ANDRÉ DE LEIGNE, PIERRE, conseiller du roi, lieutenant général civil et criminel de la Prévôté de Québec, né en 1663 à Tonnerre (dép. de l’Yonne, France) fils de François André, avocat au Parlement, et de Marie Turin ; il épousa en 1694 Claude Fredin, fille de Gabriel Fredin, conseiller du roi, notaire et grènetier au grenier à sel de la ville de Pontoise (dép. du Val-d’Oise, France) et de Claude Robin ; décédé à Trois-Rivières le 7 mars 1748.
Pierre André de Leigne descendait d’une famille sinon très riche du moins aisée. Il possédait lui-même des « biens et affaires » dans sa ville natale de Tonnerre. En 1683, il avait entrepris une carrière militaire et, dix ans plus tard, le 15 avril 1693, il obtenait de Jacques-Henri de Durfort, duc de Duras, un « congé absolu » après « avoir bien servy en qualité de garde du corps du Roy ». L’année suivante, au moment de son contrat de mariage, signé le 15 janvier 1694, de Leigne n’est plus que « bourgeois de Paris », où il habite, rue Saint-Jean-de-Beauvais. Quelques semaines plus tard, il s’embarque pour Québec – sa femme ira le rejoindre en 1696 – afin de remplacer Jean Fredin, le frère de son épouse, comme secrétaire de l’intendant, Jean Bochart* de Champigny. En 1702, il revient en France avec l’intendant et, deux ans plus tard, il achète la charge de « prévost général de la marine et des galères », qu’il exerce au Havre jusqu’en 1716. Cependant, si l’on en croit les contemporains, il avait la nostalgie du Canada, dont la « tranquillité » le charmait ; il obtient en avril 1717 la charge de lieutenant général civil et criminel de la Prévôté de Québec, succédant à Denis Riverin* qui n’avait jamais exercé sa fonction. De Leigne revient au Canada en 1718 et occupe ce poste de 1719 jusqu’en 1744, date à laquelle il démissionne et est remplacé par François Daine. Il avait aussi exercé quelque temps les fonctions de lieutenant général de l’Amirauté, à la place de Jean-Baptiste Couillard* de Lespinay et, à l’occasion, celles de subdélégué de l’intendant à Québec.
Pierre André de Leigne se risqua au Canada dans plusieurs entreprises qui, comme à bien d’autres, lui apportèrent plus de soucis que de bons profits. On le voit, dans les contrats notariés, « vendre et livrer » du vin, et prêter de l’argent. En 1721, il se fit concéder au Labrador un domaine de quatre lieues sur quatre, pour l’exploitation duquel il signa en 1735 un accord avec son gendre, Nicolas Lanoullier de Boisclerc ; mais « cet établissement parfait pour la pesche au loup marin » rapporta bien peu de chose. L’inventaire fait en juillet 1735 nous apprend que la fortune des époux de Leigne est fortement grevée. Les meubles meublants, l’argenterie et l’argent comptant – 153# en cartes – sont évalués à 4 307#, la maison, à 3 239# ; mais pour celle-ci, achetée de Nicolas Lanoullier en 1725, il reste encore 11 956ª à payer. Le couple de Leigne a par ailleurs des dettes passives pour 6 142# ; la plus grande partie de cette somme consiste en la dot de 3 000# promise dans le contrat de mariage de leur fille, Jeanne, avec Nicolas Lanoullier, le 26 décembre 1720, dont rien n’a encore été payé en 1735, ce qui avec les arrérages monte à 4 082# 10s. Il n’est, pour se convaincre de la précarité de la situation, que de parcourir la lettre de supplication que de Leigne adresse au ministre en 1745, en vue d’obtenir une gratification, si minime soit-elle.
La famille André de Leigne avait quand même de bonnes relations sociales et fréquentait la cour. En France, l’aînée des filles, Anne-Catherine, avait plu à « Madame la Dauphine, qui la demand[a] à ses parents, et comme elle était encore trop jeune pour occuper une place auprès de cette princesse, Mme la Maréchale d’Estrée la prit chez elle et s’y attacha comme si elle eût été sa propre fille ». Mais lorsqu’elle revint en Nouvelle-France en 1718, Anne-Catherine avait acquis, par sa fréquentation de la haute société, des airs pédants qui déplurent fort à la société québécoise. Sa sœur Louise-Catherine défraya, en 1741, la chronique de la colonie en épousant un fils de famille, René-Ovide Hertel* de Rouville, mineur et plus jeune qu’elle de plusieurs années. Le lieutenant général dut intervenir devant le tribunal pour défendre le jeune couple contre les prétentions abusives de Mme Hertel de Rouville qui avait entrepris de faire annuler le mariage ; elle y réussira d’ailleurs.
L’administration de la justice par le sieur de Leigne semble avoir été bonne et impartiale. En 1731, Gilles Hocquart* écrit de lui au ministre Maurepas : « Je n’ay d’ailleurs que de bons témoignages à vous rendre de son application à rendre la justice et à faire observer la police dont il est chargé dans la ville de Québec. » Cependant, de Leigne s’était rendu coupable d’une faute que le ministre lui reprocha sévèrement. L’intendant Hocquart prit sa défense : « on ne peut être, écrit-il au ministre, plus sensiblement touché que l’a été le Sieur André de Leigne, de la réprimande que vous lui avez faite sur la conduite qu’il a tenu [...] je vous demande, Monseigneur, en grâce d’oublier la faute de cet officier qu’il a bien reconnue ». La faute dont parle Hocquart se rapporte à l’épisode final de la longue querelle entre l’intendant Claude-Thomas Dupuy* et le gouverneur Charles de Beauharnois. De Leigne s’entendait parfaitement avec Dupuy, et, quand il y avait différend entre le gouverneur et l’intendant, il prenait infailliblement le parti de son supérieur immédiat. C’est ainsi qu’il avait tenu tête à Beauharnois, d’une façon que celui-ci jugea désinvolte, sur la question du logement des gens de guerre. De plus, quand, en mars 1728, le gouverneur suspendit l’exécution de toutes les ordonnances émises par l’intendant contre Étienne Boullard* et le chapitre de la cathédrale de Québec, de Leigne préféra, comme d’autres officiers, suivre l’intendant qui défiait l’injonction du gouverneur. Lorsqu’il était sûr de son droit, il se montrait inflexible, comme son ami Dupuy.
Pierre André de Leigne remplit bien sa charge de lieutenant général civil et criminel jusqu’en 1744, alors qu’il démissionna et se retira chez sa fille Louise-Catherine, à trois-Rivières, où il mourut le 7 mars 1748.
AN, Col., C11A, 50, pp. 126ss, 345s. ; 55, p. 114 ; Col., E, 174, pp. 1, 2s., 5ss, 32s. (copies au APC) ; Minutier central, Étude XI, 15 janv. 1694 (contrat de mariage de Pierre André de Leigne), 30 mars 1694 (procuration de Pierre André de Leigne), 24 mars 1696.— ANQ, greffe de Jacques Barbel, 20 déc. 1720 ; Greffe de J.-É. Dubreuil, 16 juin. 1724 ; Greffe d’Henry Hiché, 14 nov. 1733, 11 et 12 nov. 1734, 13 janv., 28 juin. 1735.— Inv. de pièces du Labrador (P.-G. Roy), I : 139.— P.-G. Roy, La famille André de Leigne (Lévis, 1935).
Jean-Claude Dubé, « ANDRÉ DE LEIGNE, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/andre_de_leigne_pierre_3F.html.
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Auteur de l'article: | Jean-Claude Dubé |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |