BARNARD, FRANCIS JONES, homme d’affaires et homme politique, né le 18 février 1829 à Québec, fils d’Isaac Jones Barnard, bourrelier, et de Catherine Telfer ; le 6 juillet 1853, il épousa Ellen Stillman, et ils eurent deux fils, le futur sir Frank Stillman* et George Henry*, et une fille, Alice, qui épousa John Andrew Mara ; décédé le 10 juillet 1889 à Victoria.

Issu d’un milieu loyaliste, Francis Jones Barnard fréquenta l’école à Québec jusqu’à l’âge de 12 ans, puis entra sur le marché du travail pour aider sa mère veuve depuis peu. Quittant Québec en 1855, il alla s’installer à Toronto, puis repartit trois ans plus tard pour la région aurifère du fleuve Fraser, en passant par New York et Panama. Il atteignit le fort Yale (Yale, Colombie-Britannique) en 1859. Ayant cherché de l’or mais sans succès, il vendit sa concession minière, travailla comme fendeur de bois de corde et devint ensuite constable. En 1860, il était commissaire du bord sur le vapeur Fort Yale qui naviguait sur le Fraser ; le 14 avril 1861, les machines explosèrent près de Hope, et Barnard se retrouva sans emploi. Il participa ensuite à la construction d’une piste allant de Yale à la barre Boston et, une fois le travail terminé, il obtint le contrat de dégager et de niveler la rue Douglas à Yale. Barnard et sa famille demeurèrent dans ce village de 1861 à 1868.

En décembre 1861, Barnard devint propriétaire de la Jeffray and Company, qui transportait gratuitement le courrier officiel de Victoria jusqu’à Yale ; cet hiver-là, il transporta le courrier de Yale à New Westminster, aller et retour, à pied, parcourant ainsi 200 milles. Au printemps suivant, il transporta le courrier, moyennant deux dollars par lettre, de Yale à la région de Cariboo, un aller et retour de 760 milles. En mai 1862, le gouverneur James Douglas* fit un appel d’offres pour la livraison du courrier officiel de Yale au ruisseau Williams dans la région de Cariboo. Barnard et son associé, Robert Thompson Smith, fondèrent la British Columbia and Victoria Express Company et soumirent une offre de £1555 pour une année. Le 25 juin, ils obtinrent le contrat de livraison du courrier une fois par mois pendant l’hiver et deux fois par semaine pendant le reste de l’année. Le 1er juillet 1862, on annonça la mise en marche du service régulier, et Barnard partit le 7 juillet de Victoria en emportant le courrier de Sa Majesté.

Pendant la première année, Barnard ne disposait que d’un poney qu’il conduisait à pied de Yale au ruisseau Williams. Il acheta en 1863 des chariots à deux chevaux pour parcourir la route entre Lillooet et Alexandria, et conclut un marché avec George Dietz et Hugh Nelson* pour le transport du courrier gouvernemental de Victoria et de New Westminster à Yale (début de la route du Cariboo) et à Douglas (début de la route menant de Harrison à Lillooet). À partir du 1er mai 1864, les chariots du Cariboo Express de Barnard quittaient Yale et Douglas tous les dix jours, opéraient leur jonction à Williams Lake, puis se rendaient au ruisseau Soda ; de là, le courrier était transporté par vapeur et par train de chevaux au ruisseau Williams. Le 22 juin, Barnard obtint du gouvernement, de concert avec Dietz et Nelson, le contrat de £5 000 par année pour trois livraisons mensuelles du courrier à Barkerville. Il reçut en décembre un autre £2 000 pour assurer le service hebdomadaire.

Outre son entreprise de service postal et de messageries, Barnard avait mis sur pied plus tôt dans l’année une ligne de diligence, utilisant des diligences Concord à quatre chevaux, munies d’une soupente en cuir et provenant de Californie. Ces véhicules s’avérèrent si populaires auprès des passagers transportés par Dietz et Nelson de Victoria et de New Westminster jusqu’à Yale et Douglas que Barnard acheta des diligences Concord plus grandes, tirées par six chevaux et pouvant contenir 14 passagers. En utilisant des « cochers d’élite » et en remplaçant les attelages aux relais à tous les 13 milles le long de la route du Cariboo, il pouvait parcourir les 240 milles séparant Yale du ruisseau Soda en 48 heures. Pendant la saison minière de 1864, les diligences de Barnard parcoururent 110 000 milles, transportèrent tout le courrier vers l’intérieur et 1500 passagers en provenance ou à destination du ruisseau Soda, le prix d’un aller simple étant de $130 ; $4 619 000 en or furent acheminés également de la région de Cariboo à Yale. Barnard avait 38 employés à son service, possédait 400 chevaux, une petite gare et un ranch à 134 Mile House, et, lorsque la route du Cariboo fut terminée sur toute sa longueur jusqu’à Barkerville en 1865, le nombre de ses propriétés et de ses gares avait augmenté, et il acheta encore plus de terres en 1870 à Lillooet et à Lytton.

