BEAUBOIS, NICOLAS-IGNACE DE, prêtre, jésuite, missionnaire, né le 15 octobre 1689 à Orléans, France, décédé près d’Avignon le 13 janvier 1770.

Admis dans la Compagnie de Jésus le 29 octobre 1706, Beaubois fit son noviciat à Paris. Après deux ans, il demeura à Paris pour parfaire les maigres études philosophiques qu’il avait commencées avant d’entrer dans la compagnie. Il se rendit par la suite à Rennes, où il enseigna durant la session d’automne de 1710 ; il suivit, durant trois années consécutives, le même groupe d’étudiants, selon la coutume. Après une autre année d’enseignement, cette fois à Alençon, il commença à La Flèche ses études théologiques conduisant à la prêtrise. Ordonné en 1717, il demeura à La Flèche pour la quatrième année régulière de théologie. Il fut désigné pour les missions de la Nouvelle-France en 1719 et semble avoir fait un court séjour à Québec avant de commencer son apostolat chez les Illinois en 1721. Le 2 février 1723, à Kaskaskia (III.), il prononça les quatre vœux solennels de jésuite profès.

À partir de 1717, le pays des Illinois ne se trouvait plus directement sous la juridiction civile et militaire de Québec, mais faisait plutôt partie du territoire du nouveau commandant de la Louisiane qui allait résider à La Nouvelle-Orléans, siège du gouvernement aussi bien que de l’administration mise en place par la Compagnie des Indes, laquelle était propriétaire de la colonie. Reconnaissant les possibilités de développement de la vallée du Mississipi et de ses missions, les jésuites firent de cette région un district missionnaire distinct – Missio Ludovisiana – rattaché au diocèse de Québec.

Nomme supérieur du nouveau territoire en 1724, Beaubois se rendit en France à la recherche de personnel et d’aides supplémentaires pour sa mission. Il s’avéra un négociateur coriace dans ses relations avec la Compagnie des Indes, qui, de par sa charte, était censée financer les paroisses et les missions de la colonie où elle exerçait le monopole. En orateur brusque et vigoureux qu’il était, Beaubois rompit les négociations par une retentissante déclaration à l’effet que si les messieurs de la Compagnie des Indes avaient réellement désiré la présence des jésuites en Louisiane, ils n’auraient pas émis de propositions comme celles qu’ils avaient mises de l’avant.

Finalement, les administrateurs de la compagnie et les autorités des jésuites (y compris Beaubois) en vinrent à une entente le 20 février 1726. La compagnie s’engageait à fournir des montants annuels fixes ainsi que des allocations pour le transport et les approvisionnements. Le nouveau contrat autorisait les jésuites à ouvrir une maison à La Nouvelle-Orléans et à exploiter une plantation près de la ville ; cependant, ils ne pouvaient exercer aucun ministère dans la ville ou dans la région avoisinante, à moins d’obtenir la permission des capucins, à qui la compagnie avait réservé par contrat la juridiction sur ce territoire. Avant de quitter la France, Beaubois fit des arrangements pour que les ursulines reçoivent de la Compagnie des Indes une promesse d’aide financière destinée à la création d’une école de filles à La Nouvelle-Orléans, la première de la vallée du Mississipi.

Beaubois retourna en Louisiane sur le vaisseau qui amenait le nouveau commandant de la colonie, Étienne de Périer. À leur arrivée en mars 1727, ils avaient développé un respect et une amitié réciproques qui allaient grandir tout au long des années vécues au sein des factions politiques de la colonie. L’administration de la Louisiane était sans cesse divisée entre partisans et adversaires de Bienville [Le Moyne]. Les premiers, partisans des frères Le Moyne, étaient souvent des gens d’épée, tandis que les autres, les fonctionnaires officiels de la Compagnie des Indes, étaient surtout des gens de plume. Le chef des adversaires de Bienville était le commissaire Jacques de La Chaise, avec lequel Beaubois, admirateur de Bienville, croisa le fer presque dès leur première rencontre.

Périer discerna clairement la faille tragique du caractère de Beaubois. Le jésuite était un chef dynamique et perspicace, mais il était « trop découvert » ; il manquait de tact. Gilles-Bernard Raguet, le prêtre chargé par la Compagnie des Indes de surveiller les affaires de la mission à son bureau de Paris, esquissa ce bref portrait de Beaubois : « il a tout le courage de la Compagnie, c’est dommage qu’il n’en ait pas la prudence ». Les confrères jésuites de Beaubois respectaient également son intelligence et sa hardiesse, tout en regrettant sa brusquerie trop confiante.

Le zèle de Beaubois, regardé d’un mauvais œil, apparaissait comme de l’ambition. Lors de son passage à La Nouvelle-Orléans en 1724, il avait fait des remarques désobligeantes sur la situation de la religion et de l’éducation dans la ville. Son attitude laissait sous-entendre qu’il pouvait et, de fait, ferait mieux que les capucins. L’achat rapide d’une maison démontra à quel point il était assuré de recevoir l’autorisation de mettre sur pied un établissement jésuite à La Nouvelle-Orléans, d’où il enverrait des hommes et des marchandises en amont du fleuve, vers le pays des Illinois. Raphaël de Luxembourg, curé capucin de La Nouvelle-Orléans, craignait les frictions possibles entre les deux communautés religieuses. Seule la conduite très discrète de Beaubois aurait pu dissiper les craintes du capucin. Mais lorsque les ursulines nouvellement arrivées le choisirent comme conseiller spirituel en 1727, Beaubois présuma au contraire que le père Raphaël devait se soumettre.

Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] avait nommé Beaubois vicaire général en 1727, mais on ne sait si la juridiction qu’on lui confiait s’appliquait seulement aux jésuites des missions de la Louisiane. La mort frappa Saint-Vallier en décembre, avant que la question ne soit réglée. Quoi qu’il en soit, on avait lancé une funeste controverse et suscité chez les capucins la crainte de voir les jésuites dominer ; quant au présomptueux Beaubois, il fut sommairement rappelé en France lorsque l’évêque coadjuteur, Mgr de Mornay, lui-même capucin, succéda à Saint-Vallier comme évêque de Québec. La Compagnie des Indes n’était que trop fière de se joindre à l’évêque dans son opposition à l’irréductible négociateur jésuite, à qui on reprochait de pencher du côté de Bienville. Réagissant apparemment avec nonchalance, Beaubois quitta la colonie en douce, après avoir échangé de courtois adieux avec La Chaise et les capucins.

Arrivé à Paris en juillet 1728, Beaubois, dans des discours et des écrits, élabora une longue justification de sa conduite, tout en nourrissant l’espoir d’être réintégré dans ses fonctions. Il nia toute intrusion canonique dans les droits des capucins, et démontra la fausseté et le caractère calomnieux de l’accusation contre sa personne. Il insista sur l’antipathie des administrateurs de la Compagnie des Indes à l’égard de Bienville, qui les avait amenés à le haïr lui-même et à le considérer comme un criminel à cause de son amitié pour Bienville.

Un renversement de situation suivit le retour de la Louisiane à l’administration directe du roi en janvier 1731. Les agents de la compagnie allaient être forcés de partir, et le commissaire remplacé par le commissaire ordonnateur du roi. Le commandant cédera la place à un gouverneur chevronné, et vers le milieu de 1732, nul autre que Bienville sera nommé gouverneur. En octobre 1731, le ministre de la Marine, Maurepas, informa Mgr de Mornay de l’intention du gouvernement de renvoyer Beaubois en Louisiane comme supérieur des missions jésuites « dans un esprit de paix et de reconciliation ». Le cardinal de Fleury et Maurepas ne tinrent aucun compte des vigoureuses protestations de Mornay, qui menaçait d’interdire Beaubois s’il pénétrait dans le diocèse de Québec.

Réinstallé dans ses fonctions en Louisiane en mars 1732, le supérieur jésuite se conduisit de son mieux. Il n’y eut aucun conflit entre lui et le père Raphaël. Dans ce climat de coexistence pacifique, les quelques missionnaires de chaque communauté s’occupaient activement de leur œuvre apostolique, lorsque, vers la fin de 1732, Mornay envoya en Louisiane l’interdiction dont il avait menacé Beaubois. Non sans hésitation, le père Raphaël, vicaire général, avisa Beaubois de la censure de l’évêque, laquelle interdisait à Beaubois et à tous les jésuites soumis à sa juridiction d’exercer leur ministère sacerdotal aussi longtemps que Beaubois serait en Louisiane. Les plaintes orageuses du gouverneur Bienville et du commissaire Edme-Gatien Salmon, importunés par cette rupture de la paix, parvinrent à Versailles en août 1733, époque à laquelle la cour avait peu de considération pour l’évêque qui ne s’était jamais rendu dans son diocèse de Québec. Lorsque le coadjuteur Dosquet* arriva de Québec pour visiter la France, les pressions de la cour sur Mornay se firent plus intenses. En septembre 1733, il démissionna. Dans la lointaine colonie, le vicaire général, le père Raphaël, sur son lit de mort, leva l’interdit en février 1734. Par la suite, à l’été de 1734, Mgr Dosquet, mal disposé à la suite d’une dispute pour savoir lesquels des jésuites et des prêtres du séminaire devraient exercer le ministère au fort de Chartres (près de Prairie du Rocher, Ill.), rétablit l’interdit contre Beaubois. Plutôt que d’entretenir cette tension paralysante, Beaubois se soumit à un second (et dernier) rappel par ses supérieurs jésuites. Tout en reconnaissant le talent de Beaubois, Maurepas estimait que son départ apporterait une plus grande tranquillité dans l’Église de la Louisiane.

La colonie et les missions de la vallée du Mississipi devaient beaucoup à ce missionnaire controversé. Beaubois avait favorisé les bonnes relations avec les nations indiennes. Pour sauvegarder la position française vis-à-vis des Anglais qui avançaient constamment, il avait écrit pour souligner l’importance stratégique de la rivière Ohio. En vue de subvenir aux missions qui éprouvaient des difficultés financières, il avait introduit la culture de la canne à sucre en organisant une plantation expérimentale et effectué des recherches sur l’indigo. Il avait tenté également d’inventer une nouvelle machine à égrener le coton. Il réussit à obtenir l’approbation du roi pour la construction d’un canal reliant la rivière d’Orléans (bayou St John) à l’extrémité de La Nouvelle-Orléans – il sera construit plus tard sous le régime espagnol. Il proposa de fonder un collège jésuite, mais ce fut en vain, car la politique mercantiliste de la monarchie s’étendait même à l’éducation. Il figure au rang des administrateurs les plus dynamiques et les plus perspicaces de la Louisiane. Même son caractère vif et ses manières trop directes semblaient s’adoucir, alors que d’autres, blessés dans leur sensibilité, croyaient qu’il était trop tard pour pardonner.

Lors de son retour en France en 1735, il s’installa au collège jésuite de Bourges, où il travailla comme agent et collecteur de fonds pour les missions d’Amérique. En 1743, il commença à exercer le ministère auquel il allait consacrer tout le reste de sa vie : la direction de retraites basées sur les exercices spirituels de saint Ignace. Il résida au collège d’Amiens de 1743 à 1750, puis au collège de Vannes où il servit comme supérieur de l’apostolat des retraites de 1751 à 1762, date à laquelle la Compagnie de Jésus fut supprimée en France.

Les activités subséquentes de Beaubois restent inconnues. Son nom ne réapparaît que dans un avis de décès des jésuites, sur lequel on mentionne qu’il mourut « près d’Avignon » le 13 janvier 1770.

C. E. O’ Neill

AN, Col., B, 51, ff.89v.–90 ; 55, f.238 ; 59, ff.482v.484 ; 61. ff.537v–538, 644v.-646, 653v., 669, 674–674v. ; Col., C2, 23, f.192 ; Col., C13A, 8, ff.407, 413–414, 421–421v., 426 ; 9, ff.126, 148–149 ; 10, ff.33–34, 47–48v., 60–65, 101–124, 296–300, 310–310v., 312–312v., 315–315v., 317–357 passim ; 11, ff.5–5v 12, 33–35v., 76–78, 191–216, 228–229, 232–237v. : 239–239v., 241–241v., 243, 251–257v., 260–261, 272–282v., 328, 362v. ; 12, ff.3, 5–6v., 135–136, 138–138v., 195–201, 209–210, 212–212v., 214–267, 271–273, 276–277v., 278–278v., 280–281v., n283–284v. ; Col., C13B, no 45, pp. 1–4, 312–316v. ; Col., CC, 4, ff.45, 176–177 ; Col., E, 22 ; Col., F5A, 3, ff.170–235 ; Section Outre-Mer, Dépôt des fortifications des colonies, Louisiane, no, 61 ; Section Outre-Mer, G1, 412, ff.5–6v. ; 465 (dossiers Bienville, Diron).— ARSI, Catalogi, Francia 17–28 (1711–1762) ; Francia 49, f.443 ; Gallia 19, ff.482–483 ; Monumenta Historica Missionum Societatis Iesu, 53/a, p. 147.— ASQ, Évêques, 170, 170b.— Comptes rendus de lAthénée louisianais, (Nouvelle-Orléans), I (1887) ; 144–149.— JR (Thwaites), LXVII : 268–274.— Delanglez, French Jesuits in Louisiana.— O’Neill, Church and state in Louisiana.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, I : 281 ss.

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C. E. O’ Neill, « BEAUBOIS, NICOLAS-IGNACE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/beaubois_nicolas_ignace_de_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    28 novembre 2024