JULIEN (Julian), JOHN, chef micmac de la région de la Miramichi, Nouveau-Brunswick ; circa 1779–1805.

En juillet 1779, le Viper, de la marine royale, remonta la rivière Miramichi pour protéger les trafiquants britanniques, qui avaient été victimes de vols de la part des Micmacs de la région. On était en guerre, et l’on doutait de la fidélité des Indiens à la couronne. Arborant un pavillon américain, le Viper mit à l’eau une chaloupe aux couleurs françaises ; à la suite d’un bref combat, 16 Indiens furent faits prisonniers et amenés à Québec. Le capitaine Augustus Harvey, commandant du navire, conclut la paix avec John Julien, qu’il reconnut comme chef des Indiens de la Miramichi, le 28 juillet 1779.

Quelques semaines plus tard, dix « importants Indiens », ayant à leur tête John Julien et son frère Francis, rendirent visite à Michael Francklin*, surintendant des Affaires indiennes de la Nouvelle-Écosse. Ils voulaient savoir ce qu’il était advenu des prisonniers et ils demandèrent des provisions pour le soutien de leurs familles durant l’hiver. Le 22 septembre 1779, à Windsor, en Nouvelle-Écosse, Francklin conclut un traité avec les dix. D’un côté, les Indiens reconnurent qu’ils eussent dû essayer de mettre un terme aux attaques contre les trafiquants, qu’ils consentaient à protéger dès lors ; ils promirent de livrer quiconque, parmi eux, se montrerait hostile et de n’avoir aucun rapport avec John Allan, surintendant américain des Affaires des Indiens de l’Est, lequel essayait de gagner l’appui des Micmacs et des Malécites. De son côté, Francklin leur donna des provisions, promit de ne point les molester et consentit à leur envoyer des trafiquants qui fourniraient à leurs besoins contre des fourrures. John Julien signa au nom des Indiens des régions de la Miramichi, de Pokemouche et de Restigouche. Le 30 août 1783, le gouverneur John Parr*, de la Nouvelle-Écosse, donna à Julien et à sa tribu un permis les autorisant à occuper, durant bon plaisir, 20 000 acres de terre le long des rives de la Miramichi-du-Nord-Ouest.

On peut lire, dans un document en langue micmaque mis au jour en 1931, la version de ces événements telle qu’on se les rappelait : un traité aurait été signé le 17 juin 1794 entre le « roi John Julian » et son frère Francis, et le roi George III, représenté par le gouverneur William Milan, à bord d’un navire de guerre non nommé, sur la Miramichi. Le roi anglais aurait dit au roi indien : « Désormais, vous apprendrez à vos enfants à maintenir la paix, et je vous donne ce papier sur lequel sont écrites beaucoup de promesses qui jamais ne s’effaceront. » Alors Julien aurait demandé une terre et se serait vu accorder six milles sur la Miramichi-du-Nord-Ouest. « Désormais, aurait dit le roi George, je pourvoirai à vos besoins et à ceux de votre postérité, aussi longtemps que se lèvera le soleil et que coulera la rivière. »

Une fois la province du Nouveau-Brunswick créée en 1784, le permis d’occupation accordé par Parr fit l’objet de discussions, car une partie des territoires indiens était incluse dans la concession faite à John Cort et à William Davidson*. Le 8 juillet 1785, Julien demanda qu’on confirmât son droit de propriété, et, le 29 août, l’arpenteur adjoint Benjamin Marston* faisait rapport sur l’étendue des terres. En se fondant sur le permis de Parr, les Indiens réclamaient une bande de terre d’un mille de profondeur le long des deux rives de la Miramichi-du-Nord-Ouest, et sur une distance de 20 milles, à partir du confluent de cette rivière avec la Miramichi-du-Sud-Ouest. Une superficie de six milles et demi de ce territoire empiétait sur la nouvelle concession. On ne fit rien pour corriger cette anomalie. Le 10 janvier 1789, le Nouveau-Brunswick délivrait, en faveur de Julien, un permis l’autorisant à occuper 3 033 acres de terre dans les limites de la paroisse actuelle de Newcastle, et prévenait quiconque qu’il était « strictement interdit de faire quelque empêchement audit John Julien et à sa tribu ou de les molester, dans la paisible possession et jouissance [des terres à eux] données par les présentes ». Cette nouvelle concession venait accroître celle que leur avait octroyée le gouverneur Parr, en direction de l’intérieur, à partir de la Miramichi-du-Nord-Ouest ; elle fut à l’origine de la réserve indienne Eel Ground. D’autres terres vinrent s’ajouter à celles-là, le 5 mars 1805, sous la forme de permis d’occupation : 8 700 acres (la Big Hole Tract) et 750 acres (la réserve Indian Point), toutes sur la Miramichi-du-Nord-Ouest.

En 1808, l’arpenteur adjoint William Franklin Odell* reçut l’ordre d’arpenter les terres indiennes sur la Miramichi ; il en résulta que les 20 000 acres autorisées par Parr furent coupées de moitié. Dans son rapport du 16 septembre 1808, Odell note qu’il a « montré aux Indiens, sur les plans, les limites des diverses terres qui leur ont été accordées, et qu’il les a informés qu’ils ne devaient pas espérer recevoir ni réclamer davantage, ce dont ils se sont montrés satisfaits ». Comme leurs permis d’occuper ces terres ne valaient que durant bon plaisir, les Indiens n’avaient juridiquement aucune protection. Leurs réserves étaient également menacées par le fait que des Blancs s’y installaient en squatters ou qu’ils s’entendaient avec un chef local. En 1805, James Oxford avait obtenu du chef Julien un acte de renonciation à ses droits, et le gouvernement n’avait rien fait pour mettre fin à cette pratique, en affirmant qu’il ne devait pas intervenir dans les achats privés concernant les terres indiennes.

Le chef John Julien détint l’autorité pendant une période critique, car c’est de son vivant que les Blancs s’établirent partout au Nouveau-Brunswick. Il devait sa position de prestige à sa volonté de collaborer avec les Britanniques pendant la guerre d’Indépendance américaine, et il conserva, à l’endroit de ces derniers, assez de confiance pour être le seul chef à chercher constamment à obtenir, pour les terres de sa tribu, la forme de protection en usage chez les Blancs.

L. F. S. Upton

APNB, RG 2, RS8, Indians 1/1, Benjamin Marston, Report, 29 août 1785 ; RG 10, RS 107/1/4 : 13 ; 107/1/11 : 26s. ; RS 108, Pétition de John Julien, 1786 ; Pétition de Matthew Oxford, 1805.— PRO, CO 188/106 : ff.206–223 ; CO 217/54 : ff.206–207, 219–222 (mfm aux APC). – Indian-Eskimo Assoc. of Canada, Native rights in Canada (Toronto, [1970]), app. 3 : 16s.— L. F. S. Upton, Micmacs and colonists : Indian-white relations in the Maritimes, 1713–1867 (Vancouver, 1979).

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L. F. S. Upton, « JULIEN (Julian), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/julien_john_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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