À la fin de 1865, la vague de prospérité qu’avait connue le secteur minier faiblit, les passagers devinrent moins nombreux et le volume des marchandises expédiées par messageries diminua ; mais Barnard détenait d’ores et déjà le monopole du transport de l’or, le gouvernement ayant suspendu en 1864 son escorte armée pour l’acheminement de l’or. Assurés de pouvoir compter sur Barnard, les banquiers et les mineurs lui confièrent le transport de chargements d’or, dont la valeur s’élevait parfois à $10 000 et à $20 000. Il réduisit le service à destination du ruisseau Williams à une fois par semaine en 1866. Il y eut, cette année-là, un boom au lieu dit Big Bend, sur le fleuve Columbia, mais il fut de courte durée, tout comme le service de messageries de Kootenay mis sur pied par Barnard.

Détenant un contrat de livraison du courrier de janvier 1868 jusqu’en octobre 1870 sur tout le territoire de la colonie, moyennant une somme de $16 000 par année, Barnard acheta en 1867 la compagnie de messageries de Dietz et de Nelson et accapara toutes les affaires dans ce secteur, entre Victoria et Barkerville. Il se mit à rêver d’une entreprise de transport transcontinental et écrivit à un ami au mois de décembre qu’il projetait d’amener des mustangs de Californie pour en faire l’élevage en Colombie-Britannique, étape « préparatoire à un service de diligence de Yale au lac Supérieur ». Il ajoutait : « Ne me prends pas pour un fou. » II envoya son cocher, Stephen Tingley, acheter les chevaux, puis il construisit près de l’extrémité nord du lac Okanagan le ranch BX, que son fils Frank agrandit dans les années 1880, allant jusqu’à posséder 2 000 têtes sur une superficie de 7 000 acres.

Barnard avait été élu en 1867 au Conseil législatif de la Colombie-Britannique. En septembre de l’année suivante, il joua un rôle important, à titre de délégué de Williams Lake, à la convention de Yale, qui vota des résolutions en faveur de l’union immédiate avec le Canada. Il exhorta plus tard le Conseil législatif à inclure comme condition de l’union avec le Canada la construction d’une route charretière entre Upper Fort Garry (Winnipeg) et la Colombie-Britannique. Lorsque le gouvernement canadien promit plutôt en 1870 un chemin de fer jusqu’au Pacifique, Barnard décida avec réalisme de ne pas entrer en concurrence avec le chemin de fer et de limiter ses affaires au versant ouest des Rocheuses.

Barnard démissionna du Conseil législatif en 1870 pour éviter d’être accusé de conflit d’intérêts et fonda la British Columbia General Transportation Company avec Josiah Crosby Beedy. En octobre, après avoir vainement tenté d’obtenir une subvention gouvernementale de $32 000 afin d’importer d’Écosse des chariots à vapeur spécialement construits pour la route du Cariboo, il perdit le contrat postal, mais le gouvernement fédéral lui accorda, deux ans plus tard, le contrat de la poste provinciale, et le trafic sur cette route augmenta lorsque commença l’arpentage pour le chemin de fer. Barnard obtint en 1874 le contrat fédéral pour la construction de la section de 700 milles de la ligne de télégraphe de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique entre le fort Edmonton (Edmonton) et le ruisseau Cache (Colombie-Britannique), en empruntant le col de la Tête-jaune. Il investit tellement d’argent dans ce projet qu’il dut réduire ses intérêts financiers dans son entreprise de messageries. En 1872, deux de ses cochers, Tingley et James Hamilton, s’associèrent à la F. J. Barnard and Company. Lorsqu’elle fut reconnue juridiquement six ans plus tard, la British Columbia Express Company disposait d’un capital de $200 000 et comprenait d’autres associés, dont le fils de Barnard, Frank, et son beau-frère, George Andrew Sargison. Frank en devint directeur général en 1880 et président en 1883.

Barnard essuya un sérieux revers financier lorsque le gouvernement de sir John Alexander Macdonald* abandonna le trajet empruntant le col de la Tête-Jaune et résilia son contrat de ligne télégraphique en 1879. Il entama des poursuites en dommages-intérêts contre la couronne pour un montant de $225 000. Le succès qu’il remporta à l’élection partielle fédérale dans Yale en juillet 1879 ne passa pas inaperçu dans l’Est. Le Globe de Toronto déclara que l’unique intérêt de Barnard était d’obtenir un règlement financier et que sa requête s’avérait « des plus frauduleuses ». Au cours de l’enquête menée en Colombie-Britannique au début de 1880 au sujet des revendications de Barnard, George Anthony Walkem*, premier ministre et procureur général de la province, assumait les fonctions de conseiller juridique du gouvernement fédéral contre Barnard. Plus tard, lorsque sa propre querelle politique avec le dominion fut à son comble, le premier ministre Walkem plaida la cause de Barnard contre la couronne mais ne put obtenir une réparation.

Les tracas résultant de cette affaire minèrent la santé de Barnard, qui subit une grave attaque en 1880. Il fut réélu à la chambre des Communes en 1882 mais devint bientôt infirme et ne se représenta pas en 1887. Il refusa l’année suivante un siège au sénat. Il mourut le 10 juillet 1889 au Duval Cottage, maison qu’il habitait à Victoria depuis 1868, laissant derrière lui des biens s’élevant à moins de $30 000.

Durant la période de la ruée vers l’or, Barnard avait réussi à éliminer sur la partie continentale de la Colombie-Britannique la concurrence des petites entreprises de transport américaines ainsi que de la puissante Wells, Fargo and Company, et détenait un véritable monopole dans le domaine primordial du transport du courrier, des marchandises par messageries, des passagers et de l’or. Sa célèbre B X Company qui livrait le courrier via Wrangel, Alaska, jusqu’aux mines Cassiar (Colombie-Britannique), en 1874, était censée être la plus longue ligne de diligence en Amérique du Nord ; elle n’avait certainement pas sa pareille pour ce qui est de l’efficacité et de la fiabilité de fonctionnement. Tingley prit la direction de la compagnie en 1886 ; après avoir changé quelques fois de mains, l’entreprise ferma ses portes en 1913, lorsque l’automobile remplaça la diligence dans la partie nord de la route du Cariboo. Entrepreneur rêvant d’une participation plus grande du Canada dans le développement économique de la côte du Pacifique, Barnard fut l’un des premiers instigateurs de l’union de la Colombie-Britannique avec le Canada.

Margaret A. Ormsby

Francis Jones Barnard est l’auteur de To the electors of the district of Yale [...] (s.l., [1879]).

Arch. privées, A. B. Robertson (Vancouver), F. H. Barnard, « Canada’s first stage coach ; Frank Stillman Barnard, businessman and pioneer ; Senator G. H. Barnard, the younger son » (copie dactylographiée).— PABC, Add. mss 527 ; 696 ; B.C., Colonial secretary, Corr. outward, sept. 1861 nov. 1862 ; O’Reilly coll., Dewdney corr., F. J. Barnard à Edgar Dewdney, 18 mars 1883 ; G. A. Sargison, Diaries, 1871–1872.— C.-B., Statutes, 1878, c.2.— British Columbian (New Westminster, C.-B.), 14 déc. 1864.— Daily Colonist, 11 juill. 1889.— Government Gazette-British Columbia (New Westminster), 10 sept. 1864.— CPC, 1880.— J. B. Kerr, Biographical dictionary of well-known British Columbians, with a historical sketch (Vancouver, 1890), 91–94.— A. S. Deaville, The colonial postal systems and postage stamps of Vancouver Island and British Columbia, 1849–1871 [...] (Victoria, 1928).— G. R. Elliott, Quesnel : commercial centre of the Cariboo gold rush (Quesnel, C.-B., 1958).— H. C. Hitt et G. E. Wellburn, « Barnard’s Cariboo express in the colony of British Columbia, 1860–1871, and later expresses of F. J. Barnard », The stamp specialist black book (New York, 1945), 3–32.— E. O. S. Scholefield et F. W. Howay, British Columbia from the earliest times to the present (4 vol., Vancouver, 1914), II-III.— « Francis Barnard : from his broad back grew a mighty industry », Province (Vancouver), 19 juill. 1958 : 15.— W. J. West, « Staging and stage holdups in the Cariboo », BCHQ, 12 (1948) : 185–209.

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Margaret A. Ormsby, « BARNARD, FRANCIS JONES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/barnard_francis_jones_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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