AYLWIN (Aylwyn), THOMAS, marchand et juge de paix, né vers 1729 à Romsey, Hampshire, Angleterre ; il épousa le 11 septembre 1771, à Boston, Lucy Cushing, et ils eurent au moins trois fils ; décédé le 11 avril 1791 à Québec.
Thomas Aylwin était probablement l’un de ces marchands qui s’installèrent à Québec au lendemain de la prise de cette ville par les troupes du général Wolfe*. Sans doute faut-il l’inclure dans cette coterie de marchands dont le gouverneur Murray disait en 1764 qu’ils étaient « accourus dans un pays où il n’y a[vait] pas d’argent, [et qu’ils] se cro[yaient] supérieurs en rang et en fortune au soldat et au Canadien ». Associé pendant quelques années à Charles Kerr, Aylwin se spécialisa dans la vente au détail de produits d’importation : tissus, denrées, vin, articles de quincaillerie et de papeterie, et autres marchandises. Après le décès de Kerr, en 1765, Aylwin poursuivit ses activités commerciales à Québec jusqu’en 1769, date à laquelle il semble s’être rendu au Massachusetts où il aurait séjourné environ six ans.
De retour à Québec au début de la Révolution américaine, Aylwin installait son commerce rue Saint-Jean, pour ensuite louer une maison rue Saint-Joseph. Le 23 octobre 1777, il acheta du marchand et conseiller législatif Thomas Dunn*, pour la somme de £948 (cours de Halifax) dont il versa £508 comptant, deux maisons situées dans le centre des affaires, rue Notre-Dame. L’éventail de ses produits annoncés dans la Gazette de Québec se diversifiait sans cesse. De plus, il approvisionnait certains marchands dont Jacob Bettez, de Baie-Saint-Paul, et Abraham Morhouse qui, en juin 1786, devait £1 100 à « Tho. Aylwin & Co. ». À la même époque, Aylwin s’occupait de vendre le blé de Samuel Jacobs et devenait fournisseur en gros de biscuits. Il semble avoir connu une prospérité modérée. En effet, son inventaire après décès révèle qu’il vivait à l’aise, mais non dans le luxe. Si, par exemple, il possédait un service à thé en porcelaine garnie d’or, des meubles en acajou et une argenterie évaluée à £17, en revanche deux de ses 12 bibelots de porcelaine, décorant la cheminée, étaient brisés et le tapis du petit salon de réception était très usé. Outre des ouvrages utiles au commerce, sa bibliothèque d’une cinquantaine de titres contenait des livres d’histoire, de droit, de religion et de poésie.
À la fin de l’année 1790, quelques mois avant sa mort, Aylwin, sans doute malade ou en difficultés financières, mit en vente ou en location sa maison et son magasin de même que l’habitation attenante. L’inventaire de ses biens montre que sa succession accusait un déficit net de £293 sans compter une dette considérable, découverte plus tard, contractée envers la compagnie Fraser and Young de Québec. Toutefois, son fournisseur londonien, Breckwood Pattle and Co., constituait vraisemblablement son plus important créancier. À la demande de John Gray*, marchand de Montréal, et d’Ann, veuve d’Alexander Gray de Québec, on saisit les biens immobiliers d’Aylwin pour les vendre à l’encan au cours de l’année 1792 afin d’assurer le paiement des dettes de sa succession.
Parallèlement à ses activités d’homme d’affaires, Thomas Aylwin occupa la fonction déjuge de paix de 1765 jusqu’à son départ pour le Massachusetts ; nommé de nouveau à ce poste en 1785, il y demeura jusqu’à sa mort. Aylwin participa activement aux démarches du groupe de marchands qui cherchèrent à faire prévaloir leurs intérêts auprès des autorités politiques. Dès 1764, il faisait partie du jury d’accusation de Québec présidé par le négociant James Johnston et opposé à l’administration du gouverneur Murray. Puis, en 1767, à la suite de la publication, dans la Gazette de Québec des 10 et 17 décembre, de l’opinion du procureur général Francis Maseres* en faveur de l’application de la loi anglaise en matière de faillite, Aylwin aurait, selon Maseres lui-même, rédigé avec George Suckling la réplique anonyme parue les 24 et 31 du même mois. Ils y exposaient la position de la plupart des marchands qui, bien que généralement favorables à l’introduction de la loi commerciale britannique, s’y opposaient dans ce cas particulier. Ils alléguaient qu’en raison des circonstances économiques prévalant au Canada, la mise en vigueur de cette loi entraînerait la faillite de beaucoup de commerçants auxquels un délai plus long pourrait permettre de rembourser leurs dettes. Plus tard, en 1785, à l’occasion du départ de Henry Hamilton, Aylwin comptait parmi les partisans du lieutenant-gouverneur satisfaits de l’intérêt que celui-ci avait pris au commerce et particulièrement de l’obtention du procès avec jury dans les causes commerciales. De nouveau membre du jury d’accusation de Québec en 1787, Aylwin s’opposa à la levée de toute taxe visant à financer la construction d’édifices publics, dont une nouvelle prison, jusqu’à ce que la colonie fût plus en mesure d’assumer ce fardeau fiscal et la constitution plus conforme au modèle anglais. Toutefois, ce corps, dont il occupait la présidence, déplora, en 1789, auprès du juge en chef William Smith, l’inexistence d’un système de taxation assurant l’entretien des rues de Québec alors en mauvais état ; par ailleurs, le jury réclama du gouvernement la création d’un fonds public pour venir en aide aux pauvres particulièrement éprouvés en cette année de disette et suggéra l’organisation de travaux sous surveillance afin de réduire les risques de récidive des ex-criminels laissés sans ressources après leur libération. La même année, il fut aussi un des signataires d’une pétition adressée au gouverneur, lord Dorchester [Carleton*], dans laquelle les marchands de Québec réclamaient que soit facilitée, pour un certain temps, l’importation sans droits de douane du rhum des Antilles, produit qu’Aylwin vendait depuis 1776 au moins. On demandait également de favoriser la province de Québec par rapport à tout autre pays dans le commerce avec ces îles. L’année suivante, il signa la pétition en faveur d’une université neutre sur le plan confessionnel [V. Jean-François Hubert ; Charles-François Bailly de Messein].
À l’instar de plusieurs autres marchands, Aylwin participa aussi aux activités de l’organisation maçonnique de la colonie. En 1769, il agissait à titre de trésorier de la Provincial Grand Lodge et faisait partie du comité chargé d’obtenir un sceau de grande loge. Au moment de la Révolution américaine, alors que la guerre entraînait le déclin des loges militaires et que, du même coup, la franc-maçonnerie au Canada atteignait son niveau le plus bas depuis la Conquête, Aylwin fut membre d’un comité destiné à remédier à cette situation en favorisant le rayonnement des loges civiles. Il assuma, à compter d’octobre 1775, la fonction de secrétaire de la St Andrew’s Lodge, No. 2, Québec, de Québec, avant d’en devenir maître l’année suivante également pour une période d’un an. Grand maître provincial adjoint depuis la fin de 1776, il occupa ce poste au moins jusqu’en 1781 ; à ce titre il signa les commissions autorisant la création de la St Peter’s Lodge, No. 4, Québec, à Montréal, et de l’Unity Lodge, No. 13, of Québec, à Sorel.
En avril 1791, Thomas Aylwin mourait laissant sa femme, qui ne lui survécut qu’un mois, et trois fils mineurs. L’un de ses petits-fils, Thomas Cushing Aylwin*, sera député sous l’Union, puis juge de la Cour du banc de la reine.
ANQ-Q, AP-G-313/2, George Allsopp à A. M. Allsopp, 12 mars 1785 ; État civil, Anglicans, Cathedral of the Holy Trinity (Québec), 14 avril 1791 ; Greffe de M.-A. Berthelot d’Artigny, 13 nov. 1779 ; Greffe de J.-A. Panet, 23 oct. 1777 ; Greffe de Charles Stewart, 28 juill., 10 août 1786, 20 avril, 29 août 1789.— APC, MG 19, A2, sér. 3, 2, p.53 ; 3, pp.91, 145s. ; 4, pp.14, 95s., 98–100 ; MG 23, GII, 1, sér. 1, 2, p.55.— Charles Robin on the Gaspe coast, 1766, A.-G. LeGros, édit., Revue d’hist. de la Gaspésie (Gaspé, Québec), IV (1966) : 196.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), I : 189, 191.— A list of Protestant house keepers in the District of Quebec (Octr. 26th, 1764), BRH, XXXVIII (1932) : 754.— Maseres, Maseres letters (Wallace), 19, 74, 79, 125–128.— La Gazette de Québec, 25 juill. 1765–17 nov. 1768, 28 nov. 1776–1er nov. 1792 (nous avons dénombré plus de 140 références à Thomas Aylwin dans l’index de la Gazette de Québec).— Almanach de Québec, 1780, 60 ; 1788, 18 ; 1791, 34, 82.— Juges de paix de la province de Québec (1767), BRH, XLII (1936) : 13.— J. H. Graham, Outlines of the history of freemasonry in the province of Quebec (Montréal, 1892), 47–49, 56.— Charles Langelier, L’honble Thomas Cushing Aylwin, juge de la Cour du banc de la reine [...] (Québec, 1903), 11.— J. R. Robertson, The history of freemasonry in Canada from its introduction in 1749 [...] (2 vol., Toronto, 1900), I : 478.— Pemberton Smith, A research into early Canadian masonry, 1759–1869 (Montréal, 1939), 6–47.— La famille Aylwin, BRH, LI (1945) : 241.
Jean Lafleur, « AYLWIN (Aylwyn), THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/aylwin_thomas_4F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Lafleur |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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