BARNABY, THOMAS (Thoma), bûcheron et chef micmac, né le 17 mars 1841 au bord de la Miramichi, près de Newcastle, Nouveau-Brunswick, fils de Thomas Barnaby et d’une prénommée Pelonick, de la bande de Eel Ground ; le 3 septembre 1861, il épousa Moll Judick (Judy, Judith) Suasin (Swasson), de la même bande, et ils eurent au moins neuf enfants, dont la plupart moururent en bas âge ; décédé le 23 mars 1907 à Eel Ground et inhumé au cimetière catholique de l’endroit.
En 1877, le nom de Thomas Barnaby figurait en tête de la liste des signataires d’une requête dans laquelle la bande d’Eel Ground exigeait de pouvoir élire démocratiquement un chef pour remplacer John Nicholas Julian, qu’ils disaient « plutôt faible et partiellement aveugle, et de toute façon incapable d’exercer ses fonctions plus longtemps ». Le chef Julian occupait alors son poste depuis plus de huit ans. Il avait succédé à son père, Nicholas Julian, qui avait dirigé la bande de 1841 à 1868, et il était l’héritier d’une lignée de chefs qui remontait aux années 1770 [V. John Julien*]. La loi sur les Indiens adoptée en 1876 autorisait les bandes à s’élire un chef. Cependant, en 1871, Julian avait réussi à obtenir du gouvernement du dominion qu’il le fasse chef à vie de la bande d’Eel Ground. Cette nomination était conforme à des commissions que les précédents chefs héréditaires de la lignée des Julian avaient obtenues des autorités coloniales et provinciales.
Bien que la pétition de 1877 ait été signée par la majorité des hommes de la bande d’Eel Ground, la Direction des affaires indiennes refusa de démettre le chef Julian de ses fonctions. À l’encontre de la volonté générale, il s’accrocha à son poste encore 11 ans, s’attirant quantité de plaintes de la part des membres de la bande. Avant sa mort, qui survint au printemps de 1888, la tradition des chefs héréditaires qu’il symbolisait était tombée en défaveur dans la région. Même des membres de sa famille signèrent la requête par laquelle la bande demanda, et obtint finalement, l’instauration d’un régime électif.
La première élection eut lieu le 26 juillet 1888. Thomas Barnaby, bûcheron de son état, était l’un des deux candidats. Lui-même et son concurrent, Peter Ginnish, étaient des hommes d’âge mûr, pères de famille, qui appartenaient de naissance à la bande d’Eel Ground. Sur la cinquantaine d’électeurs, 29 allèrent voter, et 15 accordèrent leur suffrage à Barnaby, qui remporta donc la victoire par une voix.
À l’époque, les chefs amérindiens avaient nommément, entre autres, la responsabilité d’éliminer « l’intempérance et la débauche ». En concentrant ses efforts vers ce but, le chef Barnaby – « homme sobre et respectable » selon le surintendant de district des Affaires indiennes, William D. Carter – se gagna l’appui de « certains des meilleurs Indiens, des colons blancs des environs de la réserve » et du curé, l’abbé Peter Duffy. Il en vint aussi à obtenir le soutien de la plus grande partie de l’électorat d’Eel Ground. La loi sur les Indiens stipulait que les chefs étaient élus pour trois ans, mais dans les faits, lorsque tout allait bien, le mandat pouvait se prolonger indéfiniment. Le chef Barnaby fit face pour la première fois à une opposition sérieuse à l’été de 1893, donc cinq ans après son élection. Bien que lui-même ait vu dans cette agitation une réaction aux efforts qu’il déployait pour « appliquer la loi », il semble qu’elle ait eu pour origine les ambitions effrénées de certains.
En mars 1894, Peter Nicholas Julian*, fils de John Nicholas Julian, allégua que le plus bruyant rival du chef Barnaby, Lemuel Renou, et ses partisans, recouraient à des « moyens détestables » pour que le chef soit démis de ses fonctions. Selon Julian, ils avaient « fabriqué contre lui » une accusation d’immoralité. Toutefois, Julian soutenait aussi que, même s’il ne souhaitait pas troubler le mandat du chef Barnaby, il se considérait comme « l’ayant droit » au poste de chef. Les détracteurs de Barnaby avaient soulevé assez de passions pour qu’un scrutin soit jugé nécessaire. En avril, le chef perdit au profit de son ex-défenseur, qui nomma ensuite Renou « chef en second ». Comme les principaux partisans de Renou avaient voté pour Julian, on peut penser que les deux camps, ennemis jusque-là, s’étaient alliés pour battre Barnaby.
Si l’on peut reprocher quelque chose au chef Barnaby, c’est d’avoir laissé libre cours à l’amertume que lui causaient les circonstances de sa défaite. En 1895, il mena une infructueuse campagne pour discréditer son successeur et le faire destituer. Par la suite, il se rangea pour quelque temps du côté de « l’opposition Renou », groupe de fauteurs de troubles qui se forma après que le chef Julian eut cessé de maintenir l’incorrigible Renou à son poste de chef en second.
Selon le surintendant Carter, Thomas Barnaby était « l’un des Indiens les plus intelligents d’Eel Ground », et Carter, ainsi que d’autres, continuèrent de le consulter même après qu’il eut cessé d’être le chef de la bande. D’après un article paru au moment de sa mort, il était « bien connu » et « respecté » de la communauté blanche des bords de la Miramichi. Malheureusement, il n’existe aucun document qui donnerait un point de vue amérindien sur sa personnalité ou ses qualités de chef. Le fait que l’assistance fut nombreuse à ses obsèques suggère cependant que les habitants de la réserve d’Eel Ground le tinrent en haute estime jusqu’à la fin de sa vie.
AN, RG 10, 2003, file 7535 ; 2517, file 106689 ; 2522, file 107222, part. 2 ; 2603, file 121698, part. 2, 48.— St Mary’s Roman Catholic Church (Newcastle, N.-B.), RBMS, St Joachim’s Church (Eel Ground).— St Patrick’s Roman Catholic Church (Nelson-Miramichi, N.-B.), RBMS.— St Thomas Roman Catholic Church (Red Bank, N.-B.), RBMS.— Morning Freeman (Saint-Jean, N.-B.), 18 juill. 1868.— Union Advocate (Newcastle), 27 mars 1907.— W. D. Hamilton, The Julian tribe (Fredericton, 1984).
Willis David Hamilton, « BARNABY, THOMAS (Thoma) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/barnaby_thomas_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
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