BRUNET, dit L’Estang (L’Étang), VÉRONIQUE, dite Sainte-Rose (elle signait Verronique Létant), sœur de la Congrégation de Notre-Dame, supérieure de la communauté (supérieure générale), née le 13 janvier 1726 à Pointe-Claire (Québec), fille de Jean Brunet, dit L’Estang, et de Marguerite Dubois ; décédée le 12 juin 1810 à Montréal.

Véronique Brunet, dit L’Estang, était issue de l’une des huit familles du nom de Brunet qui immigrèrent au Canada pendant la seconde moitié du xviie siècle et dont trois reçurent les surnoms de L’Estang, Bourbonnais et Bellehumeur. Entrée au noviciat de la Congrégation de Notre-Dame à Montréal en 1744, Véronique fit profession deux ans plus tard, sous le nom de sœur Sainte-Rose. Elle alla ensuite comme missionnaire successivement dans la basse ville de Québec, à Pointe-aux-Trembles (Neuville) et à Sainte-Famille, dans l’île d’Orléans. Elle se trouvait de nouveau à Québec au moment de la prise de la ville par les Britanniques en 1759 ; on rapporte qu’on lui conseilla alors « de se tenir cachée, autant que possible, à cause de sa grande beauté et [...] autres grâces extérieures », craignant qu’en circulant comme à l’ordinaire dans la ville elle n’attirât l’attention des étrangers en présence desquels on ne se sentait pas toujours en sécurité.

En 1771, sœur Sainte-Rose fut rappelée à la maison de Montréal pour y remplir la charge d’assistante de la supérieure, Marie-Josèphe Maugue-Garreau*, dite de l’Assomption. L’année suivante, elle devenait supérieure. La communauté se heurtait alors à de nombreux problèmes financiers attribuables surtout aux événements politiques des 20 dernières années et à l’incendie de 1768. S’ingéniant à multiplier les ressources de la communauté, la nouvelle supérieure accrut le nombre des sœurs affectées à la charge de maîtresse des ouvrages lucratifs tels les travaux d’église, le blanchissage de linge, les broderies. Ainsi, en 1773, les sœurs purent profiter de l’installation du collège Saint-Raphaël dans le château de Vaudreuil [V. Jean-Baptiste Curatteau*] pour gagner quelques revenus d’appoint : elles y mastiquèrent la plus grande partie des croisées et confectionnèrent la plupart des aiguillettes que portaient les écoliers.

Les missions aussi subissaient les répercussions des temps difficiles. Ainsi, la mission de Lac-des-Deux-Montagnes (Oka), où les religieuses avaient œuvré jusqu’à la Conquête grâce à une gratification royale annuelle de 3 000#, n’était maintenue, depuis 1760, que par des dons particuliers, notamment ceux du généreux missionnaire François-Auguste Magon* de Terlaye. Sœur Sainte-Rose remédia à ce problème de revenus : le 14 juillet 1772, une convention fut signée avec le séminaire de Saint-Sulpice. En retour de tâches bien précises dont, en premier lieu, l’enseignement dans les écoles de filles de la mission, les sœurs recevraient du séminaire 200 piastres par an et certains biens en nature : la « fleur » et le son de 45 minots de blé, 12 cordes de bois franc ainsi que le foin pour hiverner 2 vaches et le pacage gratuit pendant l’été. La pauvreté de la communauté ne permettait cependant pas à la maison mère d’offrir aux missions un secours financier direct, même dans les situations les plus pénibles. Ainsi, lorsqu’en 1776 les sœurs de la mission de Pointe-aux-Trembles durent faire reconstruire leur couvent, détruit par les troupes américaines dirigées par Benedict Arnold après l’attaque de Québec, elles avouèrent à l’évêque de Québec, Mgr Briand*, qu’elles s’imposaient beaucoup de privations afin de ne rien demander à la communauté « qui se trouvait très gênée elle-même ».

En 1778, au terme de son mandat de supérieure, sœur Sainte-Rose, remplacée par Marie Raizenne, dite Saint-Ignace, fut élue maîtresse des novices ; elle occupa ce poste jusqu’en 1784 au moment où elle redevint supérieure. Cette fois, cependant, la conjoncture de paix était favorable à l’ensemble de la colonie. Comme les élèves pensionnaires revenaient en nombre suffisant à Montréal, la supérieure renvoya, par décision du conseil le 20 septembre 1786, les demi-pensionnaires que la communauté s’était résignée à recevoir en 1771. Soulagée des lourds soucis financiers qui avaient marqué son premier mandat de supérieure, sœur Sainte-Rose s’attarda à clarifier certains points de la règle concernant, entre autres, le vœu de stabilité et le statut des « saeurs des gros ouvrages ». Dans les missions, peu de changements se produisirent. Pourtant, la mission de Lachine, dont le couvent tombait en ruine et où le nombre des élèves était très réduit, fut transférée à Pointe-Claire en 1784. Par contre, la mission de Champlain, près de Trois-Rivières, qui avait déjà été interrompue à trois reprises depuis sa fondation en 1676 et qui se trouvait aux prises avec des problèmes semblables, ferma ses portes définitivement en 1788.

Après avoir laissé la charge de supérieure en 1790, sœur Sainte-Rose devint seconde maîtresse des novices et agit pendant deux ans comme première conseillère. Puis elle s’occupa de l’instruction religieuse des jeunes filles de Montréal qui ne pouvaient, faute de temps et de moyens, fréquenter les classes régulières ; elle participait ainsi aux efforts de la congrégation pour offrir à la population un service « d’éducation des adultes » dont l’enseignement moderne démocratisé voudra s’approprier la création. Vers la fin de sa vie, sœur Sainte-Rose consacra ses énergies à laver et à raccommoder les effets des fines domestiques que la communauté employait à gages médiocres, pourvoyant, en compensation, à leur entretien. C’est ainsi que celle qui avait été à deux reprises supérieure générale de la communauté termina sa longue vie en 1810, après 66 ans à la Congrégation de Notre-Dame.

Andrée Désilets

ANQ-M, CE1-37, 14 janv. 1726.— Arch. de la Congrégation de Notre-Dame (Montréal), Fichier général ; Personnel, V ; Reg. général.— Archange Godbout, « Nos ancêtres au xviie siècle », ANQ Rapport, 1957–1959 : 393.— Tanguay, Dictionnaire, 1 : 94s. ; 2 : 496, 500 ; 5 : 373s.— Lemire-Marsolais et Lambert, Hist. de la CND de Montréal, 5 ; 6 : 205s.— Trudel, L’Église canadienne, 2 : 338, 340, 347.

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Andrée Désilets, « BRUNET, dit L’Estang (L’Étang), VÉRONIQUE, dite Sainte-Rose (Verronique Létant) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brunet_veronique_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    28 novembre 2024