BREW, CHARTRES, commissaire de l’or et juge, né le 31 décembre 1815 à Corofin, comté de Clare (République d’Irlande), fils aîné de l’honorable Tomkins Brew, magistrat « stipendiaire » de Tuam, comté de Galway, décédé le 31 mai 1870 à Richfield, Colombie-Britannique.
À l’âge de 20 ans, Chartres Brew s’engagea dans la Volunteer British Légion qui quitta l’Angleterre en 1835, sous le commandement de George de Lacy Evans, pour aller combattre dans les guerres carlistes. Remis de graves blessures, il entra dans la Royal Irish Constabulary en 1840. Quand éclata la guerre de Crimée, en 1854, il se porta volontaire dans les services de l’Intendance de l’armée et devint, le 1er février 1856, assistant intendant général d’armée. Décoré de la médaille de Crimée avec trois agrafes, il retourna en Irlande pour y servir dans la police et, en 1857, obtint le poste d’inspecteur de police de la ville de Cork.
En août 1858, Brew fut recommandé à sir Edward Bulwer-Lytton, ministre des Colonies, pour le poste d’inspecteur en chef de la police dans la nouvelle colonie aurifère de la Colombie-Britannique, aux appointements de £500. Bulwer-Lytton avait choisi de remettre à des magistrats stipendiaires et à des constables le respect de l’ordre parmi les milliers de mineurs qui affluaient dans les champs aurifères du fleuve Fraser. En tant qu’inspecteur de police, Brew devait collaborer avec le gouverneur James Douglas* à la formation d’une force semblable à la Royal Irish Constabulary. La protection militaire (de même que certaines tâches comme l’arpentage et la construction des routes) devait être assumée dans la colonie par le corps de génie royal aux ordres du colonel Richard Clement Moody*. Brew quitta Southampton le 4 septembre et, après un voyage rempli de vicissitudes, dont un naufrage, il arriva à Victoria le 8 novembre. Il alla immédiatement visiter Langley et les placers de Yale ; à son retour à Victoria il demanda la permission de commencer à exercer les devoirs de sa charge.
Au début, il projetait une police forte de 150 hommes entraînés et équipés sur place, organisée à la manière de l’armée et soumise à un contrôle centralisé. Doutant qu’il fût sage de recruter la police parmi une population de mineurs qui comptait un si grand nombre d’Américains, Douglas demanda que 60 constables irlandais lui fussent envoyés pour constituer un noyau. Or, en janvier 1859, Douglas apprit qu’une grave querelle avait éclaté entre le juge de paix de Hills Bar et le commissaire de l’or de Yale, et qu’à Yale le tristement célèbre Ned McGowan, un individu ayant échappé aux « vigilants » justiciers de la Californie, était à rallier ses affidés contre les autorités constituées. Le 10 janvier, Douglas nomma Brew commissaire principal de l’or et lui ordonna de s’embarquer pour Yale le même jour, en compagnie de trois constables. Quoique l’agitation se fût calmée, Brew recommanda d’y installer un détachement de 20 constables. Ceux qui avaient été recrutés parmi les mineurs par le précédent commissaire de l’or étaient, à ce qu’il rapporta, « presque tous une bande de flâneurs inutiles ». Déjà, il avait réussi à engager comme constables deux jeunes Irlandais, Thomas Elwyn* et John Carmichael Haynes* ; il en ajouta un troisième, William George Cox*. Brew croyait alors que c’était 150 constables irlandais qu’il fallait obtenir pour la colonie, ce pour quoi Douglas fut d’accord. Mais, quand on sut la dépense que cela représentait et qu’on apprit le refus du gouvernement britannique de l’assumer, le projet fut abandonné.
Déçu dans ses attentes, Brew était loin d’être satisfait : ses fonctions restaient toutes théoriques et sa demande d’être indemnisé pour ses dépenses avait été ignorée. À la vérité, Douglas l’avait discrètement intégré dans la magistrature, bien que son mandat comme commissaire principal de l’or fut censé être temporaire. Pendant la saison minière de 1859, Brew se trouva à accomplir les tâches habituelles d’un commissaire de l’or : perception des permis de mineur, enregistrement des claims et règlement des querelles relatives aux placers. Le 23 avril 1859, il demanda d’être relevé de ses fonctions. Douglas, néanmoins, le maintint à Yale jusqu’en mai, alors qu’enfin il le reconnut officiellement comme inspecteur en chef de la police. Malgré le combat que Brew mena jusqu’en octobre pour qu’un corps de police fût organisé dans l’ensemble de la colonie, rien ne fut fait, les magistrats des districts aurifères continuant de choisir leurs propres constables, en n’employant que ceux qui étaient « absolument nécessaires et indispensables ». La situation resta inchangée jusqu’à ce que la crainte d’un soulèvement général des Indiens, au printemps de 1864, amenât le gouverneur Frederick Seymour à centraliser la force policière, à la placer sous son contrôle et à déterminer l’importance numérique de l’institution de la police, laquelle ne devint jamais une force para-militaire ; et, bien que Brew conservât son titre et son salaire d’inspecteur de police, il n’avait juridiction que sur les constables de son propre district.
Mais les capacités de Brew étaient telles qu’il finit par être, pour de multiples tâches, l’homme de confiance de Douglas et plus tard de Seymour. En octobre 1859, il devint juge en chef à New Westminster. Le 1er septembre 1862, en remplacement du capitaine William Driscoll Gosset, il fut nommé trésorier intérimaire de la Colombie-Britannique, poste qu’il conserva pendant deux ans. Après que le colonel Moody eut quitté la colonie, Brew fut pendant six mois commissaire en chef intérimaire des Terres et des Travaux publics. Simultanément, il fut juge de paix et juge de la Cour des petites créances. Il était tout désigné pour siéger au premier Conseil législatif de la colonie, comme du reste il le fit, de 1864 à 1868, en qualité de membre nommé.
