BIZARD, JACQUES, major de Montréal de 1677 à 1692, aide de camp du gouverneur de Buade de Frontenac pendant un certain temps ; a donné son nom à la grande île du lac des Deux-Montagnes, au nord-ouest de l’île de Montréal ; né à Neuchâtel (Suisse) en 1642, fils de David Bizard, pasteur calviniste, et de Guillemette Robert ; mort le 5 décembre 1692.
Il servit en Crète à titre d’officier au régiment de Meuron, qui combattait dans les troupes vénitiennes contre les Turcs. C’est alors, en 1669, qu’il attira l’attention de Frontenac, qui servait aussi dans les troupes de Venise avec le grade de lieutenant général. Frontenac prit Bizard comme aide de camp. Ce fut un événement malheureux pour Bizard parce que, peu après, Frontenac était, sans autre forme de procès, renvoyé du service de Venise avec ses aides de camp et obligé de regagner le continent en septembre 1669. Plus tard, Frontenac prétendit que, durant les trois mois au cours desquels Bizard servit sous ses ordres, il réussit à le convertir du calvinisme au catholicisme.
Par la suite, Bizard obtint un brevet d’enseigne dans les troupes mercenaires suisses qui servaient avec l’armée française, mais il se démit de cette charge pour accompagner Frontenac au Canada en 1672 comme lieutenant dans la garde du gouverneur. L’année suivante, Frontenac envoya Bizard à Montréal pour arrêter certains coureurs de bois. Dans l’exécution de ces ordres, Bizard prit une attitude provocante à l’égard du gouverneur de Montréal, François-Marie Perrot, qui l’arrêta. Cet incident fournit à Frontenac un prétexte pour arrêter Perrot et le relever de ses fonctions, ce qui causa un grand émoi dans la Colonie.
En 1676, à la mort du major de Montréal, Zacharie Dupuy, Frontenac obtint ce poste pour Bizard qui entra en fonctions le 1er mai 1677. Il ne touchait qu’un modeste traitement annuel de 400#. Le 25 octobre 1678, Frontenac lui accordait la seigneurie de l’île Bonaventure, nommée plus tard île Bizard, mais il ne fit rien pour remplir l’obligation qui lui incombait de mettre la seigneurie en valeur. Le 16 août 1678, Bizard épousait Jeanne-Cécile Closse, seule fille de Lambert Closse, ancien commandant de la place de Montréal, que les Iroquois avaient tué en 1662. Il devait avoir d’elle six Enfants, dont cinq survécurent. L’année suivante, Frontenac réussit à obtenir un supplément de solde de 300# pour Bizard. L’intendant Jacques Duchesneau en éprouva quelque ennui et il se plaignit au ministre que, loin de remplir ses fonctions et d’arrêter ceux qui violaient les édits du roi, Bizard y contrevenait lui-même en envoyant des coureurs de bois se livrer à un trafic illicite dans les villages indiens. De fait, seule la protection persistante de Frontenac empêcha Bizard d’être révoqué, car il avait acquis une réputation d’ivrogne et de matamore et pratiquait des extorsions mesquines à l’endroit des marchands de Montréal. Il refusait en outre de se rendre aux ordres du gouverneur de Montréal, qui nécessitaient un effort physique. La raison en a été expliquée clairement par le gouverneur Le Febvre de La Barre, qui succéda à Frontenac en 1682 et qui écrivit au ministre : « Ce Bizard est un Suisse plongé dans le vin et l’ivrognerie, inutile à tous services par la pesanteur de son corps ». Il demandait de remplacer Bizard dans ses fonctions par le sieur Charles Le Moyne de longueuil. Le ministre ne tint aucun compte de cette demande et, en 1686, Bizard, peut-être à cause de l’influence toujours agissante de Frontenac, était nommé gouverneur adjoint de Montréal pendant l’absence de Louis-Hector de Callière*, parti pour la campagne contre les Tsonnontouans ; mais M. de Brisay* de Denonville, récemment nommé gouverneur de la Colonie, refusa de promulguer la nomination sous prétexte que Bizard était inapte à remplir le poste. L’année suivante, le roi, faisant droit à la requête de Bizard, lui accordait la naturalisation française.
En 1691, Frontenac, qui était redevenu gouverneur de la Colonie, obtenait pour Bizard une nouvelle nomination à titre de gouverneur adjoint de Montréal. L’intendant Bochart* de Champigny écrivit tout de suite au ministre pour lui rappeler que Denonville avait renvoyé une telle nomination, en une circonstance antérieure, jugeant Bizard indigne de cette charge. Champigny écrivait qu’il existait plus de raisons que jamais de le rejeter : il n’était pas un officier qui n’eût à se plaindre de lui et, de fait, même s’il ne buvait pas à l’excès, il lui manquerait encore les qualités requises pour remplir le poste. Interrogé par le ministre sur ce point, Frontenac défendit Bizard avec énergie, déclarant que, en dépit de la faiblesse à laquelle « sa nation est parfois portée », il ne connaissait personne qui fût plus méritant que Bizard et qu’il se portait garant de ses aptitudes à remplir le poste.
On ne put jamais établir avec certitude la compétence de Bizard, car, le 5 décembre 1692, trois mois après la lettre de Frontenac, qui prenait son parti, Bizard mourait, laissant sa famille sans ressources. Frontenac plaida alors auprès du ministre pour que celui-ci approuvât les dispositions qu’il avait prises en faveur de la veuve de Bizard de crainte qu’elle n’eût à mendier dans les rues. Si on ne lui accordait pas cette faveur, affirmait Frontenac, son prestige se trouverait en jeu dans la Colonie, où chacun savait comme il avait toujours eu à cœur l’intérêt de Bizard. Mais Mme Bizard n’était pas incapable de se tirer d’affaire ; moins de deux ans après la mort de son mari, le 8 novembre 1694, elle épousa Raymond Blaise* Des Bergères de Rigauville.
On trouve diverses mentions relatives à Bizard dans la correspondance officielle des gouverneurs et des intendants, contenue dans AN, Col., série C11A.— Correspondance de Frontenac (1672–82 ; 1689–99), RAPQ, 1926–27 ; 1927–28. V. aussi P.-G. Roy, Jacques Bizard, major de Montréal, BRH, XXII (1916) : 293–303.
W. J. Eccles, « BIZARD, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bizard_jacques_1F.html.
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Auteur de l'article: | W. J. Eccles |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
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