KLATSASSIN (Klatsassan, Klattasine), chef chilcotin, exécuté le 26 octobre 1864 à Quesnellemouth (Quesnel), Colombie-Britannique ; deux femmes et plusieurs enfants lui survivaient.
Les Chilcotins étaient une tribu semi-nomade de la Colombie-Britannique qui s’adonnait à la chasse et à la pêche et qui vivait sur la plus grande étendue du bassin hydrographique de la rivière Chilcotin et dans le territoire environnant. Pendant longtemps, les Chilcotins avaient été sur un pied de guerre avec certaines tribus voisines, les Porteurs, les Lillooets et un certain nombre de Shuswaps, mais, somme toute, leurs rapports avec les Bella Coolas et les Shuswaps de Canyon étaient amicaux. Leur organisation sociale était peu cohérente et leur sentiment d’unité en tant que tribu était faible. La façon dont l’autorité était exercée chez les Chilcotins nous est peu connue mais il appert que le principe de l’hérédité, même s’il n’était pas formel, jouait un certain rôle, du moins dans la période qui suivit leur prise de contact avec les Blancs.
Les relations des Chilcotins avec les Blancs qui faisaient la traite des fourrures avant les années de la ruée vers l’or avaient été tendues et la plupart d’entre eux n’avaient eu que des rapports superficiels avec les missionnaires. En 1862, une épidémie de petite vérole emporta la moitié sinon les deux tiers des membres de la tribu. La même année, Alfred Penderell Waddington* commença les travaux en vue d’ouvrir un passage vers l’intérieur des terres à partir de l’inlet de Bute en passant par le territoire des Chilcotins. Bon nombre de Chilcotins se laissèrent convaincre de se rendre à la côte pour y travailler comme remblayeurs pour les équipes de travail.
Au cours du printemps de 1864, on s’aperçut que des marchandises laissées à l’inlet de Bute avaient été dérobées. Un Blanc questionna un groupe de Chilcotins à ce sujet. N’ayant pas obtenu de réponses satisfaisantes, il inscrivit le nom de ces Indiens et leur annonça qu’ils mourraient tous. Les Chilcotins, qui croyaient qu’il était possible d’attirer des maléfices sur autrui par l’intervention des esprits, s’imaginèrent sans doute que cet homme avait acquis droit de vie et de mort sur eux par ce qui leur semblait une pratique magique très efficace, c’est-à-dire l’inscription de leurs noms. La mauvaise expérience qu’avait été pour eux l’épidémie de petite vérole vint se greffer à la menace proférée ; en effet, peu de temps avant que n’éclate chez eux l’épidémie de petite vérole en 1862, un homme blanc, disait-on, les en avait menacés. Ses paroles étaient probablement beaucoup plus une prévision qu’une menace, mais celles-ci et l’épidémie qui s’ensuivit revinrent à l’esprit des Chilcotins quand ils furent l’objet de réelles menaces au printemps de 1864.
Pour les Chilcotins qui étaient venus dans la région de l’inlet de Bute, l’anéantissement des Blancs apparaissait non seulement comme une vengeance pour la menace proférée, mais elle leur semblait le seul moyen d’empêcher les Blancs de leur apporter la petite vérole. La peur de la petite vérole constitua dans l’immédiat la raison première du « soulèvement des Chilcotins » en 1864. Les autres causes, moins directes celles-là, étaient l’expérience antérieure des Chilcotins avec d’autres tribus et avec les Blancs, et aussi le désir de se livrer au pillage.
Klatsassin était un des chefs chilcotins ; on l’a décrit comme un Indien doté d’une carrure d’athlète, à la mâchoire inférieure très accusée et à l’air hardi. Il n’était peut-être pas un chef héréditaire, néanmoins, il jouissait d’une grande influence à cause de sa vigueur physique, de sa vive intelligence et de sa personnalité. Le 29 avril 1864, il arriva avec d’autres Chilcotins à l’endroit où on pouvait traverser en bac, à environ 30 milles en amont sur la rivière Homathko qui prolongeait l’inlet de Bute. Klatsassin fit feu sur le batelier solitaire, Tim Smith, et le tua ; les Chilcotins pillèrent les magasins, s’emparant de poudre et de 30 livres de balles.
Environ un mille plus haut, Klatsassin et son parti de guerriers rencontrèrent un Indien homathko et le chef chilcotin Telloot (Taloot, Tellot) qui étaient venus dans la région de l’inlet de Bute en 1863, en quête de travail. Apparemment, Telloot avait travaillé pour les Blancs auparavant, et une lettre de références disait qu’il était « un guide loyal et digne de confiance ». Frederick Whymper*, un artiste qui avait utilisé ses services comme guide dans la région de l’ inlet de Bute en 1864, mentionne qu’il était « un Indien d’une certaine intelligence ». Beaucoup plus âgé que Klatsassin, il était un chef influent d’une section de la tribu. Robert Christopher Lundin Brown*, prêtre de l’Église d’Angleterre, déclarera lui aussi qu’il était « un homme jouissant d’une grande autorité dans sa tribu ».
Klatsassin raconta à Telloot comment il avait tué le passeur et après quelques pourparlers Telloot se joignit à Klatsassin. L’Indien homathko qui accompagnait Telloot descendit la rivière à la hâte tandis que Klatsassin, Telloot et leurs gens remontèrent la rivière jusqu’au principal campement des travailleurs routiers où ils se joignirent à d’autres membres de leur tribu. À l’aube du jour suivant (le 30 avril), les Chilcotins attaquèrent au camp principal 12 cantonniers sans méfiance. Trois seulement réussirent à s’échapper. Les Indiens attaquèrent ensuite quatre ouvriers qui se trouvaient au camp avancé, à environ deux milles en amont de la rivière, et tous périrent. Avançant vers l’intérieur, pour échapper à des poursuivants éventuels, Klatsassin et ses gens (environ 16 hommes et un nombre indéterminé de femmes) atteignirent le lac Nancoontloon (Anahim) où d’autres Chilcotins se joignirent à eux. Ils s’embusquèrent pour attaquer un convoi de bêtes de somme ; ils tuèrent trois Blancs mais cinq autres réussirent à s’enfuir et gagnèrent Bentinck Arm. Un colon du lac Puntzi fut tué d’un coup de feu, sa maison mise à sac et détruite.
Le gouverneur de la Colombie-Britannique, Frederick Seymour, fut prompt à réagir. Il envoya une expédition vers la rivière Homathko le 15 mai sous la direction de l’inspecteur de police Chartres Brew et une autre quitta Alexandria sous le commandement du commissaire de l’or, William George Cox*, pour ensuite pénétrer jusqu’au lac Puntzi. Brew retourna à New Westminster et Seymour lui-même accompagna une deuxième expédition sous les ordres de Brew et ils rencontrèrent Cox au lac Puntzi le 6 juillet ; les deux détachements fouillèrent la région en direction du sud-ouest. Cox reçut parla suite plusieurs messages de Klatsassin et Telloot et, le 15 août, avec six autres Indiens, ceux-ci se rendirent au campement de Cox. Apparemment, ils avaient interprété une réponse de Cox à leurs messages comme leur garantissant la liberté et la vie sauve. Cox, toutefois, considérait leur venue comme une capitulation formelle et il refusa d’admettre que de telles garanties eussent été offertes.
Les huit Indiens furent amenés à Quesnellemouth. Deux, contre lesquels il n’y avait pas d’accusations précises, furent libérés ; Chedékki fut envoyé à son procès à New Westminster mais il réussit à s’évader en cours de route. Le juge en chef, Matthew Baillie Begbie*, condamna à la pendaison Klatsassin, Telloot, Tahpit, Chessus et Piel (ou Pierre, le fils de Klatsassin âgé de 18 ans). Lundin Brown leur servit de conseiller spirituel. Par le truchement d’un interprète, il fit durant de nombreux jours l’instruction chrétienne des prisonniers. Les Chilcotins avaient déjà été en contact avec les missionnaires catholiques, soit directement soit indirectement, et, au début, voyant que Brown ne portait pas de crucifix, ils doutèrent de la validité de son titre de prêtre. Quand arriva le temps de l’exécution, son ministère était bien accepté, et il se déclarait satisfait de leur repentir et de la sincérité de leur foi.
Environ 200 personnes s’attroupèrent pour assister à l’exécution le 26 octobre. De brèves prières furent récitées dans la langue des Chilcotins, car Brown avait réussi à en acquérir une certaine maîtrise, et au moment où chaque prisonnier se faisait bander les yeux, il le bénissait dans sa langue. À un moment donné, Tahpit interpella ses compagnons les priant « d’avoir du courage », puis, s’adressant aux Indiens de la tribu des Porteurs qui s’étaient rassemblés, il déclara : « Dites aux Chilcoatens de cesser de s’irriter contre les Blancs », puis il ajouta : « Nous allons voir le Père tout-puissant. »
Le rôle de Klatsassin fut proéminent dans presque toutes les phases du soulèvement des Chilcotins ; il en fut manifestement l’instigateur et le cerveau dirigeant. Sans son autorité énergique, le soulèvement n’aurait pu se poursuivre aussi longtemps. Néanmoins, le fait qu’il se soit lancé dans une entreprise aussi désespérée montre combien peu il comprenait la position de son peuple et la puissance écrasante des Blancs.
APC, RG 7, G8, C, 26 avril–20 déc. 1865 (copies à la University of British Columbia Library, Special Coll. Division).— PABC, Colonial correspondence, M. B. Begbie correspondence ; Miscellaneous material relating to Fort Chilcotin, Fort Chilcotin.— University of British Columbia Library, Special Coll. Division (Vancouver), Robie L. Reid papers, Material on Alfred Waddington.— Ross Cox, The Columbia River ; or scenes and adventures during a residence of six years on the western side of the Rocky Mountains [...], E. I. et J. R. Stewart, édit. (Norman, Okla., 1957).— Frederick Whymper, Travel and adventure in the territory of Alaska, formerly Russian America – now ceded to the United States – and in various other parts of the north Pacifc (Londres, 1868).
British Columbian (New Westminster, C.-B.), 28 mai, 2 nov. 1864.— Daily British Colonist (Victoria), 15 nov. 1862, 6 juill. 1863, 12 mai 1864.— Daily Press (Victoria), 4 sept. 1862.— Victoria Daily Chronicle, 12, 29 mai 1864.— R. C. L. Brown, Klatsassan, and other reminiscences of missionary life in British Columbia (Londres, 1873).— R. B. Lane, Cultural relations of the Chilcotin Indians of west central British Columbia (thèse de ph.d., University of Washington, Seattle, 1953).— A.-G. Morice, The great Déné race (Vienne, s.d.) ; History of northern interior of B.C. (1904) ; History of the Catholic Church, II.— E. S. Hewlett, The Chilcotin uprising of 1864, BC Studies, 19 (automne 1973) : 50–72.— F. J. Saunders, « Homatcho » ; or, the story of the Bute Inlet expedition, and the massacre by the Chilcoaten Indians, Resources of British Columbia (Victoria), III (mars 1885) : 5–8 ; III (avril 1885) : 5s.
Edward Sleigh Hewlett, « KLATSASSIN (Klatsassan, Klattasine) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/klatsassin_9F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
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