BERGIER, CLERBAUD, auteur d’un projet de pêche côtière en Acadie et un des principaux membres de la Compagnie de la Pêche sédentaire de l’Acadie, formée en 1682, lieutenant pour le roi en Acadie en 1684 ; circa 1680–1687.
Bergier, marchand huguenot de La Rochelle, qui désirait établir une compagnie pour favoriser la pêche et la traite en Acadie, obtenait en 1680 de Nicolas Denys la permission de se rendre dans cette colonie. Comme Bergier et ses associés étaient huguenots, le grand vicaire de Québec, M. Dudouyt, protesta que leur projet serait contraire aux intérêts de l’État et de la religion, ainsi qu’aux intentions qui animaient le roi lorsqu’il fonda la colonie. Pour surmonter cette objection, Bergier s’associa à Gabriel Gautier, Boucher et M. de Mantes, de Paris. Organisés en compagnie par le marquis de Chevry [V. Duret], Bergier et ses associés reçurent du roi de France, le 28 février 1682, une concession sur la côte de l’Acadie et la rivière Saint-Jean, lieu qui convenait à la pêche et à la traite. Bergier passa ensuite en Acadie afin d’y choisir une base d’opérations.
Favorablement impressionné par le climat, le sol, les forêts et les côtes poissonneuses du pays, il choisit Chedabouctou (Guysborough, N.-É.), y laissa des hommes pour défricher la terre et construire des bâtiments, puis rentra à Paris pour présenter son rapport. Revenu en Acadie en 1683, il sema du blé, de l’avoine et de l’orge ; puis il planta des vignes et des arbres fruitiers à Chedabouctou et incita les habitants de Port-Royal à se livrer à la pêche. Chedabouctou avait été antérieurement le lieu d’un des établissements de pêche de Nicolas Denys. Son fils Richard Denys et son gendre, Michel Leneuf* de La Vallière, s’y rendaient encore parfois pour y chasser et y pêcher.
Le monopole commercial de la compagnie de pêche fit l’objet de contestations de la part des héritiers de Charles de Saint-Étienne de La Tour, Menou d’Aulnay et Emmanuel Le Borgne. Les tentatives en vue d’en assurer la mise en vigueur attirèrent des protestations de divers côtés et entraînèrent des conflits avec les gens de la Nouvelle-Angleterre à qui La Vallière, seigneur de Beaubassin (Chignecto), qui avait reçu le commandement de l’Acadie en 1678, avait vendu des permis en vue de la pêche le long de la côte et de l’utilisation des ports. Au début de 1684, le Conseil d’État autorisait la compagnie de l’Acadie à saisir les vaisseaux étrangers qui trafiquaient ou pêchaient le long de la côte. La Vallière fut relevé de ses fonctions et il lui fut interdit de délivrer des permis aux gens de la Nouvelle-Angleterre, bien que l’intendant Jacques de Meulles* eût ordonné à La Vallière en 1683 d’empêcher Bergier d’établir sa pêcherie sans une autorisation expresse. Par un décret du 14 avril 1684, Bergier fut nommé lieutenant pour le roi en Acadie pour une période de trois ans. Vers le même temps, lui-même avec son fils et agent, Bergier Deshormeaux (ou Des Ormeaux) entrait en conflit avec La Vallière, son fils Alexandre Leneuf * de Beaubassin et Richard Denys (procès-verbal de Deshormeaux, le 12 mai 1685, AN, Col, C11D, 1, f.192). Bergier lui-même fut accusé de vouloir se livrer à la traite des fourrures et trafiquer avec les Anglais.
Bergier semble avoir joué un rôle moins important en Acadie après cette date, car Charles Duret de Chevry de La Boulaye le remplaça à titre de lieutenant du roi et un autre marchand, Antoine Héron, fit fonction de directeur de la compagnie de pêche à La Rochelle. En 1686, à la suite de nombreuses requêtes, Gabriel Gautier, membre de la compagnie, recevait la concession de droits de pêche au Cap-Breton, à l’île Saint-Jean (île du Prince-Édouard) et aux îles de la Madeleine pour une période de 20 ans. La compagnie étendit ses opérations à Port-Royal en 1687. Cette année-là, on comptait 150 personnes à Chedabouctou, dont 80 pêcheurs. Les protestations de Bergier à la cour de France contre Denys et La Vallière lui valurent en avril 1687 la concession du Cap-Breton qu’avait détenue Nicolas Denys. (En dédommagement, Denys reçut une grande seigneurie à Miramichi.)
Le pillage de Chedabouctou par les gens de la Nouvelle-Angleterre en 1688 et la démolition du fort Saint-Louis par le capitaine Cyprian Southack* en 1690, après la prise de Port-Royal par Phips, se traduisirent par de lourdes pertes pour la compagnie. Après le traité de Ryswick en 1697, elle s’efforça de reprendre ses opérations en Acadie. L’année suivante, elle établissait un poste de pêche à Chibouctou (la future Halifax), mais ses employés s’enfuyaient bientôt à Boston ou au cap des Rosiers (plus tard Port Roseway et maintenant Shelburne). Par la suite, pendant quelques années, elle dut se contenter d’un commerce de moins en moins important à Port-Royal, jusqu’à ce que tous ses biens fussent renvoyés en France à bord d’un navire du roi en 1703.
Parmi les nombreuses sources relatives à la compagnie et à Bergier, mentionnons : AN, Col, B, 13, f.186 ; C11A, 1, f.211 (le Bergier dont il est question ici est peut-être le père du Bergier du présent article) ; C11A, 6 ; C11D, 1, passim, 2, f. 165 ; Col., E., 277 ; E1, 536B 1, ff.493–494 ; Marine, liasse 21 ; B2, 50, 52, 56, 57 ; B3, 62, 64, 69.— BN, mss, NAF 9 283 (Margry), f.35 ; NAF 21 395 (Arnoul), f.21.— Public Archives of Nova Scotia, MS docs. II : 18–20, 27–28, 40, 45 ; III : 14, 24.— Coll. de manuscrits relatifs à la Nouv.-France, I ; II : 361s., 368, 378.— Denys, Description géographique et historique (Ganong), 13, 16, 40.— Dièreville, Relation (Webster).— Mémoires des commissaires, II : 327 ; Memorials of the English and French commissaries, I : 614.— PRO, CSP, Col., 1681–85, p. 688 ; 1685–88, nos 545, 925.— Recensement de 1686 (Acadie).— Antoine Bernard, Le Drame acadien (Montréal, 1936), 120s., 124, 140–144, 185s.— Chedabouctou, d’après l’intendant de Meulles (1686), BRH, XXXV (1929) : 304.— Roger Comeau, Nicolas Denys, pionnier acadien, RHAF, IX (1955–56) : 31–54.— La Morandière, Hist. de la pêche française de la morue, I : 356–362.— Robert Le Blant, Le baron de Saint-Castin (Dax, s. d.), 44.— Bruce T. McCully, The New England–Acadia fishery dispute and the Nicholson mission of August, 1687, Essex Institute, Hist. Coll., XCVI (1960) : 277–290.— Richard Denys, sieur de Fronsac, and his settlements in northern New Brunswick ; Historical-geographical documents relating to New Brunswick, ed. W. F. Ganong, 4, N.B. Hist. Soc. Coll., [III], no 7 (1907) : 15s.— Robert Rumilly, Histoire des Acadiens (2 vol., Montréal, 1935), I: 119.— Webster, Acadia, 124, 206–208.
C. Bruce Fergusson, « BERGIER, CLERBAUD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bergier_clerbaud_1F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/bergier_clerbaud_1F.html |
Auteur de l'article: | C. Bruce Fergusson |
Titre de l'article: | BERGIER, CLERBAUD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |