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ALEXANDER, WILLIAM, comte de STIRLING, qui a laissé dans son pays natal le souvenir d’un érudit, d’un poète, d’un courtisan, fut le favori de Jacques Ier et de Charles Ier d’Angleterre dans leurs relations avec l’Écosse ; et de ce côté-ci de l’Atlantique, il passe pour avoir fondé la Nouvelle-Écosse sous l’égide des deux monarques ; né vers 1577, mort en 1640. Bien que de notre côté de l’Atlantique les lecteurs s’intéressent surtout à son activité colonisatrice, celle-ci ne peut être comprise qu’en fonction de ses œuvres poétiques, qui lui valurent tout d’abord d’être connu du souverain, puis d’obtenir sa faveur et son aide.
Né dans le village de Menstrie, William Alexander reçut une formation classique complète à l’école secondaire de Stirling, sous la direction de Thomas Buchanan, neveu de George Buchanan, précepteur de Jacques VI d’Écosse, et il fréquenta probablement l’université de Glasgow. Il fit le voyage circulaire en Europe (France, Espagne, Italie et Hollande) à la fin du siècle, comme compagnon de son parent, le septième comte d’Argyll, qui le présenta à la cour par la suite.
Avant d’être accueilli à la cour de Londres, il avait acquis une certaine renommée comme poète grâce à sa Tragedie of Darius, publiée à Édimbourg en 1603 et dédiée à Jacques VI.
Cette œuvre fut réimprimée à Londres en 1604, en même temps qu’une autre tragédie intitulée Cræsus. L’une et l’autre reflètent sa formation classique et laissent entrevoir le caractère essentiel de ses œuvres poétiques. (Aurora, suite de sonnets publiée la même année, était évidemment une œuvre antérieure ; dans A Paraenesis to the Prince, il tente d’obtenir les bonnes grâces du roi.) Ces poèmes furent suivis en 1605 de The Alexandrean Tragedy, et en 1607, d’un recueil de ses tragédies, y compris Julius Caesar, pièce écrite dans l’intervalle. Cette édition dit que l’auteur est un gentilhomme de la maison du prince.
Cette année-là, on lui accorde les droits aux mines et aux richesses minérales de la baronnie de Menstrie et il partagea avec son beau-père, à parts égales, une rente de £200. (En 1601, il avait épousé Janet, fille de Sir William Erskine, parent du comte de Mar ; elle lui donna dix enfants, soit sept fils et trois filles. Pendant qu’il gravissait l’échelle de la renommée, la Providence lui dissimula le fait qu’un de ses petits-enfants, âgé de huit ans, devait jouir pendant quelques mois seulement du legs d’un vain titre par primogéniture.) En 1608, Alexander et un de ses enfants devinrent les agents de perception des dettes dues à la couronne en Écosse de 1547 à 1588, moyennant une commission de 50 p. 100 ; et en 1609, il fut créé chevalier.
En 1612, il écrivit An Elegie on the Death of Prince Henrie et fut nommé gentilhomme-huissier de la maison du prince Charles. Deux ans plus tard, il publiait Doomes-day, or, The Great day of the Lords Judgement, son dernier recueil poétique de quelque importance. Son œuvre lui avait valu et continua à lui valoir des louanges chaleureuses des écrivains de son temps, en particulier de Drummond de Hawthornden. En outre, le roi Jacques l’avait choisi pour collaborer à la traduction des Psaumes du roi David.
C’est donc en qualité de personnalité littéraire ayant des relations étroites avec l’Angleterre et l’Écosse qu’il fut nommé, en 1614, maître des requêtes pour l’Écosse, – sa fonction principale consistait à écarter de la cour d’Angleterre les Écossais nécessiteux – et, en 1615, membre du Scottish Privy Council, qui était alors la plus haute autorité consultative pour les affaires d’Écosse. C’est à ce double titre qu’il fut le plus étroitement associé au roi Jacques et que, ayant mérité sa plus entière confiance, il parvint à gagner son ardent appui pour ses entreprises coloniales.
Durant son séjour à la cour, Sir William, bien qu’il continuât comme poète de condamner la futilité de l’ambition humaine, fraya néanmoins avec ceux qui favorisaient l’expansion de l’Angleterre outre-mer ; il se rendit compte de l’absence de toute participation de son pays à cette expansion et, en fier Écossais, il commença à rêver de se faire une renommée en détournant vers une colonie qui porterait le nom de l’Écosse le flot constant de ses jeunes compatriotes qui alimentait les guerres continentales.
Il demanda tout d’abord au capitaine John Mason, gouverneur de Terre-Neuve de 1615 à 1621 et auteur de A briefe discourse of the New-found-land, de lui céder, à Terre-Neuve, l’espace nécessaire pour établir une plantation. Grâce à l’intervention de Mason, on lui concéda la partie nord-ouest de l’île, depuis la baie de Plaisance (Placentia) jusqu’au golfe Saint-Laurent ; il baptisa ce coin Alexandria, mais il ne l’utilisa pas, parce qu’un plus grand dessein se dégagea des entretiens qu’il eût, sur les conseils du gouverneur Mason, avec Ferdinando Gorges, trésorier d’un organisme de création récente appelé Council of New England. (En 1620, on réorganisa les compagnies de Londres et de Plymouth qui, en 1606, s’étaient vu attribuer, sous le nom de Virginie, des territoires situés entre les 34e et 45 e degrés de latitude nord, et la partie septentrionale de ces territoires, poussée jusqu’au 48e degré de latitude, fut concédée au Council of New England.)
Agissant selon le conseil de Mason, Alexander fit comprendre au roi Jacques que le seul moyen de porter les Écossais à émigrer serait de créer à leur intention une nouvelle Écosse comparable à la Nouvelle-France et à la Nouvelle-Angleterre ; le roi fit part de ses désirs au Council of New England et celui-ci lui céda tous ses territoires sis au nord de la rivière Sainte-Croix. Sur quoi le roi ordonna immédiatement au Scottish Privy Council de préparer une concession de territoire en faveur de Sir William Alexander. Signé le 10 septembre 1621 (vieux style), l’octroi créait Sir William, du moins en principe, lord propriétaire de tous les territoires maintenant compris dans les provinces atlantiques et la Gaspésie – ce coin de pays devant porter à jamais le nom de Nouvelle-Écosse ou Nova Scotia.
Malheureusement, cette concession comprenait le territoire revendiqué et occupé, en principe, par les Français, sous le nom d’Acadie. Charles de Biencourt, ce grand méconnu, et son petit groupe de Français et leurs alliés indiens étaient les représentants officieux des droits de la France dans toute la région, et cette même troupe devait jouer, sous la direction de Charles de Saint-Étienne de La Tour, un rôle important dans la reprise des revendications françaises et l’échec final des projets de colonisation de Sir William. Mais au cours des six années durant lesquelles ses titres demeurèrent à peu près incontestés, Alexander ne réussit pas, malgré la faveur continue dont il jouissait auprès du roi Jacques et de son fils Charles, à établir en permanence un seul colon dans ce vaste domaine.
Il n’y a guère lieu de s’en étonner si l’on considère son manque d’expérience antérieure des affaires pratiques, la difficulté d’allier les rôles de rêveur et d’homme d’action, et l’ampleur de la tâche qu’il s’était imposée ; il devait, en effet, refaçonner à lui seul le sentiment national écossais et créer, parmi le public, un climat favorable à ses entreprises, tandis que, par contre, les promoteurs des établissements de la Virginie, de la Nouvelle-Angleterre et de Terre-Neuve étaient nombreux et avaient l’appui du peuple anglais.
