BISSOT DE VINSENNE (Vincennes), FRANÇOIS-MARIE, fils aîné de Jean-Baptiste Bissot de Vinsenne et de Marguerite Forestier, sous-enseigne dans les troupes de la marine au Canada, lieutenant réformé dans les troupes de la Louisiane, commandant du poste situé au pays des Ouiatanons (Weas), près de l’actuelle La Fayette, Indiana, et de celui des Peanquichas (Piankeshaws), appelé plus tard Vincennes, sur la rivière Ouabache (Wabash) ; né le 17 juin 1700 à Montréal, brûlé vif par les Chicachas, près de l’actuel Fulton, Mississipi, le 25 mars 1736.

Vinsenne passa presque toute sa vie parmi les Indiens miamis. Une lettre qu’il écrivit en 1733 nous révèle qu’il n’avait que 13 ans quand pour la première fois il accompagna son père chez ces Indiens. En 1718, il fut envoyé chez les Ouiatanons de la branche des Miamis, qui habitaient l’amont de la rivière Ouabache, et, moins de quatre ans après, il était nommé commandant du poste établi chez ces Indiens. Bien qu’il ne fût encore qu’un cadet dans les troupes de la marine, le jeune officier était déjà reconnu pour son habileté à traiter avec les Indiens.

Vers 1725 la région où se trouvait Vinsenne prenait une grande importance stratégique. En effet, en empruntant le réseau fluvial de la Ouabache et de la Belle Rivière (Ohio), les Anglais, qui depuis la signature du traité d’Utrecht avaient intensifié leur poussée vers l’Ouest, auraient été en mesure de pénétrer dans la vallée du Mississipi et de couper les communications entre le Canada et la Louisiane. La Compagnie des Indes, qui depuis 1717 détenait les droits de possession sur la colonie du sud, craignait que cela n’entraînât la perte du pays des Illinois et éventuellement la ruine de l’empire français en Amérique du Nord. Pour conjurer la menace anglaise, la compagnie reprit le projet, qui remontait à 1713, de construire un fort dans la région où les rivières Ouabache, des Cheraquis (Tennessee) et Cumberland se jetaient dans la Belle Rivière. Bien entendu l’officier commandant qui devait être désigné à ce poste d’une importance cruciale aurait été tenu de coopérer avec Vinsenne pour enrayer la pénétration anglaise vers l’Ouest et protéger les communications entre les deux colonies françaises.

La compagnie ne mit pas le projet à exécution parce qu’elle ne pouvait pas, ou ne voulait pas, faire les dépenses nécessaires pour construire un poste et y stocker les marchandises de traite. Pour garder sa mainmise sur la région, elle comptait sur Vinsenne qui jouissait d’un pouvoir considérable grâce à son influence sur les Miamis, de telle sorte que cet officier, tout en demeurant sous la juridiction canadienne, devint progressivement un agent de la Louisiane. Il avait le grade de lieutenant réformé dans les troupes de la colonie du sud dont le gouvernement lui versait un subside annuel de 300#, qui venait s’ajouter à son traitement fixe, et une autre somme de 800# pour l’achat de cadeaux destinés aux Indiens.

En 1730 Vinsenne rompit ses liens avec le Canada et alla s’installer plus bas sur la rivière Ouabache avec ses Indiens. Le 1er juillet de l’année suivante, la Compagnie des Indes céda la Louisiane à la couronne et immédiatement après on prit des mesures pour construire un poste près du confluent de la rivière Ouabache et de la Belle Rivière. Il semble que Vinsenne ait commencé la construction du poste à la fin de l’année 1731 pour la terminer au début de l’année suivante. En 1733 il en fit la description dans une de ses dépêches à Jean-Baptiste Le Moyne* de Bienville, gouverneur de la Louisiane : situé à environ 80 milles en amont de la Ouabache (près de l’actuel Vincennes, Indiana), le poste comprenait deux bâtiments entourés d’une palissade. Cinq tribus indiennes, qui pouvaient réunir entre 600 et 700 guerriers, habitaient dans les environs, dispersées dans quatre villages. Le commandant se plaignait de ce que, à cause d’une garnison trop peu nombreuse et du manque de marchandises, il lui était difficile de maintenir son ascendant sur ces Indiens. À différentes occasions, pour être en mesure de leur offrir des cadeaux, il avait été obligé d’emprunter à des voyageurs ou de donner ses objets personnels. La situation se compliqua davantage quand, en 1735, les Anglais vinrent à la Belle Rivière et s’efforcèrent de faire passer les Indiens de leur côté.

Au début de 1736, Vinsenne et plusieurs guerriers miamis se mirent en route pour le fort de Chartres dans le pays des Illinois, pour aller se joindre aux troupes de Pierre d’Artaguiette qui préparait une expédition contre les Chicachas. Cette nation guerrière, qui habitait une région comprenant à peu près l’état du Tennessee actuel et la partie nord des états du Mississipi et de l’Alabama, s’était alliée aux Anglais des Carolines et depuis plusieurs années elle harcelait les habitants des établissements français et attaquait leurs convois sur le Mississipi. Bienville avait finalement décidé de leur faire la guerre. Selon les plans de campagne qu’il avait établis, ses troupes et celles d’Artaguiette devaient se rejoindre au pays des Chicachas pour porter la guerre chez l’ennemi.

Les troupes d’Artaguiette, qui comptaient environ 140 Français et 266 Indiens, arrivèrent les premières au rendez-vous. Comme les provisions diminuaient et que les Indiens donnaient des signes d’impatience, le commandant décida de s’emparer de trois petits villages chicachas dans le but d’y saisir des vivres. L’attaque commença tôt le matin du 25 mars. On s’empara sans difficulté des deux premiers villages et l’assaut se poursuivait contre le troisième quand soudain plusieurs centaines de guerriers chicachas entrèrent dans le combat pour prêter main-forte aux leurs. Les éclaireurs d’Artaguiette n’avaient pas remarqué que ces trois villages faisaient partie d’un grand ensemble de villages à demi cachés dans les collines environnantes. Abandonné par les Miamis et les Illinois qui, pris de panique, s’étaient enfuis, d’Artaguiette ordonna au reste de l’armée de battre en retraite mais les Chicachas se lancèrent à leur poursuite avec furie et il fut bientôt obligé de s’arrêter pour livrer combat. Les Français et leurs alliés iroquois et arkansas résistèrent avec bravoure, mais ils furent très vite écrasés par le nombre. Les Chicachas tuèrent plusieurs d’entre eux au cours de l’engagement et firent une vingtaine de prisonniers dont d’Artaguiette, Vinserine, Louis d’Ailleboust de Coulonge fils, Pierre Groston de Sainte-Ange, Louis-Marie-Charles Dutisné et le jésuite Antoine Sénat, l’aumônier de l’expédition.

La relation d’une esclave indienne chicacha et celle de Drouet de Richerville, qui fut fait prisonnier mais qui réussit à s’échapper après deux ans de captivité, sont les deux principales sources de renseignements sur la suite des événements. Les captifs, sauf quelques-uns qui furent mis à part pour être soumis à la torture plus tard ou gardés en vue d’échanges de prisonniers, furent conduits au centre d’un des villages où ils montèrent sur deux bûchers que des femmes chicachas avaient préparés. Puis on mit le feu aux bûchers. Les victimes endurèrent leurs tourments sans défaillance : sous la conduite du père Sénat, ils entonnèrent des hymnes et des cantiques d’une voix ferme et ils chantaient encore quand ils disparurent dans les flammes.

Vinsenne avait épousé en 1733 une Métis du nom de Marie Longpré, fille d’un riche colon de Kaskaskia. Elle lui survécut avec deux de ses filles. Longtemps encore les Miamis vénérèrent la mémoire de Vinsenne ainsi que celle de son père.

Yves F. Zoltvany

AN, Col., B, 35, 43 ; Col., C11A, 44, 52, 56, 63 ; Col., C13A, 9, 11, 16, 17, 19, 20 ; Col., D2C 222 ; Col., F3, 24.— Découvertes et établissements des Français (Margry), VI.— Alvord, The Illinois country.— N. M. Belting, Kaskaskia under the French régime (« University of Illinois studies in the social sciences », XXIX, n° 3, Urbana, 1948), 77.— J. P. Dunn, The mission to the Ouabache (« Indiana Hist. Soc. pub. », III, n° 4, 1902).— Pierre Heinrich, La Louisiane sous la Compagnie des Indes, 1717–1731 (Paris, [1908]).— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIIe siècle, I.— P.-G. Roy, Le sieur de Vincennes, fondateur de lIndiana et sa famille (Québec, 1919).

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Yves F. Zoltvany, « BISSOT DE VINSENNE (Vincennes), FRANÇOIS-MARIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bissot_de_vinsenne_francois_marie_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024