On continuait en outre de recourir à l’expérience de Brew dans les domaines judiciaire et policier. C’est à lui et au New Westminster Volunteer Rifle Corps que Seymour, craignant le soulèvement des Indiens après l’attaque de l’inlet de Bute [V. Klatsassin ; Alfred Penderell Waddington*], fit appel en 1864. Brew (accompagné de Seymour) prit la tête d’une expédition, pendant que William George Cox en conduisait une autre, en vue d’appréhender les meurtriers qui s’étaient dispersés dans les plaines de l’intérieur. Le parti de Brew devait franchir les monts Cascade et couvrir 250 milles à pied pour rallier Cox au lac Puntzi. À la mi-août, la capture des Indiens semblait imminente ; Seymour partit, laissant à Brew, « un magistrat expérimenté, un homme d’un caractère et d’un jugement admirables, pleine autorité pour présider une cour de justice dans le pays des Chilcotins ».
En 1867, alors qu’une violente querelle au sujet d’un claim au ruisseau Grouse amena 500 mineurs à défier l’ordonnance du commissaire de l’or, Seymour demanda à Brew « de se charger d’une autre mission extrêmement désagréable, dangereuse et malsaine ». Le 4 septembre, Brew reçut l’ordre de prendre la place du commissaire de l’or Henry Maynard Ball et la direction temporaire de la région de Cariboo. Il accompagna le juge en chef Joseph Needham à Richfield pour enquêter sur la querelle et resta prêt à intervenir après que Needham eut réglé la guerre du ruisseau Grouse en prononçant un verdict en faveur de la compagnie dont on s’était emparé de la concession. En octobre, Brew fut nommé juge à la cour de comté, et, ses dernières années, il les passa comme juge et commissaire de l’or à Richfield, où il manifesta un intérêt scientifique croissant pour les mines et s’acquit par son impartialité l’estime et le respect de l’ensemble des mineurs. Il supervisa la reconstruction de Barkerville après l’incendie de 1868, veillant à en améliorer le tracé et à renforcer les exigences relatives à la sécurité.
En juin 1869, Brew « souffrait de rhumatisme aigu, mal alors très répandu à Cariboo ». En mars 1870, ses comptes relatifs au commissariat de l’or étaient en retard, à cause de sa faiblesse croissante : « Pendant quelques semaines, je n’eus même pas la force de signer mon nom », écrivit-il à Victoria. Après une réclusion de plusieurs mois due à cette douloureuse maladie, il mourut à Richfield le 31 mai 1870. Sur sa tombe, la plaque commémorative porte l’inscription suivante, qui est l’hommage de son ami le juge Matthew Baillie Begbie* : « Un homme d’un courage et d’un caractère imperturbables, doué, pour l’administration, de talents aussi grands que variés, un esprit d’une grande promptitude, un cœur d’une parfaite intégrité et profondément humain. » En 1859, à Yale, après la « guerre de Ned McGowan », 80 mineurs avaient rendu à Brew un hommage tout aussi remarquable, le louant de savoir rendre justice tout en conservant « la bienveillance et le respect de tous ». Brew n’a jamais créé la force policière dont il avait formé le projet, mais Douglas et Seymour le jugeaient sans égal dans les fonctions de commissaire de l’or et de magistrat stipendiaire. Le modèle qu’il établit du commissaire de l’or permit aux Irlandais qu’il attira à ce poste de maintenir la paix dans les champs aurifères, alors que la production était à son apogée, avec un personnel permanent qui ne dépassa pas 18 constables.
La correspondance de Chartres Brew, couvrant la période 1858–1859, a été publiée dans The early history of the Fraser River mines, F. W. Howay, édit. (Victoria, 1926).
PABC, B.C., Colonial Secretary, correspondence outward, janv. 1867–déc. 1870 ; Gold Commissioner, Cariboo, correspondence outward, 11 déc. 1866–15 août 1870 ; Governor, despatches to London, 1858–1863, 1863–1867, 1864–1867, 1868–1869 ; Lands and Works Dept., correspondence outward, août 1861–mai 1865 ; Colonial correspondence, Chartres Brew correspondence ; G.B., Colonial Office, despatches to B. C., no 11, 2 sept. 1859, enclosure, Chartres Brew, testimonials ; Miscellaneous papers relating to Chartres Brew ; O’Reilly coll., Chartres Brew, Diary excerpt, 26 août–1er sept. 1858 ; letter to Capt. Travaillot, 19 janv. 1859.— PRO, CO 60.— C.-B., Législative Council, Journals, 1864–1869.— G.-B., Parl., Command paper, 1859 (2nd session), XXII, [2 578] : pp.297–403, British Columbia : papers relative to the affairs of British Columbia, part II [...].— British Colonist (Victoria), 10 juin 1865.— Cariboo Sentinel (Barkerville, C.-B.), 4 juin 1870, 21 sept. 1872.— F. J. Hatch, The British Columbia police, 1858–1871 (thèse de m.a., University of British Columbia, Vancouver, 1955).— E. S. Hewlett, The Chilcotin uprising : a study of Indian-white relations in nineteenth century British Columbia (thèse de m.a., University of British Columbia, 1972).— M. A. Ormsby, Some Irish figures in colonial days, BCHQ, XIV (1950) : 61–82.
Margaret A. Ormsby, « BREW, CHARTRES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brew_chartres_9F.html.
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Auteur de l'article: | Margaret A. Ormsby |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
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