Si Sir William manquait d’expérience, en revanche il ne manquait ni de courage ni de ténacité. En 1622 il loua, à Londres, un navire qu’il envoya à Kircudbright recueillir des colons et des provisions ; mais le départ fut retardé par l’hésitation des artisans à s’enrôler et par l’insuffisance des approvisionnements. Après avoir essuyé une tempête près de l’île du Cap-Breton, le navire déposa les colons à Saint-Jean, dans l’île de Terre-Neuve, et retourna à Londres pour se ravitailler. En 1623, Sir William envoya un autre navire prendre les colons, mais on constata que certains de ceux-ci étaient morts, que d’autres étaient partis faire la pêche, et qu’il en restait d’ailleurs un trop petit nombre pour établir une colonie. Dix d’entre eux décidèrent néanmoins de partir sur le navire à la recherche d’un emplacement propice pour une future colonie. Ils explorèrent le littoral jusqu’au cap Nègre, atterrirent à Port-Joli et à Port-au-Mouton, recueillirent des impressions favorables sur les beautés naturelles et les ressources de la région, mais retournèrent à Terre-Neuve, d’où ils s’embarquèrent pour l’Angleterre avec des pêcheurs des côtes de l’Ouest de l’Angleterre, tandis que le navire prenait sans leur aide sa propre cargaison de poisson. Il semble que le reste du groupe primitif se soit fondu dans la population de Terre-Neuve.
Cette première expédition de Sir William, qui aurait coûté, paraît-il, £6 000, se solda par une description plutôt vague mais très fleurie de la Nouvelle-Écosse, description qu’il inclut dans sa brochure intitulée An encouragement to colonies ; publiée en 1624, on y retrouve aussi une carte sur laquelle figurent certains noms écossais. Ainsi, la rivière Sainte-Croix devient la Tweed, la rivière Saint-Jean, la Clyde, et l’ensemble du territoire est réparti en deux provinces, l’Alexandrie et la Calédonie.
Dans cette brochure, Alexander fait l’historique de la colonisation depuis Abraham jusqu’aux Espagnols, aux Français et aux Anglais, en passant par les Grecs et les Romains ; il relate les péripéties de sa première entreprise, brosse un tableau enchanteur des fruits de cette expédition pour le gentilhomme et le bourgeois, pour le marchand et le missionnaire, et implore le roi de favoriser ses projets en donnant à entendre qu’il s’agit d’une entreprise royale, ce qui aurait pour effet d’encourager le public « à accorder son aide, comme il l’a fait dans d’autres régions, pour une cause semblable » – allusion évidente à l’aide consentie par le roi à la plantation, de l’Ulster par la création de chevaliers-baronnets initiative qui valut à l’échiquier royal la somme de £225 000.
En réponse à cette supplique, le roi Jacques informa le Privy Council of Scotland de sa décision de conférer la dignité de chevalier-baronnet à tout Écossais digne de ce titre qui s’engagerait à fournir un certain nombre de colons contre la concession d’une partie de la Nouvelle-Écosse et il donna l’ordre au conseil de préparer une proclamation en ce sens, laquelle parut le 30 novembre 1624 ; on offrait une baronnie et le titre de chevalier-baronnet à quiconque s’engagerait à armer, vêtir et approvisionner six hommes pendant deux ans, et ce dans un délai d’un an et un jour après avoir accepté cet honneur, au coût de 2 000 merks et de 1 000 merks à remettre à Sir William contre cession de ses intérêts dans la baronnie. Cette offre n’ayant suscité aucun preneur, le roi écrivit au conseil le 23 mars 1624/1625 pour offrir des baronnies contre paiement en espèces de 3 000 merks à Sir William, qui devait affecter 2 000 merks à l’approvisionnement des colons. Quatre jours plus tard, le roi Jacques mourait sans avoir vu créer un seul baronnet ni partir un seul colon ; mais sa mort ne signifiait pas le retrait des faveurs royales : Charles 1er était, lui aussi, bien disposé à l’égard des entreprises de Sir William et pendant les cinq années qui suivirent il fit tout en son pouvoir pour rallier l’appui de la noblesse et de la gentilhommerie écossaises. Avant la fin du mois de mai 1625 il avait créé huit baronnets contre paiement comptant, les domaines devant avoir trois milles de profondeur et six milles de longueur, et, le 12 juillet, il renouvelait la charte de 1621 avec de nouvelles dispositions qui prévoyaient un total de 150 baronnets et l’incorporation de la Nouvelle-Écosse dans le royaume d’Écosse, de manière que Sir William et les baronnets pussent prendre possession de leurs domaines lointains au château d’Édimbourg sans avoir a se rendre en Nouvelle-Écosse.
Malgré ces débuts prometteurs, la réponse à la nouvelle charte fut décevante. Les petits barons s’opposaient aux privilèges spéciaux offerts aux chevaliers-baronnets. Pour régler ce problème, Charles réduisit à un grade inférieur le secrétaire d’État pour l’Écosse, qui avait approuvé les protestations des petits barons, et il le remplaça par Sir William. Toutefois, le 25 juillet 1626, on n’avait encore créé que 28 baronnets et même si Sir William avait reçu de chacun la somme de 3 000 merks, il n’aurait disposé que de £4 666, 13s. 4d. pour financer son projet de colonie, soit beaucoup moins que les £6 000 que lui avait coûté sa première tentative, pour laquelle il avait un mandat du roi Jacques, mandat resté d’ailleurs impayé.
Aussi, le 25 juillet 1626, le roi Charles autorisa-t-il un comité du conseil à se réunir souvent à intervalles fixes pour veiller à ce que les candidats au titre de chevalier-baronnet satisfissent aux exigences d’Alexander et que celui-ci fût disposé à céder les terres indiquées, et leur accorder cette dignité sur-le-champ. Par cette même commission, le roi attribuait des armoiries à la province. (C’est à cette commission que remontent les armoiries et le drapeau actuels de la Nouvelle-Écosse.)
Un seul baronnet ayant répondu à cette invitation au 3 mars 1626/1627, Charles écrivit donc de nouveau au conseil pour le presser d’agir, ajoutant qu’à moins qu’on ne créât le nombre prévu de baronnets, Sir William serait complètement ruiné, puisque les deux navires qu’il armait lui avaient déjà coûté plus qu’il n’avait reçu.
Voici, en résumé, le récit des créations subséquentes de baronnies. Malgré des exhortations répétées, 14 requérants seulement se présentèrent en 1627, 21 en 1628, 7 en 1629, et même après l’offre d’un insigne spécial (le 27 novembre 1629), 11 en 1630 et 4 en 1631. On n’avait donc attribué que 85 baronnies de 1625 à 1631 lorsque Sir William reçut l’ordre de céder sa colonie de Port-Royal aux Français, et que la création de chevaliers-baronnets fut devenue un simple moyen d’obtenir de l’argent par la vente de titres. De fait, on créa 25 baronnets de 1633 à 1637, après la reddition de Port-Royal.
Jusqu’en 1627, Sir William n’eut que deux problèmes à résoudre : le manque de fonds et l’hésitation des Écossais à émigrer. Mais au printemps de cette année-là, il dut faire face à la concurrence de la puissante Compagnie de la Nouvelle-France (les Cent-Associés) que le cardinal de Richelieu avait organisée à Paris pour présider aux destinées de la Nouvelle-France et contester les titres de Sir William à la Nouvelle-Écosse. Le début des hostilités entre la France et l’Angleterre amena aussi l’entrée en scène de nouveaux aventuriers, notamment les frères Kirke qui, par leurs brillants faits d’arme, menaçaient pour le moment de supplanter Alexander dans l’estime du public. En 1628, après avoir menacé Québec, les Kirke s’emparèrent, près de Gaspé, de vaisseaux ravitailleurs appartenant à la Compagnie de la Nouvelle-France, emmenèrent comme prisonnier en Angleterre, Claude de Saint-Étienne de La Tour, qui retournait en Acadie après avoir réclamé l’aide des Français contre les Anglais, et demandèrent au roi de leur accorder le monopole du commerce au Canada, sous l’égide de la couronne d’Angleterre.
Entre-temps, au mois de février 1627/1628, Sir William, dont le fils aîné, William, commandait déjà une expédition à destination de la Nouvelle-Écosse, avait persuadé le roi d’ordonner que toutes les parts de prise prélevées en Écosse lui fussent remises et de lui attribuer la seigneurie du Canada, soit une zone de 50 lieues de chaque côté du Saint-Laurent depuis son embouchure jusqu’à l’étendue d’eau imaginaire appelée « Mer du Sud ». Il s’opposa à la requête des frères Kirke et, avec l’appui du Privy Council of Scotland, obtint un compromis en vertu duquel les groupes rivaux consentaient à agir de concert sous l’égide de l’Angleterre et de l’Écosse.
Il fut donc délivré à Sir William Alexander, le jeune, et à d’autres, le 4 février 1628/1629, une commission leur attribuant le monopole du commerce dans le Saint Laurent, avec pouvoir de confisquer les marchandises et les navires de tout intrus, de capturer les vaisseaux français ou espagnols et de déloger les Français (Royal letters, 47).
C’est en vertu de cette commission que les Kirke s’emparèrent du fort et du poste de traite de Québec et emmenèrent Champlain et d’autres Français prisonniers en Angleterre. C’est aussi en vertu de cette même commission que Sir William aida le jeune James Stewart, Lord Ochiltree, à établir une colonie éphémère au port de la Baleine, dans l’île du Cap-Breton, – ces colons furent délogés deux mois plus tard par Charles Daniel, – et que, sous la conduite de Claude de La Tour, il établit à Port-Royal une colonie qui eut une existence précaire jusqu’en 1632.
Sir William, fils, décida de rester à Port-Royal durant l’hiver de 1629–1630 et de renvoyer ses navires dans la métropole pour y prendre des provisions et des renforts ; il dépêchait aussi en Angleterre Claude de La Tour muni d’un projet d’accord pour la signature de son père, accord en vertu duquel Claude et son fils Charles devaient recevoir une grande baronnie (s’étendant de Yarmouth à Lunenburg) en échange de leur allégeance et de leur aide. Il envoyait aussi en Angleterre le chef indien Segipt, ainsi que sa femme et son fils, qui allaient rendre hommage au roi Charles.
Au cours de l’hiver de 1629–1630, Sir William réussit à réunir des provisions et des renforts pour sa colonie, confirma l’accord conclu avec Claude de La Tour, qui épousa une dame écossaise, créa, celui-ci chevalier-baronnet et le renvoya au mois de mai muni de lettres patentes pour son fils Charles. Cependant, son propre fils rentra à l’automne de 1630 porteur de mauvaises nouvelles – 30 des 70 colons étaient morts pendant l’hiver, Charles de La Tour avait refusé d’accepter le titre de chevalier-baronnet créant ainsi une situation humiliante pour Claude de La Tour à l’égard aussi des pionniers de Port-Royal. De son côté, le fils constata que son père luttait avec acharnement contre la cession de la Nouvelle-Écosse à la France aux termes du traité de Suse, conclu le 23 avril 1629, en vertu duquel Français et Anglais étaient convenus de se restituer mutuellement tous les territoires et tous les navires capturés après cette date. Les négociations traînèrent pendant deux ans. Les Anglais reconnurent avoir pris Québec après la conclusion du traité, mais ils prétendaient que Port-Royal avait été fondé dans un pays jusqu’alors inoccupé auquel ils avaient droit par voie de découverte, et que leurs titres avaient été confirmés par la charte de la Virginie, la conquête d’Argall les chartes de 1621 et de 1625, ainsi que les hommages du chef indien. Les Français exigèrent la restauration et de Québec et de Port-Royal dans leur situation originelle, sans quoi l’occupant jouirait d’un avantage injuste dans les négociations. En désespoir de cause le roi Charles – qui se trouvait alors dans des difficultés financières, s’entendait mal avec le Parlement et souhaitait toujours recevoir la moitié de la dot de sa femme, que les Français ne lui avaient pas encore versée – consentit à ordonner à Sir William de retirer ses colons et leurs effets, puis de détruire le fort et les autres habitations.
Bien que rédigées en 1631, ces instructions ne furent remises aux Français pour transmission aux colons de Port-Royal qu’un an plus tard, le roi ayant exigé que la part impayée de la dot de sa femme fût d’abord versée à son banquier. Elles réduisaient à néant les tentatives de colonisation de Sir William (nonobstant ses relations subséquentes avec le Council of New England) et son espoir de redorer son blason, car dès la fin de 1632 on avait évacué la colonie et le mandat de £10 000 que le roi avait remis à Sir William pour le dédommager de ses pertes ne lui fut pas payé. Le monopole de la frappe des pièces de cuivre en Écosse, qui lui fut attribué à l’époque, ne suffit pas à rétablir l’équilibre de sa situation financière. Lorsqu’il expira, le fardeau de ses dettes était tel que ses créanciers assiégèrent son lit de mort à Londres et empêchèrent son inhumation dans l’église de Stirling de se faire dans le calme.
Il avait joui jusqu’à la fin de la faveur royale quant à l’attribution de titres (vicomte Stirling, Lord Alexander de Tullibody, 1630 ; comte de Stirling, 1633 ; et de Dovan [Devon], 1639) ; cependant, cette faveur dont il jouissait eut moins de poids auprès du roi que la dot de la reine et ne réussit pas à sauver la colonie. D’autre part, l’étroite collaboration qu’il accorda à Charles lorsque celui-ci tenta d’imposer l’épiscopat à l’Écosse lui coûta l’affection d’un grand nombre d’Écossais qui n’étaient ni ses créanciers ni ses débiteurs.
Bien qu’il dût s’écouler deux siècles avant que la Nouvelle-Écosse devînt une réalité grâce à des Écossais qui émigrèrent sans aide, sa principale entreprise coloniale ne peut être considérée comme un échec total tant que survit le nom de Nouvelle-Écosse et que ses citoyens chérissent leur drapeau et leurs armoiries.
Champlain, Œuvres (Biggar), VI : 50, 210.— [Sir William Alexander], The Earl of Stirling’s register of royal letters, relative to the affairs of Scotland and Nova Scolia from 1615 to 1635, ed. C. Rogers (2 vol., Edinburgh, 1885).— Mémoires des commissaires, II : 193–276 et Passim ; Memorials of the English and French commissaries, I : 38–43, 114, 141–144, 552–568 et passim.— APC, Report, 1884, Note D, lx-lxii ; 1912, 21–53.— PRO, CSP, Col., 1574–1660.— Royal letters, charters, and tracts (Laing).— DNB.— G. P. Insh, Scottish colonial schemes, 1620–1686 (Glasgow, 1922).— Henry Kirke, The first English conquest of Canada (2nd ed., London, 1908).— McGrail, Alexander (où l’auteur prétend que Port-Royal a été colonisé en 1628 plutôt qu’en 1629).
D. C. Harvey, « ALEXANDER, WILLIAM, comte de STIRLING (mort en 1640) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/alexander_william_1577_1640_1F.html.
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Auteur de l'article: | D. C. Harvey |
Titre de l'article: | ALEXANDER, WILLIAM, comte de STIRLING (mort en 1640) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |