BELL-SMITH, FREDERIC MARLETT, peintre et éducateur, né le 26 septembre 1846 à Londres, fils aîné de John Bell-Smith et de Georgianna Maria Boddy ; le 4 juillet 1871, il épousa à Montréal Annie Myra Dyde, et ils eurent trois fils ; décédé le 23 juin 1923 à Toronto.

Reconnu avant tout comme peintre, Frederic Marlett Bell-Smith avait plus d’une corde à son arc : il fut un éducateur, un photographe, un acteur, un conteur et un écrivain aussi accompli. En 1866, ses parents immigrèrent au Canada et s’installèrent à Montréal, où il les rejoignit un an plus tard. À l’époque, il pratiquait déjà le métier d’artiste. Il avait étudié à la South Kensington Art School et avec son père, portraitiste miniaturiste qui, à Londres, avait été secrétaire-trésorier d’une société de peintres, la National Institution. C’est à Montréal, où il vécut jusqu’en 1871, que Frederic Marlett vit se dessiner sa carrière. Avec son dynamisme coutumier, il travailla pour un studio de photographie et participa à la création de la Société des artistes canadiens, dont son père fut président. Sa première exposition, à l’Association des arts de Montréal en 1868, portait sur les sports urbains et les loisirs. Par ailleurs, il combattit les féniens en servant dans le Victoria Rifles of Canada en 1870. L’année suivante, en l’église méthodiste Mountain Street à Montréal, il épousa Annie Myra Dyde. Il était né anglican, et c’est peut-être à cette époque qu’il changea de confession religieuse. Le couple élut domicile à Hamilton, en Ontario.

Au cours des dix années où les Bell-Smith vécurent à Hamilton et à Toronto, Frederic Marlett se mit aussi à enseigner à l’Ontario School of Art et à faire de l’illustration à la pige pour des publications comme le Canadian Illustrated News de Montréal et ce qui deviendrait Picturesque Canada […] (Toronto) [V. Lucius Richard O’Brien*]. Il travaillait toujours pour un studio de photographie et exposait des tableaux presque chaque année. Inscrit à l’Académie royale des arts du Canada dès la fondation en 1880, il obtint le titre d’académicien six ans plus tard. Cette décennie fut assombrie par la mort de l’un de ses trois fils, Charles Robert, en 1881. La même année, la famille s’installa à London. Dans une localité voisine, St Thomas, Bell-Smith obtint les postes de directeur artistique et de professeur de diction à l’Alma Ladies’ College. Peu après, la Central School de London l’engagea comme maître de dessin. Bell-Smith fonda la Western Art League et parcourut l’Europe et l’Amérique du Nord afin de faire des croquis. Au cours d’un séjour ultérieur à Paris, il étudierait à l’Académie Colarossi et avec des artistes tels Benjamin-Constant, Gustave Courtois, Joseph Blanc et Edmond-Louis Dupain.

En 1887, grâce aux laissez-passer du chemin de fer canadien du Pacifique offerts aux artistes par William Cornelius Van Horne*, Bell-Smith eut l’occasion de réaliser un de ses vieux rêves : voir les Rocheuses. Ce fut un grand moment : dès lors, dit-on, il sentit que les montagnes « faisaient signe au pèlerin subjugué de [venir] explorer leurs énigmes et leurs sanctuaires ». Il se rendrait dans les Rocheuses au moins 11 fois au cours des 30 années suivantes et produirait de multiples paysages de montagnes, entre autres The silent sentinel of the north, Heart of the Selkirks et An ice-crowned monarch of the Rockies. À l’instar d’autres peintres de la fin du xixe siècle, Bell-Smith présentait ses sujets de manière à susciter le même genre d’émotions que la fiction narrative. Il travaillait surtout à l’aquarelle et à l’huile. Artiste populaire et prolifique, il avait une prédilection pour les petits formats faciles à vendre et destinés à enjoliver les demeures bourgeoises.

En 1888, Bell-Smith retourna habiter en permanence à Toronto. Il dirigea la Parkdale Art School jusqu’en 1890 puis la Toronto Art School (section ouest). En 1891, lui-même et sa femme perdirent un autre fils, Claude Pelham. En dépit de ce malheur, Bell-Smith connaissait un succès grandissant et arrivait à vivre uniquement de sa peinture. Il se lança dans des compositions plus amples. La mieux connue est Lights of a city street, réalisée en 1894, où l’on voit l’angle des rues King et Yonge à Toronto après la pluie. Bell-Smith y restitue avec netteté et dans le détail un instant de la vie urbaine, avec ses tramways, ses crieurs de journaux, ses policiers et ses foules bien vêtues. Ce tableau, par ses vifs contrastes entre tonalités claires et sombres et par l’illusion de profondeur qu’il donne au moyen de la perspective, montre combien l’artiste aimait la photographie, à la fois parce qu’elle permet d’arrêter le temps et parce qu’elle a une valeur documentaire. En 1895, afin d’exécuter le travail préparatoire à trois grands tableaux d’histoire inspirés par les événements qui entourèrent la mort subite de sir John Sparrow David Thompson* en Angleterre, Bell-Smith obtint une séance de pose en privé avec la reine Victoria. Ce privilège, sans précédent pour un artiste nord-américain, lui fut concédé pour qu’il puisse portraiturer fidèlement Sa Majesté dans l’une de ces toiles. Toujours théâtral, Bell-Smith tira profit de l’occasion et écrivit un article intitulé « How I painted Queen Victoria » (Comment j’ai peint la reine Victoria) dans lequel il évoquait « une petite dame âgée, très courte et très corpulente », avec qui il avait conversé surtout en allemand.

Bell-Smith atteignit le faîte de sa carrière dans les premières années du nouveau siècle. Il conserva un lien administratif avec l’Alma Ladies’ College de 1897 à 1910 et fut président de la New Water Color Society de Toronto ainsi que de l’Ontario Society of Artists. En outre, il exposa à Buffalo, dans l’État de New York, à Liverpool et à Montréal. Selon un article paru en 1912 dans le Maclean’s de Toronto, sa technique de plus en plus magistrale et l’attrait esthétique de ses peintures faisaient en sorte qu’« « un Bell-Smith » [était] devenu un complément nécessaire à toute collection d’importance dans le dominion ».

Pendant la Grande Guerre, Bell-Smith peignit le Corps expéditionnaire canadien à l’entraînement au camp Borden, en Ontario, et réalisa une maquette en relief des Rocheuses pour le Grand Trunk Pacific Railway. Il s’adonnait à sa passion pour le jeu et la déclamation dramatiques en présentant des poèmes sur l’« habitant » – ceux de William Henry Drummond* par exemple – et des scènes tirées des romans de Charles Dickens. On disait même qu’il ressemblait à un personnage de Dickens et, à la Toronto Dickens Fellowship, dont il fut président de 1910 à 1920, ses amis débattaient souvent de la question de savoir si le « vieux Bell » était plus doué en tant qu’acteur ou peintre.

En 1918, Frederic Marlett Bell-Smith vit pour la dernière fois ses chères montagnes Rocheuses, dont les qualités mystiques l’avaient tant inspiré. Il passa l’été suivant à peindre à la maison de campagne de la théosophe et spiritualiste Flora MacDonald Denison [Merrill], la Bon Echo Inn, au lac Mazinaw, en Ontario. Il s’adonnait probablement encore à la peinture lorsqu’il fit une chute dans le sous-sol de son domicile torontois en mai 1923. Il mourut le mois suivant. Une exposition commémorative de ses œuvres eut lieu à Toronto. En 1928, sa toile du mont Hurd, en Colombie-Britannique, fut reproduite sur un timbre canadien de 10 cents. Chez Bell-Smith, l’énergie, la créativité et l’art de vendre s’alliaient à une vénération pour la nature, ce cadeau légué par Dieu à l’esprit d’initiative des hommes.

Molly Pulver Ungar et Vicky Bach

Frederic Marlett Bell-Smith est l’auteur de Little Nell : adapted from « The old curiosity shop » of Charles Dickens (Toronto, [1909 ?]).

La biographie rédigée par Roger Boulet, Frederic Marlett Bell-Smith, 1846–1923 (Victoria, 1977), constitue le compte rendu le plus complet sur Bell-Smith. Bien documenté et abondamment illustré de reproductions de peintures et de photographies de famille, cet ouvrage contient une longue bibliographie, une liste des principales expositions de Bell-Smith de son vivant, ainsi qu’une chronologie. On trouve à la bibliothèque du Musée des beaux-arts du Canada (dossier d’artiste, Bell-Smith, F. M.) une collection de catalogues et de coupures de journaux et de magazines qui sont cités en partie dans l’ouvrage de Boulet.

ANQ-M, CE 601-S105.— AO, F 1140.— Paul Gessell, « A treasure is rediscovered : historic painting depicts former PM’s state funeral », Ottawa Citizen, 26 oct. 1998.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— A dictionary of Canadian artists, C. S. MacDonald, compil. (7 vol. parus, Ottawa, 1967– ).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.— Winnipeg Art Gallery, 150 years of art in Manitoba : a struggle towards a visual civilization ; a Winnipeg Art Gallery exhibition commemorating Manitoba’s centennial, May 1–Aug. 31, 1970, B. L. Pitman et Hanspaul Hager, compil. ([Winnipeg, 1970]).

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Molly Pulver Ungar et Vicky Bach, « BELL-SMITH, FREDERIC MARLETT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bell_smith_frederic_marlett_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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