ans, Alexander Buntin s’embarque pour St John’s, Terre-Neuve, comme apprenti. Il n’aime pas la vie de matelot et décide de venir tenter sa chance à Québec où il entre au service de la McDonald and Logans qui, en plus d’un commerce de papeterie à Québec, exploite une fabrique de papier à Portneuf. Il y fait l’apprentissage du commerce. Par la suite, il se rend à Montréal où il aurait travaillé pour Robert Weir, grossiste en articles de papeterie, puis pour la William Miller and Company, une agence de la McDonald and Logans. À l’automne de 1848, à Hamilton, localité qui émerge comme centre de distribution pour le nord et l’ouest du Haut-Canada, il fonde la Buntin and Company, qui vend du papier et des fournitures de bureau en gros et au détail. Le 1er mai 1852, Buntin forme une coassociation avec son frère James puis, au cours de la même année, revient à Montréal travailler à titre de commis chez la William Miller and Company.
En 1854, William Miller terminait la construction de la Paper Manufactory non loin du canal de Beauharnois, à un endroit qu’il dénomme Valleyfield (Salaberry-de-Valleyfield). Cet établissement ultramoderne, doté d’une machine fourdrinier de 84 pouces de large, entre en activité en avril 1854 ; deux ans plus tard, il emploie 26 hommes et 45 femmes et est évalué à 48 000 $ ou £12 000. Toutefois, à court de liquidités, semble-t-il, Miller vend son commerce de papeterie de Montréal ; de plus, selon l’historien George Carruthers, craignant la faillite, il cède à Buntin pour une somme nominale ses actions dans la manufacture, quitte à reprendre plus tard la haute main, selon des arrangements connus d’eux seuls. Buntin fonde donc, sans doute au printemps de 1854, l’Alexander Buntin and Company. En 1856, toujours selon Carruthers qui n’en fournit cependant pas la preuve, il aurait refusé de rétrocéder les actions de Miller, qui se retire. Il prend alors comme associé son frère, à qui il a vendu l’année précédente sa part dans leur entreprise de Hamilton ; la manufacture sera connue jusque vers 1864 sous le nom de A. and J. Buntin. En 1856 également, les deux frères ouvrent à Toronto un commerce de papeterie en gros et au détail, la Buntin, Brother and Company. Cette expansion tient au fait que la papeterie de Valleyfield n’écoule dans le Bas-Canada que le tiers de sa production annuelle, évaluée cette année-là à 500 tonnes de papier.
En 1861, la mort inopinée de son frère fait d’Alexander Buntin le seul propriétaire de toutes les entreprises, qu’il lui faut alors réorganiser. À Hamilton, il s’associe d’abord avec George Boyd jusqu’en 1865, puis avec David Gillies, un neveu, sous la raison sociale de Buntin, Gillies and Company. À Toronto, il continue en affaires avec Boyd et John Young Reid de 1861 à 1878, puis avec Reid seul de 1878 à 1893 (la compagnie est connue aujourd’hui sous le nom de Buntin Reid Paper). Il demeure toutefois l’unique propriétaire de l’ancienne Paper Manufactory. Pour répondre à la demande croissante du marché intérieur, il améliore l’équipement de son entreprise. Entre 1866 et 1869, il introduit le procédé de la pâte mécanique, mis au point par l’Allemand Heinrich Voelter à partir de l’invention de Friedrich Gottlob Keller, procédé qui nécessite l’utilisation de trois machines : un défibreur, un raffineur, et un classeur fait de cylindres en toile. Mis au courant de l’existence de ce procédé par un périodique spécialisé, Buntin s’est rendu en Allemagne vers 1865 pour constater de visu le fonctionnement de ces appareils et a commandé au moins deux défibreurs qui sont en activité à Valleyfield en 1869. La papeterie consomme des billots d’érable Giguère de huit à dix pouces de diamètre qu’on écorce et qu’on coupe en billes d’un pied. Ce sera une première en Amérique du Nord ! D’autres améliorations suivent : la fabrique en vient à disposer de 3 fourdriniers d’une largeur qui varie de 60 à 84 pouces et d’appareils qui confectionnent quelque 20 000 enveloppes par jour. Vers 1879, elle commence à vendre de la pâte en Angleterre. Jusqu’au milieu des années 1880, la manufacture demeure à la fine pointe de l’industrie papetière. Cependant, en 1891, par suite du manque d’intérêt de Buntin, qui préfère diversifier son capital plutôt que moderniser l’équipement, l’entreprise est en déclin : on évalue son capital fixe à 120 000 $, son actif à 150 000 $ ; son personnel compte 72 employés dont 22 femmes.
Buntin ne gère pas directement sa papeterie. Dès janvier 1857, il en a confié la gérance au papetier d’expérience John Crichton, qui sera remplacé en 1887 par George di Madeiros Loy, un comptable de l’entreprise qui a de solides connaissances en chimie. Des Ecossais presbytériens composent la main-d’œuvre qualifiée et les cadres. L’usine fonctionne jour et nuit, six jours par semaine car, exceptionnellement, à cause d’une tradition établie par le premier gérant, Hugh Wilson, on ne travaille pas le jour du Seigneur. Il semble n’y avoir jamais eu de grève.
Buntin tire de ses entreprises des revenus considérables qu’il place dans des sociétés maritimes. En 1864, il est l’un des fondateurs de la Compagnie de navigation de Beauharnois, Châteauguay et Huntingdon qui dessert les ports intermédiaires entre Cornwall, au Haut-Canada, et Montréal ; la faillite de cette entreprise quelque cinq ans plus tard lui aurait occasionné de lourdes pertes financières. En 1868, il investit dans la Compagnie de commerce maritime du Canada, mieux connue sous le nom de Beaver Line, que mettent sur pied des financiers montréalais sous le leadership de William Murray. L’année suivante, la Beaver Line dispose de six vapeurs qui font la navette entre Montréal et Liverpool, en Angleterre. Elle fera cependant faillite en 1895.
Peu à peu, Buntin s’insère dans l’univers clos de la finance montréalaise. Il gravite autour des frères Mathew Hamilton* et Andrew Frederick* Gault. Avec Mathew Hamilton, il participe en 1871 à la véritable mise sur pied de la Compagnie d’assurance mutuelle sur la vie, de Montréal, dite du Soleil (connue plus tard sous le nom de Sun Life) ; il en serait l’un des principaux actionnaires. Il détient également avec Mathew Hamilton une part importante de la Banque d’échange du Canada fondée en 1872. Mais ses relations avec les Gault ne sont pas au beau fixe. En 1871, ces derniers avaient manœuvré pour faire annuler son élection à la vice-présidence de la Sun Life ; en 1883, à la suite de la faillite de la Banque d’échange du Canada – imprévu qui lui aurait coûté quelque 260 000 $ –, Buntin obtient par personne interposée la démission de Mathew Hamilton Gault à la vice-présidence de la Sun Life. Il aurait en outre refusé de participer à la mise sur pied de la Compagnie des cotons de Montréal, par méfiance à l’égard des machinations des Gault.
L’activité de Buntin dans la finance le tient de plus en plus à distance de son moulin. En 1883, il associe l’un de ses employés, Andrew Boyd, à son commerce de papier sous la raison sociale de Buntin, Boyd and Company. Cinq ans plus tard, Boyd fonde sa propre affaire et Buntin prend comme associé son fils, aussi prénommé Alexander, pour créer la société Alexander Buntin and Son, alors propriétaire de la papeterie et du commerce de papier. Comme sa santé se détériore, sur les conseils de son médecin, il se rend en cure de repos à Bath, en Angleterre, où il meurt le 24 mars 1893. Son testament spécifie que les exécuteurs testamentaires – sa femme, George di Madeiros Loy et George Hyde – devront maintenir l’entreprise de Valleyfield en activité durant sept ans. De fait, acquise par la Compagnie des cotons de Montréal, l’usine produira sa dernière feuille de papier le 23 juillet 1900, avant d’être démolie.
La carrière d’Alexander Buntin illustre le rôle exceptionnel des Écossais dans la construction de l’économie canadienne et comment les relations de clan sont à la base de leurs succès en affaires. Il a laissé l’image d’un entrepreneur audacieux et très fier de sa réussite personnelle. Dans ses mémoires, Adam Brown, de Hamilton, rapporte qu’à un interlocuteur qui le disait « aussi riche que Crésus », Buntin aurait répondu : « Je ne connais pas Crésus mais, pour chacun de ses dollars, j’en mettrai deux. »
Nous remercions Mme Gladys Barbara Pollack et nos collègues Elizabeth Hulse et Robert Lochiel Fraser pour leur collaboration et pour les renseignements qu’ils nous ont fournis. [j. h. et m. p.]
GRO (Édimbourg), Renton, reg. of births and baptisms, 21 oct. 1822.— HPL, Arch. files, Brown-Hendrie papers, reminiscences of Adam Brown.— « Documents inédits : the manufactures of Montreal », RHAF, 6 (1952–1953) 139.— Gazette (Montréal), 25 mars 1893.— Hamilton Evening Times (Hamilton, Ontario), 22 oct. 1866.— Hamilton Gazette, 30 oct. 1848.— Hamilton Spectator, 12 juill. 1851, 25 juin 1855, 21 juin 1864, 16 mai 1884, 24 juill. 1893.— Hamilton Times, 24 mars 1893.— Montreal Daily Witness, 25 août 1900.— Dict. of Toronto printers (Hulse).— Lovell’s historic report of census of Montreal (Montréal, [1891]).— Montreal directory, 1842–1893.— Quebec directory, 1847–1853.— George Carruthers, Paper-making (Toronto, 1947).— Jean Hamelin et Yves Roby, Histoire économique du Québec, 1851–1896 (Montréal, 1971).— Dard Hunter, Papermaking, the history and technique of an ancient craft (éd. abrégée, New York, 1978).— Augustin Leduc, Beauharnois, paroisse Saint-Clément, 1819–1919 ; histoire religieuse, histoire civile ; fêtes du centenaire (Ottawa, 1920).— Esdras Minville, la Forêt (Montréal, 1944).— Joseph Schull, Un astre centenaire : les cent premières années de Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie (Québec, 1971).— « Buntin, Gillies marks centenary in business here », Hamilton Spectator, 14 déc. 1948.— « Firm in business here since 1848 », Hamilton Herald, 29 juin 1927.— « Gillies », Hamilton Spectator, 26 juin 1926.
Jean Hamelin et Michel Paquin, « BUNTIN, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/buntin_alexander_12F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Hamelin et Michel Paquin |
Titre de l'article: | BUNTIN, ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |