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BOUCHER DE BOUCHERVILLE, RENÉ-AMABLE, officier dans l’armée et dans la milice, seigneur, fonctionnaire et homme politique, né le 12 février 1735 au fort Frontenac (Kingston, Ontario), fils de Pierre Boucher* de Boucherville, officier dans les troupes de la Marine, et de Marguerite Raimbault ; décédé le 31 août 1812 à Boucherville, Bas-Canada.
À l’instar de son père, René-Amable Boucher de Boucherville opte pour la carrière des armes. Cadet dans les troupes de la Marine, il participe en mai 1754 à la mission de reconnaissance conduite par Joseph Coulon* de Villiers de Jumonville dans la région du fort Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie). Attaquée par un détachement de la milice de Virginie commandé par George Washington, la troupe de Jumonville est disséminée. Constitué prisonnier, Boucher de Boucherville est envoyé en Virginie. Il recouvre sa liberté après la victoire de Louis Coulon* de Villiers au fort Necessity (près de Farmington, Pennsylvanie) en juillet 1754. Promu enseigne en second dès 1755, Boucher de Boucherville acquiert le grade d’enseigne en pied deux ans plus tard. En juillet 1757, François de Lévis* lui confie une mission de reconnaissance sur la rive nord du lac Saint-Sacrement (lac George, New York). En septembre 1759, il participe à la bataille des plaines d’Abraham au cours de laquelle il subit une grave blessure. Fait prisonnier par l’armée britannique, Boucher de Boucherville doit s’embarquer pour l’Angleterre ; un échange de prisonniers lui permet de passer en France où il demeure jusqu’à son retour dans la province de Québec après la signature du traité de Paris en 1763.
Au décès de son père, en 1767, René-Amable hérite du quart de la seigneurie de Boucherville. Le 6 juin 1770, après avoir obtenu une dispense de consanguinité, il épouse à Montréal Madeleine Raimbault de Saint-Blaint, âgée de 17 ans. Le contrat de mariage reconnaît la communauté de biens et accorde à l’épouse un douaire de 3 000 shillings. Le couple s’installe à Boucherville où naîtront leurs 11 enfants ; seuls Madeleine-Charlotte, Pierre-Amable, Charles-Marie et Thomas -René-Verchères* parviendront à l’âge adulte.
Lors de l’invasion de la province de Québec par les troupes américaines [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*], Boucher de Boucherville affiche son loyalisme envers la couronne britannique. En juillet 1776, il commande une patrouille de reconnaissance qui pénètre jusqu’à Crown Point, dans la colonie de New York, puis, l’année suivante, il sert à titre de capitaine sous les ordres du commandant John Burgoyne*. Boucher de Boucherville affirmera avoir été un fidèle royaliste pendant toute la durée de l’invasion et avoir exposé sa vie, laissant de côté sa famille et ses propres intérêts, pour le service du roi. Il espère, en retour, être récompensé de son soutien.
L’administration coloniale tarde à répondre aux attentes de Boucher de Boucherville. En 1784, le gouverneur Haldimand le recommande pour occuper, au Conseil législatif, le siège laissé vacant par le décès de Luc de La Corne*. L’année suivante, il est nommé grand voyer du district de Montréal par le lieutenant-gouverneur Henry Hope* puis, en 1786, il accède enfin au Conseil législatif, poste qu’il conservera jusqu’à sa mort. Boucher de Boucherville se fait un point d’honneur d’assister à toutes les réunions du conseil et se montre un tenace défenseur du régime mis en place en vertu de l’Acte de Québec.
Comme la majorité des seigneurs canadiens, Boucher de Boucherville s’oppose à la réforme constitutionnelle souhaitée par la petite bourgeoisie canadienne et par les marchands britanniques. Pour contrecarrer la montée du mouvement réformiste, des seigneurs forment un comité regroupant principalement René-Ovide Hertel* de Rouville, Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, François-Marie Picoté* de Belestre, de même que Pierre-Amable De Bonne et son beau-frère, Michel-Eustache-Gaspard-Alain Chartier* de Lotbinière. En décembre 1784, le comité exprime son désaccord sur les propositions de réforme dans une pétition portant la signature de la plupart des seigneurs et des coseigneurs de la rive sud de Montréal, dont évidemment celle de Boucher de Boucherville. Ce dernier, en raison des revenus importants que lui procurent les redevances seigneuriales, partage les craintes des seigneurs canadiens face à la montée de la bourgeoisie marchande britannique qui envisage, entre autres, de remettre en question le mode de tenure seigneuriale.
De fait, après la retraite des Américains, Boucher de Boucherville s’était consacré à la gestion de sa seigneurie. En 1782, il achète les droits successoraux de ses frères et sœurs dans la seigneurie, en versant à chacun d’eux la somme de 2 700#. Voulant améliorer l’infrastructure routière de sa propriété, Boucher de Boucherville profite de son poste de grand voyer pour ordonner divers travaux de voirie entre 1786 et 1798. En 1810, la seigneurie compte plus de 2 250 habitants. Le village de Boucherville comprend une église construite d’après le plan de Pierre Conefroy, un presbytère, une chapelle, une école de garçons et un couvent dirigé par les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame. Ce village de la région de Montréal jouit d’une certaine renommée comme un des centres de la vie sociale canadienne. De fait, la petite agglomération de Boucherville regroupe plusieurs familles issues de la noblesse ou de l’élite de la colonie qui, par leur train de vie et leur niveau de fortune, vivent en marge de la population locale.
Invoquant son grand âge, René-Amable Boucher de Boucherville avait démissionné de son poste de grand voyer en 1806, au profit de son gendre Louis-René Chaussegros* de Léry. Il demeure toutefois colonel dans la milice, détenant ce grade depuis 1790. Il meurt le 31 août 1812, et ses obsèques sont célébrées dans l’église paroissiale où il est inhumé le 2 septembre.
ANQ-M, CE1-22, 2 sept. 1812 ; CE1-51, 6 juin 1770 ; CN1-158, 24 avril 1782 ; CN1-308, 5 juin 1770.— Arch. du séminaire de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), Fonds Boucher, K1, nos 63–69.— AUM, P 58, U, Boucher de Boucherville à Baby, 23 mai 1777, 31 oct. 1781, 4 févr. 1782, 10 nov. 1796, 13 mai 1797, 9 mai 1800, 9 oct. 1804, 20 sept. 1810 ; Boucher de Boucherville à Perrault l’aîné, 29 juill. 1771.— G.-J. Chaussegros de Léry, « Journal de Joseph-Gaspard Chaussegros de Léry, lieutenant des troupes, 1754–1755 », A.[-E.] Gosselin, édit., ANQ Rapport, 1926–1927 : 366.— « Papiers d’État », APC Rapport, 1890 : 151.— «Tableau général des différentes grades des officiers de la Marine servants en Canada [...] », APC Rapport, 1886: clxxviii.— La Gazette de Montréal, 7 sept. 1812.— La Gazette de Québec, 29 juin 1786, 22 janv. 1789, 17 sept. 1812.— Almanach de Québec, 1791–1810.— Bouchette, Topographical description of L.C., 196–198.— Le Jeune, Dictionnaire, 1 : 214.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 2 : 280 ; 3 : 36.— Lanctot, Le Canada et la Révolution américaine, 188.— Stanley, L’invasion du Canada (MacDonald), 160.— Tousignant, « La genèse et l’avènement de la constitution de 1791 ».— Montarville Boucher de La Bruère, « Les Boucherville à l’étranger », Cahiers des Dix, 1 (1936) : 233–257.— P.-G. Roy, « Les grands voyers de la Nouvelle-France et leurs successeurs », Cahiers des Dix, 8 (1943) : 181–233.
Céline Cyr, « BOUCHER DE BOUCHERVILLE, RENÉ-AMABLE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/boucher_de_boucherville_rene_amable_5F.html.
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Auteur de l'article: | Céline Cyr |
Titre de l'article: | BOUCHER DE BOUCHERVILLE, RENÉ-AMABLE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |